DERMOTT Laurence
DESAGULIERS, John Théophilus
DESAGULIERS, Rene:
DESMONS, Frédéric
DESMOULINS, Camille
DESSEAUX, Louis-Philippe
DIACRE
DIDEROT
DISCIPLES DU PROGRES
DITFURTH, Franz Dietrich, Freiherr von
DOCUMENTS MAÇONNIQUES






DERMOTT Laurence
(Dublin, 1720 Londres, 1791) Les historiens de la maçonnerie anglaise n'ont guère accorde d' importance à Laurence Dermott, bien qu'il ait joue un rôle clef dans l'expansion de la Grande Loge des Anciens*. C'est Henry Sadler qui lui rendit enfin justice en 1887 dans Masonic Facts and Fiction, et nous devons à Georges Lamoine d'avoir publie la première édition bilingue de l'oeuvre de Dermott qui servit de constitutions aux Anciens (Ahiman Rezon, Éd. S. N .E S., 1997), permettant ainsi aux lecteurs français de la découvrir

Laurence Dermott avait des origines modestes qu'il se fit un point d'honneur à évoquer dans la troisième édition de son Ahiman Rezon pour répondre aux attaques que les «Modernes*» multipliaient alors contre lui. L'ostracisme social, teinte de racisme anti-irlandais, semble avoir été pour beaucoup dans ce silence. Dermott disait lui-même: «Les Modernes varient en matière de calomnie car, pendant que certains m'accusent de faux, d'autres disent que je suis illettré au point de ne savoir écrire mon nom. Mais le plus étrange est que d'aucuns veulent absolument que je n'aie ni pere ni mère, et que j'aie spontanément pousse dans un carre de pommes de terre d'un potager d'Irlande.»

Les siLences de l'historiographie et les calomnies dont fut victime Dermott nécessitent donc de faire le point sur La figure de proue des Anciens. Laurence Dermott est initie à la loge* n° 26 de la capitale irlandaise en 1740, des l'âge de 20 ans. I1 devient vénérable* de cette loge six ans plus tard. En bon Irlandais, il est catholique. I1 émigre en Angleterre peu après 1746 et est admis dans une loge «Moderne», mais, lorsque se créé la Grande Loge des Anciens, il rejoint les loges «Anciennes». I1 est tour à tour ouvrier peintre, journeyman painter (employé à la journée), puis marchand de vin et courtier entre le continent et les acheteurs an

81ais Son statut professionnel assez précaire attire le mépris de l'aristocratique Grande Loge des Modernes pour un homme qui, malgré ce handicap certain, aspire à de très hautes responsabilités maçonniques. Laurence Dermott est élu Grand Secrétaire en 1752 de la Grande Loge des Anciens; il exerce cette fonction jusqu'en 1771, date à laquelle il devient Grand Maître Adjoint (Députe Grand Master). C'est un poste essentiel puisque le Grand Maître, presque toujours un aristocrate, n'a qu'un rôle honorifique. 11 occupe cet office jusqu'en 1777, puis de nouveau de 1783 à 1787, assurant ainsi la continuité du pouvoir au sein de la Grande Loge.

Ahiman Rezon sert véritablement de constitutions aux Anciens, au même titre que l'ouvrage d'Anderson* pour les Modernes. L'ouvrage, qui connaît de nombreuses rééditions jusqu'en 1813, se compose d'une introduction, d'une profession de foi sur les objectifs de La franc-maçonnerie, rédigée à la fois à l'intention des profanes et des inities, et des « anciennes obligations» et des règlements généraux de l'Ordre. Ces deux dernières parties s'inspirent très fortement du texte d'Anderson. Cependant les références à la franc-maçonnerie ,«opérative» sont plus appuyées chez Dermott que chez Anderson. Contrairement aux Modernes, les Anciens pourront d'ailleurs revendiquer une loge 1 opérative» au XVIIIe siècle: la Domatic Lodge de Londres. Dermott ridiculise les prétentions historiques d'Anderson qui avait date la franc-maçonnerie du Paradis terrestre. Dermott traite ensuite du fonctionnement de la nouvelle Grande Loge, qui est réglemente de façon plus précise et plus démocratique que celui des Modernes. Ainsi, le choix du Grand Maître doit être approuvé à l'unanimité par les membres de la Grande Loge, les officiers de la Grande Loge sont élus et non nommes par le Grand Maître comme chez les Modernes; le déroulement des assemblées de loge est lui aussi réglemente: aucun membre n'est autorise à prendre la parole plus d'une fois sur un même sujet, cela afin de garantir la liberté d'expression de tous et d'éviter à quelques-uns de monopoliser la parole. 11 introduit l' obligation de réciter une prière au moment de l'ouverture et de la clôture des travaux, il fait alors preuve d'un certain éclectisme religieux, puisqu'il propose à la fois des prières chrétiennes et des prières juives. Une prière spécifique sera récitée au 4° celui de Royal Arch*, dont il n'a sans doute pas eu la paternité comme cela à pu être affirme. Dermott accorde beaucoup d' importance au comité de bienfaisance -Committee of Charity-, tout en décourageant l'entrée en franc-maçonnerie de personnes indigentes.

