LIMA
LlSZT
LITHOGRAPHIE
LITTRÉ
LIVRE
LOGE
LOGE NATIONALE FRANÇAISE






LIMA
Sebastião de Magalhães (Rio de Janeiro, 1850-Lisbonne, 1928) Fils de deux émigrés portugais, Sébastien de Carvalho Lima et Leocàdia Rodrigues Pinto de Magalhães, Magalhães Lima part pour le Portugal (Aveiro) en 1855.
Il fait ses études à Lisbonne, puis à Coïmbra (1870) où il obtient son baccalauréat en droit (1875).
Il s'illustre alors en tant qu'avocat, journaliste et écrivain, et dirige les journaux portugais Commercio de Portugal (1879 1880), O Seculo, qu'il a lui-même fondé (1881-1896) A Folha do Povo (1898) et A Vanguarda 1899-1911).
Ce sont des journaux de qualité, en bonne partie responsables du progrés de la cause républicaine au Portugal*.
Il écrit aussi de nombreuses oeuvres littéraires (poésie, romans, essais) mais aussi et surtout des oeuvres de propagande en faveur des idées républicaines socialistes pacifistes, internationalistes et ibéristes Quelques-unes ont été traduites dans diverses langues.
Il voyage beaucoup dans toute l'Europe, participe à des congrès internationaux, rencontre des personnalités éminentes et est hautement considéré par l'intelligentsia progressiste de l'époque.


Pendant la monarchie, il est plusieurs fois candidat au poste de député républicain et membre du directoire du Parti républicain portugais.
En 1910, il fait partie de la commission qui sonde les gouvernements français et britannique sur les réactions internationales à une éventuelle proclamation de la République au Portugal.
Une fois le nouveau régime implanté, il est député à l'Assemblée nationale constituante (1911) et sénateur (19111915).
À la suite du mouvement révolutionnaire démocratique du 14 mai 1915, il occupe pendant près d'un mois le poste de ministre de l'instruction publique.
On lui doit plusieurs mesures comme la création d'un conseil supérieur des Beaux-Arts.
En 1919, il reçoit la plus haute décoration portugaise, l'Ordre de la Tour et de l'Épée.
Il est également nommé chevalier de la Légion d'honneur.
En 1921, il fonde la Ligue portugaise des Droits de l'Homme*, et, en 1923, à l'initiative du grand écrivain portugais Teófilo Braga, sa candidature à la présidence de la République est proposée (sans être retenue).


Initié franc-maçon en 1874 dans la loge Persévérance, n° 74 de Coïmbra avec « João Huss " comme nom symbolique il se met ensuite sous le couvert de la loge Ouvriers du Travail n° 160 de Lisbonne où il obtient sa régularisation.
Il fonde en 1892, toujours à Lisbonne, la loge Gomes Freire, n° 177, qu'il quitte en 1904 pour rejoindre la loge Libre Examen, n° 200, et la loge Solidarité, n° 270, qu'il avait lui-même fondée en 1906.
Toutes ces loges appartenaient au Grand Orient Lusitanien Uni.
Au sein de cette obédience* il occupe le poste de président du Conseil de l'Ordre (1906 1907), puis est élu Grand Maître en 1907.
Il est réélu plusieurs fois et occupe ce poste à sa mort.
Il est dans le même temps Souverain Grand Commandeur du 33° du Rite Écossais Ancien et Accepté*, grade qui lui fut expressément attribué par le Suprême Conseil d'Écosse, à Edimbourg*.
En tant que franc-maçon et Grand Maître, il participe à de nombreux congrès et rencontres franc-maçonniques nationales et internationales Après l'assassinat du président-dictateur Sidonio Pais (1918), il est incarcéré pendant plus d'un mois.


Il fut un des francs-macons portugais les plus connus hors du Portugal et un des Grands Maîtres ayant eu un des mandats les plus Longs de l'histoire de la franc-maçonnerie portugaise (1907 à 1928) pendant sa période d'apogée. Dans son dernier discours en tant que Grand Maître, en 1928, il condamne l'oppression du régime dictatorial qui était celle que subissait son pays depuis 1926, et affirme que les concepts de patrie et de liberté sont synonymes.

J.J.A.D.et A.H.de O.M.


