KABBALE
KADOS[C]H
KELLERMANN,
KEMAL
KILWINNING
KIPLING
KLOSS
KNIGGE
KRAUSE






KABBALE
K-01.JPG (38K) (ou cabale) L'étymologie de « Kabbale » signifie, en hébreu, « la tradition » mais également « le don, le cadeau la chose reçue et le fait d'être en présence de... ». Cette mystique juive connaît son apogée aux XIIIe et XIVe siècles. Elle se présente d'abord comme le commentaire de la Torah. Elle recherche son sens caché dont elle conduit l'exégèse, en relation étroite avec la tradition secrète qui aurait coexisté tout près de la religion originelle des Hébreux. Les textes fondateurs sont supposés chiffrés, symboliques, et le kabbaliste part toujours à la quête du secret* le plus sacré et donc le plus dissimulé dans les sons, mots et lettres de l'alphabet qui les composent et qui recèleraient la signification ontologique de l'univers. En attribuant un caractère sacré à l'alphabet hébreu, la Kabbale accorde une valeur numérique à chacune des lettres* dont l' interprétation livre la clef d'une difficulté théologique majeure en résolvant, par exemple, le paradoxe central d'un Dieu transcendant, inconnaissable tout autant qu'ineffable et le mystère de sa présence au monde. Ce problème, ainsi formulé, est essentiel à l'ésotérisme* kabbaliste qui tente de comprendre l'énigme posée par l'existence du Dieu vivant et pourtant inconnaissable, du Dieu révélé et à jamais caché.

Deux thèmes cardinaux de la Kabbale ont pénétré certaines obédiences* maçonniques soucieuses de rompre avec des courants rationalistes dominants, surtout au XVIIIe siècle, par l'intermédiaire de la gnose qui prolonge l'ésotérisme hébraïque. En premier lieu on retrouve parfois dans la franc–maçonnerie spéculative une symbolique des nombres*, proche de la numérologie kabbaliste. C'est ainsi que des « cherchants » établissent des correspondances entre les « grades » ou degrés de la « hiérarchie » maçonnique et certains nombres dotés de propriétés intrinsèques. Le grade d'apprenti* serait ainsi consacré à la connaissance et à la compréhension symbolique des nombres 1, 2, 3 et 4.

Le compagnon* étudiant dans le même esprit 4, 5, 6 et 7 les nombres 7, 8, 9 et 10 étant réservés à la maîtrise.
Ces croyances, solidaires d'une arithmologie mystique, supposent que des nombres, dotés d'un rythme propre et de valeurs hiératiques, sont des idées.
On peut ainsi lire dans une publication de la Grande Loge Nationale Française* que « le rite est un nombre mimé »
En son sens traditionnel, le nombre sert à manifester la structure du réel.
« C'est le nombre pythagoricien sur lequel l'univers tout entier repose, celui qui engendre la musique des sphères. » Le paragraphe s'achève avec cette citation du conseiller d'Eckarthausen: « Qui sait calculer avec les nombres de la Nature, celui–là trouve les rapports éternels des choses, la progression de l'Unité, les lois de la Nature les rapports du corporel et du spirituel, des forces des effets et des causes. Il définit l'espace et la durée des choses et calcule le passé et l'avenir.
" Ces conceptions néoplatoniciennes et néopythagoriciennes, se trouvent dans l'un des livres de référence des kabbalistes, Sefer Yesira (Livre de la Création), qui, entre le IIe et le Ve siècle exposait la doctrine des sefirot, consacrée à la magie des 10 nombres et des 22 lettres de l'alphabet hébraïque.
Les correspondances subtiles entre lettres et nombres révélaient l'énigme de la Création .
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En second point, la Kabbale met en évidence une conception singulière de l'homme défini comme microcosme.
Le sens pro fond de l'homme et celui de sa présence au monde ne seraient intelligibles qu'au sein de correspondances d'analogies intimes et nécessaires qui dissimulent le secret des choses.
La connaissance de ces réseaux analogiques permettrait de comprendre tous les autres règnes par sympathie et même d'agir sur chacun d'eux toujours par la maîtrise des combinaisons sacrées entre lettres et nombres.
Cette tradition occultiste favorise la mise en ouvre de techniques fondées sur l'usage secret de forces que l'on suppose surnaturelles.
La doctrine aboutit alors à une magie à une Kabbale pratique nommée aussi ars cabalistica qui se distingue de la dimension purement spéculative.
Mais si l'on parvient à dépasser la mauvaise réputation dont souffre tout ce qui est qualifié de kabbalistique, il convient de rappeler que la Kabbale est une doctrine d'initiation dont l'ésotérisme vise d'abord l'accomplissement spirituel de l'initié et c'est cette dimension symbolique et initiatique qui est retenue par les diverses obédiences maçonniques.
A l'intérieur de certaines d'entre elles, des frères parmi les plus mystiques, sont parfois ouverts et attentifs à ses enseignements.
Le Grand Orient de France* se montre plus circonspect à l'égard de théosophies qui entretiennent des rapports étroits avec l'occultisme ou la magie.
C'est dans cet esprit que « l'instruction pour le premier grade symbolique d'apprenti » souligne que l'initiation maçonnique demeure ésotérique mais qu'il convient de refuser « toute assimilation de cet ésotérisme naturel à l'occultisme ».
Cette interprétation fautive « constituerait une défiguration majeure de l'initiation maçonnique ».