La personnalité de Dermott à souvent été critiquée surtout par les Modernes. Il est certain que l'auteur d'Ahiman Rezon ne pécha pas par modestie, mais cela s'explique en grande partie par la nécessite de faire face au mépris social dont firent preuve ses adversaires à son égard. Laurence Dermott fut la figure de proue des Anciens, il sut faire preuve d'offensive quand il le fallut. Sans son acharnement il est vraisemblable que la Grande Loge des Anciens n'aurait jamais connu cet essor. Dermott arrêta de déterminer la politique des Anciens en 1787 pour des raisons de santé. Il mourut en 1791.
M.-C. R.





DESAGULIERS, John Theophilus
DESAG.JPG (34K) (1683-1744) On sait de Desaguliers, Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre en 1719, qu'il joua un rôle fondamental dans les Constitutions* attribuées à Anderson* et qu'il fut l'un des propagateurs de la science newtonienne, mais on méconnaît en revanche ses positions philosophiques exactes et les liens précis entre le contexte scientifique dans lequel il vécut et le projet constitutionnel et politique qu'il déploya dans la société maçonnique.

Les débuts de sa carrière ont été profondément marques par la nature des liens qu'il entretint avec Newton, président de la Royal Society, et par les motivations politiques qui animèrent son volontarisme. John Theophilus, ne à La Rochelle et chasse de France, dans son très jeune âge, avec son pere huguenot, fait ses études universitaires à Oxford puis entre dans les ordres de l'Église anglicane. Son admission dans l'aristocratie lui permet de consacrer beaucoup de son temps à l'activité scientifique et technique. En 1710, il est chapelain de James Brydges, futur duc de Chandos, puis, après avoir obtenu une rente de William Cooper Lord High Chancellor, il s'approche de la famille royale et s'emploie à la tenir informée des dernières avancées en matière de philosophie naturelle. Il commence sa carrière d'expérimentateur en devenant assistant de John Keill, à d'université d'Oxford, auquel il succède en 1709 dans la fonction de lecteur démonstrateur. Installe à Londres depuis janvier 1713, il acquiert rapidement une solide expérience dont la réputation atteint les cercles de la Royal Society. Le décès en avril 1713 de Francis Hauksbee, curateur des expérimentations aL sein de l'institution ouvre une place que Newton, président depuis 1704, ne peu t laisser inoccupée. John Keill l'informé alors de la compétence de son ancien étudiant et la candidature de Desaguliers est présentée en juillet 1713: il avait d'ailleurs présente de nombreuses expérimentations cette année-la, notamment celle qui portait sur la théorie de la physique du rayon lumineux et des couleurs que Newton souhaitait voir définitivement reçue par la communauté scientifique européenne. I1 est élu sociétaire de la société savante en 1714 et peut-être a-t-il existe un lien entre cette élection fortement soutenue par Newton et la volonté de la Royal Society d'affirmer l'hégémonie newtonienne. Son élection coïncide aussi avec la crise de succession des Hanovre qui durait, et la possible venue à Londres de Leibniz. I1 se peut que élu fellow de la société savante trois jours avant la mort de la reine Anne, Desaguliers se soit alors vu confier la mission de réaffirmer la suprématie newtonienne en matière de philosophie naturelle. De fait, auparavant, Keill avait informé Newton qu'il n'était pas impossible que, sous une semaine, un bateau permît à Leibniz d'embarquer à Hanovre en compagnie de George. Des juillet 1714, Desaguliers reprenait devant les membres de la Royal Society les expérimentations sur le prisme, démonstrations dont il maîtrisait parfaitement l'exercice pour les avoir faites en public à La fin de 1713. Newton à probablement pu apprécier combien Desaguliers pourrait servir la légitimation et la propagation de ses acquis. il intégrera d'ailleurs à sa quatrième édition de l'Opticks des résultats issus directement des expérimentations de son collaborateur