LISZT
L-15.JPG (76K) Franz (Raiding, 1811-Bayreuth, 1886) Compositeur, pianiste d'origine hongroise, Liszt commença sa carrière à Paris, en tant qu'instrumentaliste virtuose. Adulé par un public bourgeois épris de prouesses, mais ignorant en l'artiste un être moral et social, Liszt chercha longtemps une « véritable » reconnaissance. Son essai, publié en 1835 De la situation des artistes et de leur condition dans la société témoigne de ses aspirations. L'adhésion à la franc-maçonnerie constitue donc une étape déterminante dans le parcours de cet humaniste, homme d'esprit en quête de spiritualité, sensible aux idées des saint-simoniens* et soucieux d'intégration sociale.

Cette fraternité* Liszt la partage au sein de Der Einigheit (L'Union) de Francfort sur-le-Main. Il y est reçu au premier grade le 18 septembre 1841. À ses côtés se tient son ami Félix Lichnowski, neveu du mécène de Beethoven. Au cours de la cérémonie, Liszt offre quelques improvisations au piano*.

L'année suivante, à Berlin, la loge La Concorde l'inscrit parmi ses membres d'honneur, procède à son élévation au grade de compagnon* le 8 février, puis au grade de maître* le 22 suivant En 1843 Liszt figure sur le tableau* de la loge Prince de Prusse aux trois Épées (Solingue) comme membre d'honneur. L'année suivante, la loge d'Iselohn, La Loyauté Allemande, l'inscrit au même titre sur sa liste. En 1845,l'atelier zurichois Modestia cum Libentate l'accueille également et organise une fête d'adoption* en son honneur (15 juillet).

La philanthropie* maçonnique bénéficie du rayonnement du virtuose. Liszt offre de nombreux concerts de bienfaisance Il joue à Solingue en 1843 à Bordeaux (L'Anglaise) en 1844, à Zurich et à Reims (La Sincérité) en 1845. Les ateliers admettent l'artiste prestigieux élevé au rang de bienfaiteur de l'humanité. C'est ce que démontre le diplôme délivré par la loge d'Iserlohn: « Nous recevons et acceptons le frère Franz Liszt comme membre d'honneur de notre loge, en reconnaissance des grands mérites qu'il s'est acquis par sa manière d'agir, désintéressée et authentiquement maçonnique, pour le bien de l'humanité . »

En tant que compositeur* de musique maçonnique, Liszt n'aurait laissé qu'une oeuvre (sur un poème de Kauffmann) pour la loge de Solingue: un choeur d'hommes avec solo de basse et accompagnement de piano.

On sait que le cheminement de Liszt, jalonné de titres honorifiques, fut aussi marqué d'éloignements. Ainsi, entre 1848 et 1861, son séjour à Weimar l'écarte du milieu maçonnique à tel point,que la loge Prince de Prusse aux trois Épées le radie (1858). La prise de distance s'accentue en 1865: le compositeur entre dans les ordres. Cette décision est l'aboutissement d'un autre cheminement personnel parallèle au parcours initiatique. En effet, Liszt est tertiaire de Saint-François depuis 1856, et s'est installé à Rome en 1861.

L'abbé Liszt cesse donc de répondre aux courriers de ses loges, plus par respect aux exigences de Pie IX que par volonté de rompre. Les journaux maçonniques ne manquent pas d'ironiser sur cette fidélité sans faille et après la radiation prononcée par la loge La Loyauté Allemande en 1865, La Concorde fait état de la même décision au Directoire Fédéral en 1866. En 1874, c'est au tour de la loge-mère L'union (Francfort) d'officialiser la rupture. À cette date, seule la loge zurichoise n'a pas renié Liszt. Ces radiations étaient principalement motivées par l'absence de correspondance entre les loges et le compositeur, et ne signifiaient aucunement son expulsion. D'ailleurs durant les dernières années de sa vie Liszt entretient quelques relations avec le monde maçonnique. En 1881, puis en 1885, il est présent aux concerts organisés par la loge La Discrétion (Bratislava) pour l'élévation d'une statue à Hummel.

Quelques mois après sa mort cet atelier honore la mémoire du compositeur (cérémonie du 8 octobre 1886). Les hommages se succèdent: il y a d'abord celui de Modestia cum Libertate (9 octobre), puis , Celui du journal maçonnique de Leipzig (23 octobre) et, enfin, la tenue* funèbre annuelle de la loge zurichoise (29 janvier j 1889) au cours de laquelle est prononcé u n long éloge.