Sur un plan moins discret et moins magique aussi, il ne faut pas sous–estimer la valeur de certains des symboles de la Kabbale dans l'ouvre de Gérard de Nerval qui ne fut pas étranger aux interrogations de la franc–maçonnerie, ainsi que le confirment certaineS pages du Voyage en Orient. Le Golem, de Gustav Meyrink, est également riche en thèmes kabbalistes. On peut aussi déceler la présence rayonnante de cet ésotérisme dans la Melancolie, d'Albrecht Durer. On ne saurait enfin négliger l'influence des thèmes kabbalistes sur les sectes illuministes et les cénacles occultistes qui s'employaient à combiner lettres et nombres, selon les enseignements primordiaux, en faisant référence à l'alchimie*, à la magie et à l'astrologie. Ce sont ces conceptions que l'on retrouve dans l'ouvre de Paracelse, de Jacob Boehme, de Valentin Weigel et dans une large part de l'ésotérisme chrétien .

Vl. B.


KADOS[C]H
K-04.JPG (24K) Grand Élu, Grand Inspecteur, (grand) Chevalier Kadosh, Prince Katos, Chevalier élu, Kadosh de Sudermanie ou Chevalier de l'Aigle Blanc et Noir sont quelques–unes des diverses appellations de ce grade. Une phrase d'un rituel contemporain résume cette situation: « Son nom fut autre, et le même pourtant. »

Sa généalogie demeure difficile à établir, mais, si l'on suit Claude Guérillot, il semble s'inscrire dans la continuité du degré d'Élu, consacré à la vengeance d'Hiram*, au–dessus duquel apparut un Grand Élu tendant vers la « sainteté » (d'où la symbolique verticale de l'échelle) prenant progressivement la coloration chevaleresque qui est la sienne.

Dès 1750, on trouve à Quimper un haut grade templier pratiqué par un chapitre de Chevaliers Élus dont les statuts et le catéchisme présentent diverses caractéristiques du futur grade, notamment l'échelle « misterieuse»

Le texte introduit également une nouvelle filiation entre Kadosh et essénien: « Ces sept maîtres ainsi distingués des autres se nommèrent élus en vertu du choix que Salomon en avait fait [...] ils formèrent une société au–dessus des autres maîtres, laquelle après la construction du temple s'accrut et devint recommandable, ceux qui la composaient étaient connus sous le nom de pharisiens [...]. Les pharisiens dégénèrent [...] quelques–uns d'entre eux réguliers observateurs des lois et de la morale des premiers élus formèrent une société particulière et prirent le nom hébreu de kadosh qui signifie saint ou sépareil est aussi désigné par la lettre hébraïque kal et sont connus sous [le nom] Desseens. »

Le manuscrit de Quimper éclaire donc sur les origines du Kadosh et il est quasi identique à celui dit « G. J. G. ou chevalier Kados «connu aussi sous les titres de Chevalier Élu, de Chevalier de l'Aigle Noir » de Vincent Labady (Paris, 1781).
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En avril 1761, une lettre adressée par des maçons de Metz à des frères de Lyon* signale,un grade de « Grand Inspecteur Grand Élu », arrivé avec un militaire français Jean–Baptiste de Barailh. Antoine Meunier de Précourt*, maître de la loge Saint–Jean des Parfaits Amis sise à Metz l'explicite l'année suivante dans une correspondance à Willermoz*. Notons que divers indices montrent que la « légende templière » était présente dans la maçonnerie Lyonnaise dès la décennie 1750. Si le 23 mars 1762 les frères messins renient solennellement ce grade celui–ci connaît déjà un succès certain et il devient le degré ultime et la clé de voûte du système pratiqué par la première Grande Loge de France* et son cercle intérieur et dirigeant le Grand Conseil de Grands Inspecteurs Grands Élus. De cette décennie, on connaît plusieurs autres rituels de ce grade. Les uns insistent plutôt sur l'échelle mystérieuse, mais d'autres semblent plus proches des grades d'Élus. Le cahier de « Grand Inspecteur Grand Élu » de la collection de Mirecourt en témoigne. Son catéchisme* commence ainsi: «
( Êtes–vous Chevalier Grand Élu ?
–Oui, je le suis.
–Comment vous appelez–vous ?
–Le chevalier K–S. »

Cette « tendance » accorde une importance remarquable au thème de l'échelle mystérieuse largement présent dans la mystique médiévale. À la même époque, on trouve une « sous–famille » plus vigoureusement templière avec le « Chevalier Élu ».