Celui-ci visite plusieurs pays en Europe, en particulier la France, en février 1715. 11 y rencontre Pierre Coste et lui demande de traduire l'Opticks en français. Dans des cours dispenses hors de la Royal Society, le plus souvent à son domicile, il iLlustre l'existence des forces attractives, explique la gravitation comme un principe universel inhérent à la matière, et la cohésion des particules comme une « attraction de nature électrique». En outre, après avoir été ordonne prêtre en décembre 1717-il avait été ordonne diacre de l'Église anglicane en 1710-, Desaguliers obtient, en 1718, le titre de docteur en droit de l'université d'Oxford. La formation juridique qu'il dut acquérir pour y parvenir à marque le caractère philosophique et les visées politiques de l'ensemble de son oeuvre.

Le projet politique de Desaguliers vise à concrétiser l'idée de volontarisme selon laquelle l'homme peut trouver sa dignité dans l'administration des oeuvres terrestres, tout autant que dans sa recherche à connaître le Créateur. Le juriste en explicite les arguments dans Le Système newtonien du monde: meilleur modèle de gouvernement..., édité en 1728, et dédicace au roi George II. Sous le voile de l'allégorie cosmologique. il projette, à partir de l'irréfutabilité du modelé gravitationnel newtonien, un ordre constitutionnel de ta société civile, éclaire par les lois de la gravilation de Newton, et fort éloigne des pratiques parlementaires anglaises du moment car il dénonce les conséquences néfastes engendrées par une justice achetée et la corruption politique qui en découle. Dans Cambria's Complaint, second texte de l'ouvrage, il récuse les arguments des autorités politiques et religieuses, opposées à la substitution du calendrier grégorien au modelé julien. S'adressant aux antitrinitaires, il prévient que « la réconciliation des calendriers ne revient pas à introduire en Angleterre la doctrine religieuse papale », mais peut contribuer à « l'augure de la paix en Europe ». à cet égard, l'engagement en politique de Desaguliers trouve, dans le contexte d'effervescence juridique que connaît la vie parlementaire, une pertinence constitutionnelle. Rappelant le droit, voire le devoir, qu'ont les « patriotes » à résister à des lois opposées au bien commun, il souligne le caractère légitime et inaliénable de leur engagement politique dans la vie de la cite.

Auteur du préambule à l'histoire de la confraternité et des deux premiers articles des Obligations des Constitutions d'Anderson, Desaguliers y avait réalise des 1723 la concrétisation d'un projet constitutionnel et poLitique. Des le préambule, il rappelle que l'homme à été constitue par le Créateur responsable de l'accomplissement des oeuvres terrestres. I1 y établit les prémices du droit constitutionnel maçonnique dont le caractère positif apparaît comme novateur. De fait, la visée juridique des articles constitutionnels prétend à une ambition politique: l'homme, promu individu créateur et sujet de droit au sein d'un espace de sociabilité sépare du droit des Églises, dispose de la capacité juridique d'atteindre à sa dignité par ses oeuvres. Dans De Dieu et de /a religion, le lien est défini qui unit le maçon à la loi morale. La nature juridique de la relation du Créateur-Maître horloger confère un caractère de ce type à la responsabilité du contractant, qui s'engage à accomplir son ouvrage terrestre. Cet engagement rend supérieur l'accomplissement de l'oeuvre par rapport à son appartenance religieuse. Ainsi, l'engagement pris par l'individu de consentir à respecter la loi morale crée un lieu juridique et institutionnel de passage à l'état de sociabilité. Fait juridiquement remarquable, par l'incorporation du contractant à l'espace de sociabilité, cet engagement légitime L'existence juridique même de l'institution. Mais cet espace juridique prive ne rompt pas pour autant les liens du maçon avec les cadres de la sphère civile de la cite à laquelle il appartient. Il est un paisible sujet dans l'environnement civil gouverne par le magistrat suprême. Ainsi, la fonction politique de l'article 1 s'étend à l'article 2, «Du magistrat civil suprême et subordonné». Sa signification est institutionnelle. Prolongeant la vise juridique de la « définition » de l'article 1, la seconde « définition » vient préciser les fins politiques du centre de l'union: construire la cite et en administrer les oeuvres. Le caractère juridique de cette relation qui lie, à la fois, le maçon et l'institution à l'état s'inscrit en parfaite continuité de l'obéissance à la loi morale, puisque celle-ci, dans l'intérêt général des membres de la cite, régit la construction du bien commun. Pour Desaguliers, l'homme à la capacité de comprendre les phénomènes physiques de la nature et de s'approprier la maîtrise des savoirs qui lui assurera les moyens d'administrer les affaires terrestres. Sans que soient rompus, à aucun moment, les liens qui l'unissent au Créateur-Maître horloger, il y trouvera une source de sa dignité.
P. B.