L'« épisode de 1865 " aurait pu entraîner un divorce car, pour un homme de foi, la menace papale aurait pu être un argument décisif. Mais la quête de Liszt relève d'un engagement autre que celui qui régit adhésions et reniements successifs. Le compositeur construit son id entité et enrichit son esprit par cumul d'enseignement et d'influences. Son système de pensée refuse l'opposition entre l'idéal saint-simonien le catholicisme et l'humanisme maçonnique. Il n'y a pour lui que de possibles, ou souhaitables conciliations. Liszt fut un chercheur, enthousiaste et inquiet à la fois, mû par un désir de perfection de soi et de l'humanité. C'est ce qui fit de lui, pour reprendre la conclusion de Philippe Autexier, un véritable frère.

Chr. N.


LITHOGRAPHIE
L-16.JPG (320K) Si l'histoire de la franc-maçonnerie* est facilement associée à l'histoire politique ou religieuse, les relations entre l'Ordre* et l'histoire des arts et techniques sont peu étudiées. L'exemple de la lithographie nous offre pourtant une belle illustration de son intérêt: nombre de francs-maçons ont participé à son développement et à son perfectionnement, et les archives* maçonniques (diplômes, tableaux* de loges*, couvertures d'éditions musicales) apportent de riches témoignages sur l'intérêt suscité par cette nouvelle technique dans les milieux maçonniques.

Après la découverte du procédé d'impression par gravure sur pierre calcaire par un auteur dramatique bavarois Aloys Senefelder (1772-1834) en 1796, la lithographie fut introduite en France au cours d,es premières années de l'Empire. Après les essais, à Paris, de Bergeret en 1804 et de Baltard en 1807, des Français vont se former à Munich avec Senefelder. Charles-Philibert de Lasteyrie perçoit alors l'intérêt pratique de la nouvelle technique et entreprend deux voyages d'études, en 1812 et 1814, puis fonde un premier établissement. Le ministre de la Police Decazes* propose un privilège exclusif pour la polycopie des circulaires du ministère. Lasteyrie refuse mais d'autres imprimeurs, comme le maçon Engelmann avec qui il a travaillé à Mulhouse, créent leur atelier parisien.

Le développement de la lithographie est rapide: en 1819 on dénombre une vingtaine de presses à Paris et, en province, chaque département est doté d'au moins un atelier. A Mulhouse et à Rouen, où les premières épreuves (1819) sortent de l'imprimerie de Périaux, on sollicite la collaboration de graveurs* comme Brévière. Voyages pittoresques et romantiques dans l'Ancienne France ouvrage en 25 volumes, est édit:é à partir de 1820 sous la direction du maçon Taylor*. Parmi ses collaborateurs, se distingue aussi Eugène Isabey fils et élève du maçon Jean-Baptiste Isabey qui s'essaya aussi à la lithographie. Le frère Carle Vernet adopte la même attitude. Ses reproductions de monuments gothiques ou de vues maritimes attestent de sa maîtrise des contrastes, avec l'utilisation de noirs gras. Son fils Horace appartient à la même génération mais ses convictions bonapartistes le poussent à se consacrer à des portraits de soldats ou des scènes de batailles, ce qui lui valut une interdiction d'exposer au Salon de 1822.

Parmi les peintres qu i adoptèrent la lithographie, on peut citer Géricault, Delacroix, mais aussi le frère Prud'hon. Après 1830, les lithographies de caricatures politiques dont on trouve de premiers exemples chez Delacroix, se développent grâce à Daumier. Outre les illustrations journalistiques, les scènes de moeurs et les imageries de piété connaissent un grand succès populaire.

Sur le plan technique, l'innovation la plus marquante est la découverte de la chromo lithographie, procédé d'Engelmann (1837) obtenu par superpositions de gravures effectuées successivement sur plusieurs pierres encrées d'une teinte différente et qui permet un usage commercial pour les étiquettes les affiches, les « placards » ou les réclames. Il favorise aussi les reproductions de tableaux célèbres. de fac-similés, qui renvoient à une des conceptions originelles de la lithographie. L'histoire relativement courte, du Premier Empire à 1860, révèle donc les apports déterminants de nombre de techniciens et d'artistes francs-maçons dans la progression de la lithographie.