Le thème templier va aller croissant dans les divers rituels de Kadosh et cela explique sans doute en partie la série de condamnations maçonniques. Ainsi, le 21 septembre 1766, il est déclaré « faux, fanatique, détestable tant comme contraire aux principes et au but de la maçonnerie que comme contraire aux principes et aux devoirs d'Etat et de religion » par le « Conseil Souverain des Chevaliers d'Orient » sous l'autorité de Jean–Pierre Moët. En 1778, le Convent des Gaules condamne le grade de Kadosh « dans lequel on s'occupe de cette chimère de rétablissement » de l'ordre du Temple*. Quoi qu'il en soit, « le Chevalier Kadosh ou Chevalier de l'Aigle Blanc et Noir », « nec plus ultra de la maçonnerie ». devient le 24° dans le Rite de Perfection.

La légende templière et «l'échelle mystérieuse » sont désormais étroitement liées. Le Kadosh est intégré dans le Rite Écossais Ancien et Accepté*, dont il constitue le 29", puis très rapidement le 30° en France. alors que cette évolution est plus lente aux États–Unis. Le cahier de « Kadosh philosophique ou Grand Élu Chevalier de l'Aigle Blanc et Noir » (1805) comprend quelques innovations pour l'introduction des quatre salles pour la réception. Des modifications plus importantes concernent l'échelle car la signification du nom des montants changent. Le droit e signifie qu'une des bases fondamentales de notre ordre est d'adorer l'Être suprême et de lui rendre un culte dégagé de superstition »et le gauche « signifie que l'autre base fondamentale de notre ordre est de travailler continuellement au bonheur de l'humanité ». Désormais les échelons descendants reçoivent les noms des sept arts libéraux. Néanmoins par deux fois en 1806 et 1808 le Suprême Conseil de France précise que le grade ne doit être donné que par communication.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le Kadosh désormais pratiqué par toutes les obédiences* françaises conserve sa double constance historique d'etre à la fois un grade éminemment syncrétiqueé aux multiples variantes rituelles. Il garde sa fonction de grade philosophico–symbolique terminal avant les trois degrés dits administratifs. Présentement on peut ainsi isoler un modèle qui se retroUve peu ou prou dans les divers rituels actuels. La loge des Kadosh (Sublime Aréopage ou Conseil philosophique), présidée par un « Grand Maître»ou « Grand Commandeur » qualifié de « trois fois puissant » doit théoriquement présenter quatre appartements pour les réceptions. L'habillement des chevaliers, le cordon noir et le bijou* (croix teutonique émaillée de rouge ou aigle noir à deux têtes portant une couronne avec un poignard dans ses serres) ont de très nombreuses variantes. Dans tous les textes, l'essentiel de la cérémonie est l'ascension et la descente symbolique de « l'échelle mystérieuse (mystique) ». La légende templière est plus ou moins intégrée a la réception La philosophie du grade est l'action sur laquelle les gloses divergent assez fortement. Si les mots associés aux deux montants (Amour de Dieu [de la Verité] –Amour du prochain ou de l'Humanite ») demeurent inchangés, ceux qui sont en relation avec les deux fois sept barreaux ont été l'objet d'innombrables modifications. Toutefois, les rituels s'accordent plus ou moins sur la titulature* des offices* (Grand Juge ou Grand Servant d'armes, par exemple), les heures symboliques d'ouverture et de fermeture des travaux (La nuit commence–Le. point du jour), la batterie* (sept coups par trois fois deux plus un), le mot sacré (Nekam Adonaï) le mot de passe* le signe* et la symbolique de l'aigle bicéphale, noir et blanc .

Y.H.M.


KELLERMANN,
François Étienne Christophe, duc de Valmy (Strasbourg, 1735–Paris, 1820) Issu d'une famille noble originaire de Saxe, Kellermann est soldat à l'âge de 15 ans. Il combat pendant la guerre de Sept Ans (1756–1763) en qualité de capitaine en second, puis se distingue à Bergen en 1759. Il est capitaine des volontaires du Dauphiné en 1760 quand il fait prisonnier 300 grenadiers ennemis à Orsten. Il réorganise la cavalerie en Pologne en 1765–1766 « par son intelligence et son instruction » et mérite le grade de maréchal de camp en second des hussards de Conflans en 1788. Commandant militaire en Alsace au moment de l'invasion prussienne, il est placé sous les ordres de Dumouriez au moment de Valmy. Il accède à la notoriété en prenant possession de Longwy et de Verdun le 25 août 1792. Le ministre de la Guerre Servan le nomme au commandement de l'armée de Metz. Il est à son tour relevé le 5 novembre 1792 et, en décembre, le gouvernement le nomme commandant en chef de l'armée des Alpes. Le 14 août 1793, il commande au siège de Lyon. Le Comité de salut public l'accusé alors d' intelligence avec l'ennemi et il est traduit devant le Tribunal révolutionnaire et emprisonné à l'Abbaye. Il échappe à la guillotine puis, le 15 janvier 1795, il est. réintégré dans son grade et nommé commandant en chef de l'armée des Alpes et d'ltalie jusqu'en octobre 1795. Sous le Directoire il est placé dans la réforme et nommé membre du Comité militaire et inspecteur général des troupes.