DESAGULIERS, René:
voir Guilly





DESMONS, Frédéric
DESMONS.JPG (150K) {Brignon, 1832 Paris, 1911) Issu d'une famille bas-cévenole huguenote, ne le 14 octobre l832 à Brignon (Gard), Frédéric est le fils posthume de Frédéric Desmons pere, notaire, et de Françoise Emile Bernis. Sa scolarité primaire se passe à Brignon. Ensuite Frédéric commence des études au collège d'Alés, puiS au lycée de Nîmes, où il est. interne à la pension Lavondés qualifiée «d'école préparatoire au ministère évangélique». Bachelier en 1851, Frédéric part pour Genéve où il passe un an à cette faculté Le 11 août 1856, il soutient sa thèse Strasbourg, devant un jury préside par le pasteur Mathias Richard, professeur de «dogmatique calviniste » à la faculté de Théologie de la capitale alsacienne. Elle à pour titre; «Essai historique et critique du mormonisme». Frédéric Desmons est alors nomme pasteur suffragant à Ners (Gard). Le 13 décembre 1856, il est consacre à Vézénobres (Gard). Le 3 mai 1857, il devient pasteur à Vals (Ardéche) puis, le 5 septembre suivant, à Saint-Géniés-de-Malgoires (Gard}. Il y exerce son ministère jus qu'en 1881. Durant ces années, un conflit doctrinal et ecclésiastique au sein de l'Église reformée oppose les « orthodoxes » ( évangéliques) et les libéraux qu'il soutient

En 1860, Frédéric épouse sa cousine germaine, Juliette Bernis.

I1 est initie à la loge nîmoise L'Écho du Grand Orient* le 8 mars 1861. Compagnon* le 5 janvier 1862, maître* le 15 janvier 1863, Desmons est un des membres fondateurs de la loge Le Progrès sise à Saint-Géniès (1867). Á partir de 1868, Desmons représente son atelier au convent*. 11 en devient vénérable* de 1870 à 1888. Au Convent de 1869, il demande l'admission des femmes* en maçonnerie. Comme ses trois autres projets, il est repousse par le Conseil de l'Ordre du Grand Orient. Au Convent de 1871, il présente un voeu favorable à l'amnistie des communards, qui n'est même pas mis aux voix.

En 1873, Desmons est élu au Conseil de l'Ordre et réélu en 1876. L'année suivante, il est choisi comme rapporteur de la commission chargée d'examiner le voeu n° 9 dont le premier alinéa précise «que la franc-maçonnerie n'a point à affirmer dans sa Constitution des doctrines où ides dogmes... » Malgré un certain cafouillage, le texte est adopte paragraphe par paragraphe.

En 1877, le «candidat républicain »Desmons est élu conseiller général de Vézénobres. Après un échec à une législative partielle en 1877, il est élu les 19-26 juin 1881 députe radical du Gard. 11 sera renouvelé en 1882, 1885, 1889 et 1893.