L'autre aspect des relations tient dans la production de gravures maçonniques.
principalement sous la Restauration 11 existe ainsi une lithographie maçonnique, d'inspiration romantique (motifs architecturaux, paysages), mais qui reprend aussi à son compte les scènes de genre et de moeurs.
Jules Hédou cite ainsi les gravures de Tudot père qui ornent les diplômes maçonniques rouennais (vers 1820) et l'éditeur Perruche, membre de La Constance Éprouvée, utilise la lithographie avec une fonction plus illustrative ou didactique qu'ornementale.
La couverture d'une partition qu'il a illustrée, Les devoirs du maçon, en témoigne.
Pour mieux saisir l'importance de la lithographie maçonnique, on peut se référer aux oeuvres venues de Douai datées de 1846 et 1850.
Attribuées au franc-maçon Roubaud.
on remarque les traits nets et la richesse ornementale des temples décorés pour des cérémonies funèbres.
Ces gravures révèlent de nombreux détails (présences d'instrumentistes, noms gravés sur la colonne funéraire, présence de dames, positions des dignitaires.
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) qui viennent compléter les sources manuscrites.
À Castres, le frère Coste perpétue la tradition d'une lithographie au service de l'édition musicale en publiant un recueil de chants du frère Bruguière.
En couverture, une allégorie représente les Arts et la Maçonnerie avec, au sommet de cette construction picturale un globe rayonnant.
La loge, à laquelle appartiennent les deux frères, s'appelle L'Harmonie Universelle.
Suivant les influences de son temps et l'engouement général pour l'eau-forte la maçonnerie délaissa progressivement la lithographie dans les années 1880.
À la fin du siècle, la maçonnerie eut recours à une toute nouvelle technique: la photogravure.
Chr. N.


LITTRÉ
Émile (Paris, 1801-1881) Né a Paris, Emile Littré passe son enfance à Angoulême et à Cognac. Si sa mère est mimée d'une vive foi protestante et son père incrédule, tous deux communient dans le même amour de la République. fia famille Littré revient s'installer dans la capitale en 1811 après la mort de la hune soeur d'Émile, emportée par le croup. Cette disparition provoque chez Émile une grave dépression, phénomène qui se répétera ultérieurement, à l'occasion du décès de chacun de ses proches (son père en 1827; son frère en 1838; sa mère en 1842; Louis Hachette en 1863).

À Paris, Emile fréquente le lycée Louis-le-Grand, où, parmi ses condisciples figurent Louis Hachette et Eugène Burnouf. Devenu bachelier, il est engagé comme secrétaire par le comte Daru pair de France et membre de l'Académie française; durant les deux années où il occupe ce poste, il apprend l'anglais, l'allemand et l'italien. Il commence ses études médicales en 1823, est reçu à l'internat en 1826 et collabore au Journal hebdomadaire de médecine à partir de 1828.
La Révolution de 1830 le voit combattre, sur les barricades de la Cité. Cette même année, n'ayant plus que sa thèse à soutenir, il décide de renoncer à la carrière médicale, sans toutefois abandonner totalement la médecine. Il continue de fréquenter le service du Dr Rayer à l'hôpital de la Charité; durant une trentaine d'années, à compter de 1848, il soigne gratuitement les pauvres de la région de Mesnil-le-Roi (près de Maisons-Laffitte)~ où il acquiert une maison.

En 1832, il fait paraître une étude sur l'épidémie de choléra et, en 1836, consacre aU:~x grandes épidémies un article que publie la Revue des Deux-Mondes. De 1832 à 1846, il collabore au Dictionnaire de médecine rédigé par Adelon, Béclard, Bérard est aiii, couramment dit Dictionnaire des Trente de concert avec Charles Robin, il assure la réédition du Dictionnaire de médecine de Nysten et la traduction du célèbre manuel de physiologie de Muller. En matière médicale, If se distingue surtout t par la traduction et la publication des écrits d'Hippocrate, qu'il poursuit seul, d le 1839 à 1861. Grâce à ce grand ouvre" il est élu à l'Académie des inscriptions et belles lettres (1839) et devient membre associé de l'Academie de médecine (1858)

Entre-temps, le 26 octobre 18335, il s'est marié avec Pauline Lacoste issue d'une famille catholique et monarchiste. Une fille, Sophie, naît le 18 février 11838. Contrairement a son, père qui avait refusé qu'il fut baptisé, Emile Littré ne s'oppose jamais à son épouse en matière religieuse; leur fille unique reçoit donc- une éducation catholique. Pauline et Sophie Littré collaborent très activement à l'entreprise titanesque du Dictionnaire de la langue française.