Après le 18 Brumaire, Bonaparte le juge « brave soldat, avec beaucoup de bonnes qualités, mais privé des moyens nécessaires pour la direction en chef d'une armée ». Il est cependant couvert d'honneurs grâce aux titres de Grand Aigle de la Légion d'honneur en 1801 sénateur, maréchal de France (1804) et duc de Valmy en 1807. S'il n'occupe que des commandements à l'arrière, son action dans l' institution maçonnique a son importance car ce maçon de longue date est. depuis 1803 Grand Garde des Archives* du Grand Orient*. Il est également vénérable* d'honneur de la loge* Saint Napoléon à Paris, à partir du 22 septembre 1804 jusqu'à la chute de l'Empire*. C'est toutefois en raison de son action pour le rapprochement du Grand Orient et de la Grande Loge Écossaise que son nom brille au Panthéon maçonnique. En 1804, il est en effet l'un des protecteurs, avec M,asséna*, de la Grande Loge Générale Écossaise constituée le 22 octobre par de Grasse–Tilly*. Le 6 juillet 1806 il est nommé à la présidence de son consistoire. En 1811 il est député du Grand Orient. Il était 33". Mais, bien qu'il joue un rôle important dans le Rite Écossais son action est éclipsée par celles de Grasse–Tilly et de Cambacérès*. En 1812, il est placé à la tête du corps d'observation du Rhin où il organise les renforts destinés à l'armée d'Allemagne. À la chute de l'Empire, il se rallie aux Bourbons: Louis XVIII le fait gouverneur militaire de Strasbourg et pair de France en 1814. Il siège jusqu'à sa mort, en 1820, à la Chambre haute parmi les libéraux.

P.–Fr. P.


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KEMAL
Namik (1840–1888) Homme de lettres et penseur politique, Namik Kemal est une des principales figures du mouvement des Jeunes–Ottomans dont l'action fut notable dans la modernisation et l'introduction des idées libérales dans l'Empire ottoman*. Il fut initié à la franc–maçonnerie* en 1872–1873 dans la loge* Proodos du Grand Orient de France* (créée en 1868). Cette loge était l'une des premières loges maçonniques d'istanbul* à avoir accueilli des musulmans en grand nombre et permis que la franc–maçonnerie s'intégrât davantage dans le tissu oriental en utilisant un rituel en langue turque. Namik Kemal qui possédait déjà son système de philosophie politique avant de rallier la loge a pu néanmoins s'entretenir là avec de nombreux autres penseurs et écrivains réformistes ottomans, et à des libéraux persans en poste à l'ambassade d'lran*. Elle initia secrètement en 1876 le futur sultan Mourad alors gagné aux idées libérales.

Kemal aimait comparer les idées des Lumières* à la pensée politique traditionnelle de l'islam. Montesquieu* était son maître en science politique et il pensait que la Constitution française, mieux que celles des autres États européens, pouvait servir de modèle à l'Empire ottoman. On peut noter un parallélisme très net entre les idées exposées dans ses écrits et celles avancées par la franc–maçonnerie de son temps. Kemal a pu trouver dans la franc–maçonnerie un laboratoire d'idées et un centre de solidarité intellectuelle. Il a influencé la société de son temps par la publication de plusieurs ouvrages et d'innombrables articles dans des périodiques dont il était lui–même l'éditeur, dans lesquels il apportait, outre son projet de synthèse entre l'islam et la pensée occidentale, certains concepts politiques clefs (patrie, liberté, progrès, constitutionnalisme.. ) qui ont marqué des générations de penseurs jusqu'à Ziya Gokalp (1875–1924), le principal idéologue de la Turquie* moderne. Accusé, avec d'autres Jeunes–Ottomans de comploter contre le sultan, Namik Kemal fut exilé, en 1877, dans les îles grecques; il y mourra en 1888.

La loge Proodos a souffert des mesures prises contre les libéraux ottomans et s'est vidée de ses membres turcs vers 1877, au moment où s'imposait le pouvoir autoritaire du sultan Abdoulhamid 11.

T. Z.


















KILWINNING
K-06.JPG (29K) (Mère Loge n° O) En 1738, Ramsay* affirme que «Jean, lord Stuart, Grand Maître de la maison du roi d'Écosse amena notre science de la Terre sainte en 1286 et établit une loge* à Kilwin en Écosse ».Il s'agit en fait de Kilwinning, une petite bourgade située dans le comté d'Ayr. Alexander Lawrie, au début du XIXe siècle déclare qu'il est de notoriété publique que Kilwinning est le berceau de la maçonnerie écossaise. Cependant les premiers registres de la loge de Kilwinning ne datent que de 1642 et tout au plus peuton citer les Statuts Schaw de 1599 qui font référence à cette loge. Si Kilwinning fut la première loge d'Écosse, elle ne put jamais le prouver et, en 1743, elle se plaint d'avoir été classée deuxième, après St Mary's Chapel sur le registre de la Grande Loge d'Écosse*. Déçue de ne pas obtenir gain de cause auprès de cette dernière, elle fait scission en 1744 et ne la réintègre qu'en 1807... ce qui a pour effet de faire faire une scission à St. Mary's Chapel pour quelques années, connue sous le nom de Loge Calédonienne et Loges Associées. La situation est réglée quand la Grande Loge accorde à St. Mary le numéro 1, tandis que la loge de Kilwinning recevra le titre amusant de Mère Loge * Kilwinning n° O.