Dans le même temps, Desmons est réélu au Conseil de l'Ordre dont il devient vice-président (1886), puis président (1887 1889). Malgré une attitude quelque peu ambiguë au début du boulangisme*, il est élu sénateur en janvier 1894 et le demeure jusqu'à sa mort. Il siège au groupe de la Gauche Démocratique, préside successivement par les frères Arthur Ranc et Emile Combes*. à son tour, de 1899 à 1902, Desmons préside ledit groupe avant de devenir vice-président de la Haute Assemblée (1902-1906).

11 va également retrouver la présidence du Conseil de l'Ordre du Grand Orient de 1896 à 1898, de IS00 à 1902, de 1905 à I907, et de 1909 à 1911.

Désormais sa vie publique et maçonnique se confond avec la République, le radicalisme* et le Grand Orient. Proche politiquement des frères Léon Bourgeois* et Camille Pelletan*, hostile à Clemenceau, ennemi de toute exclusive à gauche, Desmons soutient les cabinets Waldeck-Rousseau et Combes. IL est mêlé de très près au scandale de l'affaire des Fiches*. Sur le plan maçonnique, le frère Desmons s'opposa, notamment en 190S 1901, aux efforts des ultra rationalistes qui voulaient abandonner peu où prou toute pratique ritualiste et toute référence symboliste Mais surtout, il à essaye de faire de l'obedience* de la rue Cadet le laboratoire politique et culturel du Bloc Républicain. Voulant qu'elle soit également la «structure liante » entre radicaux et socialistes, il favorisa la progression de ces derniers, notamment Arthur Groussier* et Marcel Sembat*, dans l'exécutif du Grand Orient.

Le 20 février 1910 à l'hôtel d'Orsay, on fête, sous la présidence de Gaston Doumergue, son triple jubile matrimonial, politique et maçonnique.

Malade depuis plusieurs années, Frédéric Desmons meurt à son domicile parisien, le 4 janvier 1911. Le 5, une cérémonie funèbre se déroule à la gare de Lyon lors de la levée du corps. Ses obsèques civiles ont lieu le lendemain à Saint Genies.
Y. H.M.





DESMOULINS, Camille
(Guise, 1761 Paris, 1794) Boursier au collège Louis le Grand où il côtoie Robespierre et Fréron, le fils de l'adversaire de Voltaire*, Camille Desmoulins est reçu avocat en 1785. C'est lui qui donna~ le 12 juillet 1789t le signal de l'insurrection de Paris. Rédacteur des Révolutions de Paris et de Brabant, il fut l'un des chefs du Club des Cordeliers et contribua à la Journée du 10 août 1792. Membre de la Convention, il attaqua les Girondins (Les Brissotins}, et s'opposa avec Danton au régime de la Terreur. Rédacteur du Vieux Cordelier, il fut range dans le camp des Indulgents et, finalement, condamne et guillotine le 5 avril 1794. Si on ne sait rien de sa carrière maçonnique, il est cependant atteste qu'il à appartenu, fort jeune, à la Loge des Maîtres, orient d'Amiens, où son nom apparaît après 1776 en compagnie de celui de Calonne, avec le grade de maître.
Ch. P.





DESSEAUX, Louis-Philippe
(Honfleur, 1798-Paris, 1881} Louis-Philippe Desseaux incarne, par la multiplication et l'évolution de ses engagements, les mutations qui touchent la culture maçonnique sous les monarchies censitaires et le Second Empire*.

Devenu étudiant en droit après le retour des Bourbons (1816), il est initie dans sa jeunesse, le 17 juillet 1822, à La Persévérance Couronnée, une loge* rouennaise de constitution récente, majoritairement formée de représentants de la petite bourgeoisie commerçante. Orateur dés 1823, le jeune avocat est vénérable* de la loge en 1835; il la dirige régulièrement durant vingt ans. Conseiller de l'Ordre en 1831 il poursuit parallèlement une brillante carrière professionnelle et politique dans la cite. Bâtonnier des avocats du barreau de Rouen en 1837, il sera réélu neuf fois à cette fonction et également choisi comme membre du Comité Consultatif des communes et établissements publics, de l'assistance judiciaire et du conseil de ville de Rouen. Les événements politiques lui permettent aussi de devenir, en 184S, procureur général à la cour de Rouen.