Durant toutes ces décennies, Littré s'adonne à de nombreuses autres activités intellectuelles et journalistiques collabore au National-dont il devient le principal rédacteur après la mort d'Armand Carrel-de 1831 à 1851, (donne de nombreux articles à la Revue des Deux Mondes, au Journal des savants, au Journal des Débats, à la Revue germanique. En 1839, il traduit La Vie de Jésus de Strauss, est responsable de l'histoire littéraire de la France à partir de 18414 et édite les ouvres d Armand Carrel en 1857. Dès 1841, il songe à rédiger son célèbre Dictionnaire de la langue française; cependant il ne le met en chantier qu'en 1846; les premiers fascicules sortent en 1863.

Toutefois, la grande aventure intellectuelle de sa vie débute probablement en 1840 avec son adhésion au positivisme qui correspond à son refus de toute métaphysique et lui apporte le système de pensée auquel il aspire; il devient le plus ardent disciple d'Auguste Comte. La rupture avec ce dernier, survenue en 1851–1852, ne l'entrâîne pas à rejeter les thèses positivistes. Il se proclame au contraire le plus sûr gardien de celles–ci. Sa qualité de positiviste lui porte tort en 1863, lorsqu'il se présente pour la première fois à l'Académie française, Mgr Dupanloup menant alors une active campagne contre lui. Il se représente en 1871 et est élu; la cérémonie de réception se déroule en 1873, après l'achèvement du Dictionnaire de la langue française, comme Littré lui–même en a exprimé le voeu. Dès lors, l'évêque d'Orléans ne paraît plus à l'Académie...

La vie intellectuelle de Littré se double d'une vie politique. Il est élu conseiller municipal de Paris en 1848, refuse le poste de ministre de l'instruction publique et des Cultes qu'on le presse d'accepter et demeure ferme républicain durant tout le Second Empire*. Le 16 septembre 1870, il se met à la disposition de Gambetta*, est nommé professeur à l'école polytechnique en janvier 1871 et élu à l'Assemblée nationale le 8 février. Il n'approuve point la Commune*. Elu au conseil général de la Seine en octobre 1871 il en devient le vice–président. Partisan de Thiers, en 1873, il soutient la candidature de Charles de Rémusat contre celle du radical Barodet. En 1875, il est élu sénateur inamovible.

Quelques mois avant son accession au Sénat, le 8 juillet 1875, il est initié par la loge La Clémente Amitié*, en même temps que le linguiste belge Joseph–Honoré Chavée et que Jules Ferry*. En ,raison de son âge et de son état de santé, Emile Littré est dispensé des épreuves de l'initiation*. Il prononce néanmoins un discours relatif aux devoirs envers Dieu–le Grand Orient* de France ne renoncera à la croyance au Grand Architecte de l'Univers* qu'en 1877. Rejetant toute croyance de nature théologique ou métaphysique, Littré se montre alors ferme positiviste en affirmant:.( Aucune science ne nie une cause première, n'ayant jamais rien rencontré qui la lui démenS; mais aucune ne l'affirme, n'ayant jamais rien rencontré qui la lui montrât » (cité par Jean Hamburger). Cette cérémonie d'initiation, qui rassemble une foule immense de francs–maçons, a un retentissement considérable . Pour Le Monde maçonnique, .( depuis l'initiation de Voltaire, le 7 avril 1778, nulle solennité de cette nature n'avait eu l'importance de celle à laquelle nous venons d'assister " (cité par André Combes). Cependant, cette cérémonie suscite diverses protestations de maçons qui l'estiment illégale en raison de la violation manifeste des Règlements généraux. Une pétition diffusée à plusieurs milliers d'exemplaires invite le Conseil de l'Ordre à réunir une commission ad hoc. En la circonstance, le Conseil approuve la conduite du vénérable de La Clémente Amitié, Charles Cousin.