Les extraits des archives* de la loge Kilwinning ont été publiés et commentés par Harry Carr. Selon lui, la loge aurait regroupé une centaine de membres en 1744, ce qui représente un effectif considérable pour l'époque. Elle se comporta en véritable Grande Loge puisqu'elle accorda par exemple, une patente à la loge de Robert Burns* Tarbolton Kilwinning. Elle bénéficie de l'appui des grandes familles écossaises et des Grands Maîtres, du comte d'Eglington, qui subventionna la construction de ses nouveaux locaux attenant à la chapelle de Kilwinning, et d'Alexander Hamilton esquire de Grange. Elle se soucia de ses maçons opératifs*, comme par le passé. Dès 1653–1654, les archives font mention en effet de prêts consentis à des maçons de métier membres de la loge. On sait également qu'en 1736 la loge Kilwinning avait demandé à la Grande Loge dont elle faisait encore partie de dispenser ses maçons opératifs de la contribution au fonds de bienfaisance de l'obédience*, en raison de leurs difficultés financières. Tout au long du XVIIIe siècle, elle accorde donc des prêts à ses membres puis, à partir des années 1780, la loge périclite, perd une grande partie de ses membres et doit renoncer à consentir les prêts qui l'avaient rendue si populaire. Onze membres seulement étaient présents, d'après Harry Carr, à l'assemblée de 1785, destinée à commémorer le centenaire de sa fondation. Curieusement, la Grande Loge de Kilwinning malgré la modestie de ses effectifs, commit la même erreur que la Grande Loge des Modernes*: elle s'endetta pour construire ses nouveaux locaux malgré l'aide précieuse du comte d'Eglington et c'est sans doute ce qui explique qu'elle préféra réintégrer la Grande Loge d' Écosse en 1807.

C.R


KIPLING
K-07.JPG (20K) Rudyard (Bombay, 1865 Londres, 1936) Rudyard Kipling est né le 30 décembre 1865: il est le petit fils de deux pasteurs méthodistes et le fils de John Lockwood Kipling (1835–1911), alors directeur de la nouvelle École d'art de Bombay, et d'Alice Mac Donald (18371910). A partir de 1871, il passe 5 ans en pension dans une famille de Southsea, en Angleterre puis en 1877, est admis au collège United Service de Westward Ho '. à Bideford Bay, dans le Devon, qu'il décrira dans Stalky and Company (1899). Ses études s'arrêtent 5 ans plus tard.

C'est le 20 septembre 1882 qu'il s'embarque pour les Indes*: il s'installe à Lahore en octobre où il devient rédacteur en chef adjoint du journal local, la Civil and Military Gazette et reçoit la lumière dans la loge* Hope and Perseverance no 782. le 5 avril 1886. Cette loge est alors présidée par le colonel G. B. Woiseley. Kipling reçoit une dispense du Grand Maître du District du Pendjab parce qu'il n'a pas 21 ans. Le 3 mai 1886, il est augmenté au grade* de compagnon* et, le 6 décembre à celui de maître*. En janvier 1887. il est élu secrétaire de son atelier et, Ic 14 avril, il est « avancé » au grade de Maître Maçon de marque* dans la loge de Marque Fidélité n° 98, puis élevé au grade de marinier de I Arche Royale dans la loye d'Ark Mariner du Mont Ararat n° 98. Kipling entre au Pionner, à Allahabad et, en mars 1888, il démissionne de la loge mère* et s affilie dans I atelier de sa nouvelle résidence, Independance uJith Philanthropy n° 391, qu'il quittera le 31 décembre 1895. Kipling a écrit articles réciS et poèmes publiés dans la presse anglo–indienne. Certains paraissent cependant dans l'édition métropolitaine du Pionner, ce qui lui vaut une notoriété gu'il ne soupçonne pas.

A partir de 1888, Kipling voyage, se fixe un temps en Amérique du Nord, se marie à Londres, en janvier 1892, à une Américaine, Caroline Balestier, sœur d'un journaliste et éditeur devenu son ami, Wolcott Balestier. C'est alors qu'il produit ses chefs–d'œuvre, le Premier et le Second Liure de la jungle (Jungle Books), en 1894 et 1895. En 1396, le couple Kipling s'installe définitivement en Angleterre dans le Sunrey. En 1897 il publie Captains Coura8eous, et Kim en 1901, puis Just so Stories for Little Children en 1902. Il défend et illustre l'impérialisme britannique durant la guerre des Boers. En 1903, il publie un volume de poésies inspirées par l'Afrique du sud* The Five Nations.