En 1880, Émile Littré publie dans La Philosophie positive une sorte de testament spirituel intitulé « Pour la dernière fois »; il s`y montre toujours étranger à toute métaphysique et à toute religion révélée. Cependant, à l'extrême fin de sa vie, il connaît une évolution intellectuelle et psychologie que qui conserve encore sa part de mystère. Malade, affaibli, durant ses derniers mois il reçoit à diverses reprises la visite de l'abbé Huvelin. Il est baptisé par sa femme in anticulo mortis, sans que l'on puisse savoir si cela a correspondu ou non à son propre vœu, sans que l'on puisse non plus dire si, au seuil de sa mort, ce vœu a traduit une conversion authentique ou la volonté de ne pas affliger sa femme et sa fille, toutes deux profondément croyantes. Il reçoit des obsèques religieuses. Provoquant l'exultation des catholiques et la fureur des francs–maçons et des libres penseurs la mort chrétienne de celui que l'on a appelé « un saint laïque » fait lever des passions dont le souvenir persista longtemps

J.l.


LIVRE
L-17.JPG (344K) Les genres du livre qui prend la franc–maçonnerie pour objet sont dès les origines de l'Ordre* multiples. Les bibliographies d'August Wolfstieg et de Paul Fesch en témoignent. La croissance non démentie du nombre de titres, la rapidité des traductions, la diffusion des principaux ouvrages dans les bibliothèques particulières de maçons, montrent que la franc–maçonnerie* est source de curiosité souvent malsaine, et de profit. Le livre sur la maçonnerie est un miroir ou se reflète l'image que l'Ordre veut se donner, mais aussi la perception que ses contemporains en ont, ou veulent en donner.

Il en ressort des images brouillées qui sont pour l'historien de la franc–maçonnerie une source d'informations essentielle, car affleurent ainsi tensions et contradictions, polémiques et affrontements. Le livre enregistre les lignes de force qui organisent et divisent le champ maçonnique. suffit de penser aux débats sur la participation des femmes* aux travaux de l'Art royal*, dont témoigne déjà l' École des francs–maçons en 1748. Par sa nature polémique, le livre maçonnique tranche ainsi souvent sur les archives* maçonniques où la dimension administrative l'emporte. Il permet également de former sur la sociabilité maçonnique évolution de ses pratiques dans les premières décennies du XVIIIe siècle alors que les archives font cruellement défaut pour cette époque: 70 titres ont été publies avant 1750.

Le premier ouvrage maçonnique imprime est un recueil de chansons écrites es agapes* fraternelles Chansons de la trés vénérable confrairie des maçons libres publié à La Haye, en 1735. L'importance la sociabilité à l'état brut dans la chaleur du temple des amis choisis est d'emblée manifeste Mais c'est très rapidement genre de la divulgation qui s'impose, avec des ouvrages phares comme la Masonry Dissected de Prichard (1730), dont une traduction française circule avant 1743, et Le Secret de l'Ordre des francs–maçons de l'abbé Pérau, publie en 1745. Ces ouvrages ont paradoxalement loué un rôle essentiel dans le développement de l'Ordre maçonnique. Dépourvus de privilèges royaux mais bénéficiant d'une large diffusion ces ouvrages de divulgation ont fait connaître l'Ordre a des milliers de profanes, dont nombre sollicitèrent ensuite leur réception, et ils ont surtout permis de garder la trace écrite des catéchismes* maçonniques et des rituels de réception, quand la règle primitive de la transmission orale et de l'apprentissage par coeur des catéchismes entraînait nécessairement leur altération involontaire voire leur perte.
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C'est ainsi qu'on utilise couramment au XVIIIe siècle les livres de Prichard et de Pérau, pour procéder aux réceptions aux trois premiers grades*. Les francs–maçons ont d'ailleurs été amenés à modifier leurs rituels, leurs signes* et mots de reconnaissance*, afin d'éviter qu'un profane n'entre dans le temple* des initiés. Ce sont des récits de divulgation qui permettent aux francs–maçons ou aux futurs initiés d'Europe orientale et scandinave de se tenir informés des grades et des régimes qui se constituent en Europe occidentale. Le Parfait Maçon et La Franc–Maçonne, tous deux de 1744 apportent déjà d'intéressantes précisions sur les grades supérieurs. Par la suite, une véritable presse maçonnique, en Angleterre, en Autriche et en Allemagne, relaie plus rapidement l'lnformation , en lui assurant une confidentialité toute relative.

Le corollaire du discours de divulgation et des pamphlets hostiles à l'Ordre est l'apologie, par laquelle les francs maçons protestent de la vertu de l'Ordre et de son innocence politique. Les pionniers de la franc–maçonnerie: Anderson*, Uriot*, La Tierce* Tschoudy... sont des hommes du livre. Les apologies et les histoires de l'Ordre maçonnique qu'ils publient et les sollicitations de libraires–éditeurs comme François Varentrapp qui, à Francfort, édite La Beaumelle et L'Histoire, obligation et statut de la très vénérable confraternité des francs–maçons de La Tierce les conduisent à préciser leur conception du projet maçonnique. L'édition maçonnique est fondamentalement européenne et ses centres sont La Haye, Francfort et Leipzig elle utilise le français pour une diffusion élargie de ses titres. Le livre donne ainsi corps, à l'instar des réseaux de correspondances* maçonniques, à la République universelle des francs–maçons. Les loges* et leurs membres n'hésitent d'ailleurs pas à solliciter leurs correspondants pour se procurer les ouvrage, qu'ils convoitent. Mais certains bibliophiles hésitent à les faire figurer dans les catalogues de leurs bibliothèques, quand, à l'image du duc Emmanuel de Croy ils ne les détruisent pas purement et simplement lorsqu'ils ont cessé de travailler la pierre* brute. Leurs héritiers se montrent également réticents à les coucher sur les inventaires après décès. L'histoire du livre maçonnique et de ses réseaux reste donc largement à écrire.

Avec la Révolution, les ouvrages de divulgation se transforment en « discours de persécution », genre dont le philosophe René Girard a démonté les ressorts dans Le Bouc émissaire. Pour expliquer une crise sans précédent, l'effondrement de l'Ancien Régime, les Lefranc (Conjuration contre la religion catholique et les souverains–, qui achève de démasquer les francs–maçons) Galart de Montjoie (Histoire de la conjuration de Louis–Philippe Joseph d'Orléans) Sourdat de Troyes (Les Véritables Auteurs de la Révolution de France), Barruel*, Cadet de Gassicourt (Les Francs–Maçons ou les Jacobins démasqués) et autres Robison (Preuves d`!me conspiration contre toutes les religions et gouvernements d'Europe) recourent à la thématique du complot, dont ils stigmatisent les auteurs. Leurs ouvrages serviront de grille de lecture des événements politiques survenus entre 1789 et 1940 à la frange la plus conservatrice de l'opinion. Sous le régime de Vichy*, le film (Les Forces occultes) vient à la rescousse du livre et de la revue (Revue internationale des sociétés secrètes Les Documents maçonniques*), mais la logique est la même: la décadence de la France remonte à la révolution de 1789, cette anti–Révolution nationale. Les francs–maçons l'ont tramée dans leurs loges comme ils ont tramé la défaite de 1940 Aujourd'hui encore, l'essentiel des publications consacrées à la franc–maçonnerie a bien du mal à échapper à ces trois genres que sont la divulgation, le discours de persécution ou l'apologie.

P.–Y. B.


LOGE
L-19.JPG (273K) Le terme « loge » mot d'origine anglo–saxonne, sert à désigner une habitation ou un bâtiment. Il est mentionné dans les 130 versions des Old Charges* recensées sous différentes dénominations: logia, logge, luge, loygue, loygge.
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Á l'origine, il servait à désigner la cabane en bois ou, le cas échéant l'appentis accolé au mur du chantier, où les maçons travaillaient (en cas de mauvais temps), rangeaient leurs outils, se restauraient et æ repOsaient Ainsi, en 1278, les comptes de la construction de la Vale Royale Abbé! dans le Cheshire mentionnent les salaires versés aux charpentiers chargés d'ériger des logias (loges) et des mansiones (bâtiments) pour les maçons employés sur le chantier. Pour leur part, les registres de la fabrique de l'église abbatiale de York (vers 1355) précisaient, en ces termes, les obligations des maçons: « Un des Maîtres frappait un coup à la porte de la loge et sur–le champ a ils devaient retourner travailler jusqu'à midi. Entre avril et août, après le déjeuner, ils devaient se reposer dans la loge ensuite travailler jusqu'à la première cloche des vêpres. »

La signification du terme s'est progressivement élargie. Il fut utilisé pour désigner un groupe de maçons affectés à un chantier particulier. Ainsi à Canterbury en :429, les archives du prieur permettent de recenser 16 noms de Lathami de la loygge lathamorus (maçons de la loge des maçons).

À l'origine, ces maçons régissaient eux-mêmes leurs affaires internes en application de leurs coutumes professionnelles prémices des règlements du métier définis ensuite par les premières versions des Old Charges.