En 1908, Kipling reçoit le prix Nobel et, l'année suivante, en juillet, il entre à la Societas Rosicrucian in Anglia.
Il y choisit comme devise latine: Fortuna non virtute.
Les récipiendaires devant être « membres cotisants d'une loge régulière sous l'autorité de la Grande Loge d'Angleterre », il æ déclare membre de la loge Hope and Perseverance.
Ami de Baden–Powell, supporter actif du National Service ligue qui æ bat pour le rétablissement du service militaire, anti–libéral, Kipling milite au sein de l'aile droite du Parti conservateur et soutient l'effort britannique militaire durant la Grande Guerre.
De 1917 à sa mort, en 1936 il est l'un des membres dirigeants de l'imperial War Craves Commission.
La dite Commission britannique pour les sépultures militaires s'installe à Saint–Omer et, en janvier 1922, une loge y est érigée sous les auspices de la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière (actuelle Grande Loge Nationale Française*) sous le numéro 12 et le titre distinctif The Builders of the Silent Cities (Les Bâtisseurs des Cités Silencieuses).

Après plusieurs années de maçonnerie buissonnière Kipling est fondateur dudit atelier. Il figure également comme membre honoraire de la Motherland Lodge n° 386/ (1918), sise à Londres, mais ne semble pas l'avoir fréquentée. Il est également fondateur (sans fréquentation) de la loge n° 4948, The Builders of the Silent Cities, fondée à Londres en 1927.

Kipling publie encore diverses ouvres notamment Debits and Credits (1926) et Limits and Renewals (1932). En 1927 malgré ses réticences, est fondée la Kipling Society, présidée par un stalky, le général Lionel Dunsterville. Kipling meurt le 18 janvier 1936. Il est enterré dans le Poet's Corner, à l'abbaye de Westminster. En 1937 para t sa discrète autobiographie, Something of Myself(Quelque chose de moi–meme).

Si l'inspiration maçonnique ne domine pas la totalité de l'ouvre de Kipling, l'influence hiramique est présente dans The Man who Would be King (1888 L'homme qui voulait être roi) The Rout of the White Hussards (1888) et With the Main Guard (1890). Le poème My New–Cut–Ashlar (1891, Ma pierre cubique) est la prière d'un artisan maçon: « Quand ma Pierre Cubique, à l'instant ciselée / Transmet franche lumière aux vitraux dérobée / Par ce travail mien quand revient la nuit / Vers Toi, I'Omnivoyant, ma prière s'enfuit... »

Kipling utilise des tournures maçonniques pour exprimer ses idées sur des sujets non maçonniques, dans The Widow at Windsor (La Veuve à Windsor) et The Ballad of East and West (tous deux dans BarrackRoom Ballads, 1892). Dans le recueil The Seven Seas ( 1856), on trouve son texte maçonnique le plus connu, le poème The Mother Lodge (La Loges Mère). Kipling imagine, à partir de références à la maçonnerie spéculative*, une loge dite des Locomotives (007, in The Days Work 1898). Kim (1901) contient (également nombre d'allusions à des valeurs maçonniques.

Le travail, l'effort et la persévérance sont des thèmes présents dans le poème The Palace (1903) qui tend a u mysticisme. Outre le poème maçonnisant A Truthful Song, qui le précède le conte The Wrong Thing (1910)a pour thème la maçonnerie opérative*. C'est dans ce recueil que se trouve le très célèbre poème lf. Enfin, l'action de la loge londonienne n° 5837 Faith and Works en faveur des permissionnaires et des blessés de la Gran(de Guerre a inspiré à Kipling quatre textes dans Debits and Credits (1926), dont le poème Banquet Night (Soir d'agape) et surtout le conte In the Interest of the Brethren (Dans l'intérêt des frères).

Y. H.M.


KLOSS
K-08.JPG (50K) Johann Georg Burckhard Franz (Francfort–sur–le–Main, 17871854) Fils d'un chirurgien renommé, devenu lowton* le 28 septembre 1805 à la loge Zur Einigkeit (L'Union) de Francfort sur–le–Main, loge de son père, Kloss commence la même année ses études de médecine à l'université de Heidelberg puis à celle de Göttingen. Il reçoit le grade de maître* en 1812, est élu vénérable* de L'Union en 1826 et Grand Maître de L'Union Éclectique en 1836.

Il consacre son premier écrit historique, publié en 1840 à Altenburg, à démontrer que la Charte de Cologne, apparue aux Pays–Bas* en 1818 et prétendument datée du 24 juin 1535, est un faux. À l'occasion du centenaire de la fondation de sa loge, il en écrit l'histoire (Annalen der Loge zur Einigkeit) et la publie en 1842. I1 publie en 1844 l'une des toutes premières bibliographies consacrées à la franc–maçonnerie (Bibliographie der Freimaurerei). Également en 1844, il prononce dans sa loge une conférence, (. De l'inadmissibilitté de la tentative d'entraîner les loges maçonniques vers un christianisme positif » qui est publiée en 1845 dans la Maurerhalle. revue que dirige Rudolf Richard Fischer.