Par ailleurs, pour les ateliers spéculatifs* les plus anciens, « loge » servait également à désigner le tableau* ou tapis de loge. En 1771, les procès–verbaux de la Royal Cumberland Lodge n° 41, à Bath, relèvent l'obligation faite à un membre de « tracer la loge » sur le plancher du local de réunion.

Enfin, la loge fut parfois assimilée à un coffre dans certaines grandes manifestations maçonniques. Ainsi lors de l'inauguration du nouveau Freemasons' Hall de Londres en 1776, 4 tuileurs* portèrent, à trois reprises, autour du Grand Temple, la loge représentant l'arche d'alliance, puis la déposèrent au centre sur un coussin de velours cramoisi. Dans certains ateliers, elle sert d'ailleurs toujours à recevoir le volume de la Loi sacrée, le livre des Constitutions et la patente de fondation.

Fr. D.
























LOGE NATIONALE FRANÇAISE
L-27.JPG (340K) La Loge Nationale Française est officiellement née le 26 avril 1968 lorsque trois ateliers de la Grande Loge Nationale Française–Opéra* décident de se confédérer pour constituer une nouvelle obédience*. Leurs membres, conduits par René Guilly* alias René Desaguliers (1921–1992), conservateur en chef des Musées de France et fondateur de la revue Renaissance traditionnelle, déclarent ouvrer pour une maçonnerie plus authentique et plus proche de I Art royal original .

La nouvelle fédération maçonnique adopte le 26 janvier 1969 la Charte de la maçonnerie traditionnelle qui précise les textes de référence, fixe les rites* à pratiquer et prescrit les us et coutumes symboliques à respecter. Son titre premier déclare: « La franc–maçonnerie* est de nature spirituelle, religieuse et traditionnelle. Elle a pour but la transformation initiatique de ses membres par la méditation de la loi d'amour de I Évangile de saint Jean et la pratique rigoureuse des usages, des rites et des cérémonies maçonniques. »

La devise de la Loge Nationale Française, God is our Guide empruntée à la Compagnie des Maçons de Londres (1472) rappelle que l'obédience reconnaît et proclame l'existence d'un principe créateur et recteur dit Grand Architecte de l'Univers* .

Une des originalités de la Loge Nationale Française réside dans la simplicité de ses structures administratives, notamment l'extrême légèreté de son exécutif. Chaque année, les délégués des loges* (trois par atelier}, en tenue de Loge Nationale, fixent le taux des capitation adoptent le texte des questions soumises à l'étude des loges, approuvent le rapport d'activité des Officiers nationaux, délivrent éventuellement des lettres patentes aux loges nouvellement constituées ou en cours d'intégration, ratifient s'il y a lieu les conventions et traités avec d'autres obédiences et élisent les membres de la commission exécutive composée d'un Secrétaire, d'un Trésorier, d'un Hospitalier et d'un Orateur nationaux, ce dernier en étant de droit le Président.

La Loge Nationale Française se refuse à toute prise de position dans la cité, mais espère que ses membres plus éclairés par leur vie maçonnique seront capables de faire les choix civiques les plus judicieux. En 1997 la Loge Nationale Française obédience exclusivement masculine. compte 20 loges dont cinq ,( loges d'études et de recherches ». Ses ateliers peuvent pratiquer le Rite Français* traditionnel, le Rite Écossais Rectifié* et le Rite Anglais Émulation*.

Les études historiques rituelles et symboLiques conduites au sein de la Loge Nationale Française ont eu une influence bien au–delà de cette obédience à l'effectif modeste, et sont toujours diffusés dans un certain nombre de milieux maçonniques francophones .

La Loge Nationale Française est liée à divers; organismes qui permettent à ses membres de compléter leurs connaissances maçonniques et de poursuivre leur parcours initiatique au–delà du grade* de maître*. Ce sont le Souverain Chapitre Jean–Théophile–Desaguliers qui pratique le Rite Français* en quatre Ordres le DirectOire et Grand Collège des Loges ÉcossaiseS Autonomes des Gaules qui gère le grade de Maître Écossais de Saint–André (4° du Rite Écossais Rectifié*) et le Souverain Chapitre de l'Arc Royal Confiance au Chardon d'Écosse qui s'occupe également de la maçonnerie « de Marque ». En outre, la Loge Nationale Française à établi des accords de visite et d'amitié avec les principales obédiences de tradition française.

Y. H.M.