Après plus de 18 ans de recherches, Kloss termine en 1847 l'histoire de la francmaçonnerie en Angleterre, en Irlande ,et en Écosse dont la publication est saluée dans la Free–Masons Quarterly Review. Les deux volumes de son Histoire de ,'a franc–maçonnerie en France paraissent en 1852–1853 Ce dernier ouvrage n'a malheureusement jamais été traduit en français. Dans la préface, Kloss explique comment il acquit dans une vente publique, le 7 janvier 1835, 188 des 552 pièces qui composaient les archives* maçonniques du frère Lerouge (1766–1833) qu'avaient utilisées avant lui Thory* et Bésuchet. Ces pièces étaient signalées dans sa Bibliographie.
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En 1943, Douglas Knoop et G.P. Jones ont qualifié Kloss de « père de l'école historique». L'ensemble de la production littéraire de l'historien maçonnique hors pair que fut Kloss confirme leur jugement.

A.B.






KNIGGE
Adolf Franz Friedrich Ludwig, Freiherr von (Bredenbeck, près de Hanovre, 1752–Brême, 1796)

Philippe Karl, Freiherr (baron) von Knigge était vénérable* de la loge Friedrich de Hanovre de 1747 à 1750 et membre du chapitre fondé par Rosa le 4 juin 1762 à Hambourg.
Son fils Adolf refusa toujours d'utiliser la particule von devant son nom.
Après avoir étudié le droit à Göttingen, il est juge à Kassel en 1771, s'établit à Hanau en 1777 où il est nommé chambellan (weimarscher Kammerherr) et termine sa carrière à Brême. Initié le 20 février 1773 à la loge Zum gekrönten Löwen de Kassel, il devient membre de la Stricte Observance* (Eq. a cygno) à Hanau.
Il adresse en 1779 plusieurs lettres à Charles de Hesse dans lesquelles il expose sa conception de la franc–maçonnerie.
Sous le nom de « Philo » Knigge sera l'un des membres les plus célèbres des Illuminaten* mouvement auquel il appartient de 1780 à 1784. Il a combattu la fatuité, l'intolérance, la superstition et l'inégalité avec une ironie qui s'exprime dans les notes manuscrites citées dans le second volume (1824) de l'Encyclopadie de Lenning, qu'il rédige en 1790 en guise de commentaires sur quelques–unes de ses propres ouvres.
À propos de Über den Umgang mit Menschen, livre publié en 1788 consacré aux bonnes manières, qui le rendit célèbre dans toute l'Allemagne: « Traduit en plusieurs langues étrangères.
Dommage que je n'applique pas toujours l'excellent enseignement qui y est prodigué.»
Son Philo's endliche Erklärung, publié la même année, reçoit l,a remarque: « On trouvera ici plusieurs exemples de ce qui peut résulter de l'union des forces et de l'action incessante de ce à quoi peut mener l'enthousiasme sous tous ses aspects, et de la manière dont on peut influencer et abuser des hommes. »

Au début de Beitrag zur neuesten Geschichte des Freymaurerordens (Berlin 1786) Knigge affirme rassembler des éléments épars dans différents autres ouvrages imprimés mais n'indique jamais la source des nombreuses phrases qu'il donne entre guillemets. Le cinquième des neuf dialogues que comprend ce livre contient des indications parfois inexactes concernant von Hund * reprises par Servati en 1787, Fessler en 1803 et Nettelbladt* dans les années 1830. À propos de son propre ouvrage, Knigge notait en 1790: « J'estime avoir appliqué ici un point de vue correct, à savoir qu'il convient de porter un jugement sur l'ordre. Peu nombreux sont ceux qui ont voulu ou qui ont pu comprendre cela. »

B.


KRAUSE
Karl Christian Friedrich (Eisemberg, 1781–Munich, 1832) Ce philosophe, dont la pensée eut une notable influence sur les cercles intellectuels et politiques libéraux au XIXe siècle en Espagne*, en Belgique* et en Amérique du Sud, est l'une des plus éminentes personnalités de la maçonnerie allemande: ses écrits lui valurent les noms de « philosophe de la maçonnene » (Th. Busch), de « père de l'histoire maçonnique » (J. Schauberg) et de « cofondateur de la nouvelle historiographie allemande » avec Fessler (G. J. Findel).
Sa carrière commence en 1799, date à la quelle il devient étudiant à l'université de léna et assiste aux cours de Fichte et de Schelling.
Devenu docteur en philosophie en 1801, il se consacre en 1802 à l'enseignement, donnant des cours en tant que Privatdozent jusqu'en 1814, en même temps que Schelling et Hegel.
Il enseigne également dans les universités de Berlin (1813–1815) et de Gottingen (1823–1831).
Résidant à Dresde entre 1805 et 1813 puis de 1815 à 1823 il développe d'innombrables activités englobant toutes les branches du savoir.

Krause s'initie à la maçonnerie, le 5 avril 1805, dans la loge Archimedes zu den drei Reisbrettem à Altenburg. Son ami et protecteur en était le vénérable* et député* depuis 1801. Fixé à Dresde en 1805, Krause quitte sa loge mère* pour s'affilier à la loge indépendante Zu den drei Schwestem und wahren Freunden dans laquelle l'érudit F. Mossdorf occupait l'office de secrétaire. En 1806, il devient compagnon* puis maître* l'année suivante. Orateur de l'atelier en 1808, il est admis comme Vertrauter Bruder dans le cercle de Dresde du Crosser Bund Scientiöfischer Freimaurer, fondé à Berlin en 1802 par Fessler et garde des relations avec celui du Engbund, fondé à Hambourg par Schröder*.

D'après Urena, on sait que son initiation* eut lieu à un moment crucial d'effervescence et de réforme maçonnique, quand la maçonnerie en Allemagne* voit émerger un courant favorable au « retour à l'ancienne et authentique maçonnerie anglaise » dans lequel Krause se plonge totalement. Ses positions apparaissent au grand jour dans Vier Freimaurerreden et, en 1810, dans L traduction de History of Freemasonrv (Lawrie). Il y ajoute une préface personnelle dans laquelle il plaide pour la liberté d'investigation de l'histoire maçonnique selon des critères scientifiques.

La même année, il publie le premier tome de Die drei altesten Kunsturkunden der Freimaurerbruderschaft. Le second tome paraît en 1813. Tous ses écrits l'impliquent dans la « polémique sur la publicité des écrits maçonniques ». En effet, les « partisans du secret* » s'opposent à la vente aux profanes d'écrits portant sur l'histoire de la maçonnerie et sur le sens des rituels et des constitutions*. Krause, déjà inquiété er raison de la publication de ses deux premiers livres, est soumis à des pressions pour qu'il ne publie pas le premier tome de Die drei ältesten Kunsturkunden. Bien qu'il n'accepte de la vendre qu'aux maçons, il refuse la censure absolue et, le 17 décembre 1810 il est exclu de la loge pour une durée indéfinie.

Mais le contenu de son oeuvre influe tout autant sur son exclusion, car il prétend avoir démontré que la finalité essentielle de la maçonnerie consiste à insuffler aux hommes l'esprit de ce qui est « purement humain ». Selon lui aux étapes de la maçonnerie des opératifs* et des spéculatifs* dans lesquelles celui–ci ne serait que vaguement cor.tenu dans les symboles de construction, suivrait une troisième et dernière étape dans laquelle l'idée directrice de ce « purement humain » deviendrait consciente et permettrait à la fraternité* maçonnique de se transformer en une « alliance de l'humanité » ouverte à tous les êtres humains.

Cette étape maçonnique nouvelle coïnciderait avec le début de la dernière ère d'un processus historique de perfectionnement de l'humanité dont il donne les fondements dans sa philosophie de l'histoire ainsi que dans son ouvre maîtresse, Das Urbild der Menschheit.
Il la recommande, dans le sous–titre de la première édition (1811), « particulièrement » aux maçons. Dans cette oeuvre, Krause déploie précisément l'organigramme de l'idéal vers lequel tendrait l'histoire de la société humaine et au cours de ce processus apparaissent les « sociétés fondamentales de vie » et les « alliances pour la réalisation des fins humaines ».
Les premières englobent de l'individu à l'humanité entière les entités humaines comme la famille, le peuple, les associations de peuples...
Les secondes sont les alliances impliquant la religion, le droit, la science, l'art ou l'éducation, chacune étant conçue de manière autonome dans leur fonctionnement mais liée avec les autres.
En effet le perfectionnement de chacune d'entre elles exige la complémentarité des finalités des unes et des autres.
Cette structure idéale culmine dans « l'alliance de l'humanité » dont l'objectif est de veiller au maintien de l'autonomie de chacune des associations ainsi qu'à leur lien harmonieux et à favoriser entre elles toutes l'idéal du « purement humain ».

Dans le système de Krause, si les « alliances ), pour la religion et le droit sont conçues comme s'étant développées entre l'église et l'État l'instauration de « l'alliance pour l'humanité » doit revenir à la maçonnerie qui est invitée à se défaire de son aspect actuel. Cette conception philosophico maçonnique devait sembler ambivalente à de nombreux frères car aucune conception n'avait autant exalté le rôle de la confrérie maçonnique en l'identifiant au germe principal dans le développement historique de l'humanité. D'autre part, la transformation de la franc–maçonnerie en « alliance de l'humanité » équivaut, dans la pratique à sa dissolution. Les francs–maçons allemands se divisent alors en partisans et adversaires de Krause.

La loge qui l'expulse en 1810 le réhabilite lors du centenaire de sa naissance, et son influence sur la maçonnerie allemande et la société civile est grande. Il joue notamment un rôle certain dans la distinction qui est opérée par juristes et économistes entre société et État et dans la réflexion sur l'éducation des Frôbel.

P.A.