Acquis au parti républicain réformiste, il est désireux d'éviter à la fois la remise en cause de la propriété et les turpitudes révolutionnaires. Son modelé politique reste d'aiLleurs l'ancien constituant Thouret, auquel il rend un vibrant hommage en 1844 dans un «Éloge prononce à la cour». Le choix qu'il fait de se référer au « père des départements», figure emblématique d'une révolution libérale soucieuse d'arrêter le funeste événement des 89 par la mise en place d'une politique de compromis avec la noblesse, révèle cette sensibilité. Selon Desseaux, il faut d'ailleurs « frapper d'impuissance les théories aventureuses en entrant résolument dans la voie des grandes réformes économiques ». Conseiller municipal en 1845, il devient conseiller général et députe en 1848. 11 refuse la charge de Premier Président à la cour de Rouen en 1849, malgré l'offre faite par Odilon Barrot. Déchu de la députation en 1852, il récupère celle-ci en 1863.

La maçonnerie rouennaise inclinant alors majoritairement vers le républicanisme, il lie pendant ces années engagements profanes et maçonniques dans une relation fondée sur la réciprocité des influences. I1 crée ainsi, en 1842, La Fraternité, une feuille au nom évocateur dont la carrière est arrêtée en 1848. Les loges sont alors, dans cette ville qui est maçonniquement parlant l'une des p]us importantes {six loges actives en 1848), le lieu de rencontre des dirigeants du journal, dirige par le frère Lebreton. En 1843, dans les notices philosophiques inspirées qu'il rédige, Desseaux déclare son idéal politique et social porteur de l'esprit des oeuvres maçonniques rouennaises qu'il à contribue à susciter. Ainsi, après avoir reçu la médaille d'honneur du Grand Orient, il propose aux loges de Rouen de participer aux caisses de secours mutuel en 1848. En 1858, il organise les conférences puis devient président d'honneur du Comité de la Bibliothèque publique de circulation. I1 est également l'un des fondateurs de la Ligue de l'Enseignement (1868} où à Rouen comme ailleurs, les milieux maçonniques sont fortement représentes. I1 est candidat libéral au Corps législatif en 1869. Oppose à la guerre en 1870, il est délégué par la République naissante pour administrer la Seine-lnferieure; il devient préfet de ce département le 4 septembre 1870.

Cette carrière impressionnante fait l'objet de l'admiration des frères rouennais et il n'est pas étonnant que le cinquantenaire maçonnique organise en son honneur en 1872 ait été l'occasion de le célébrer dignement. On y lit les strophes de Lebreton, et Frédéric Deschamps, maçon et grande figure quarante-huitarde rouennaise, fait un discours. Des frères viennent de toute la Normandie et de la région parisienne et le Grand Orient délègue Vienot vice-président du Conseil de l'Ordre, Duhamel, secrétaire, Becourt, Massol* et Renaud, membres dudit conseil. Malgré son âge avance, la carrière de Desseaux n!est pourtant pas totalement achevée au moment où la plus durable des Républiques est encore balbutiante et fragile. De nouveau députe à partir de 1877, il siège à gauche et « meurt au combat », le 3 avril 1S81, alors qu'il est devenu le doyen d'âge de la Chambre.
E. S.





DIACRE
La présence de deux diacres. Officiers* oeuvrant comme messagers entre le vénérable* maître et ses surveillants, est attestée dans les procès verbaux, en date du 2 février 1726, d'une loge* de Cork relevant de l'éphémère Grande Loge Indépendante de Munster. Leur rôle est confirme dans les premières Constitutions irlandaises publiées par John Pennell en 1730. Ils sont également présents dans la procession de la Saint Jean d'hiver à Youghall en 1743, puis l'année suivante dans le cortège funéraire de Dassigny. L'usage fut repris, des 1752, dans les règlements de la Grande Loge des Anciens*, établis par Dermott* qui avait occupe, à deux reprises, cette charge dans la loge mère* n° 26 de Dublin dont il devint le vénérable en 1746.

Cet office particulier ne s'imposa pas toutefois au sein de la Grande Loge des Modernes*, à l'exception notable de 1a vieille loge opérative de Swalwell, province de Durham, le 25 juin 1733, de la loge The Royal Oak, à Chester (1743) et de la loge The Crown, à Bristol (1758) 11 est vrai que ces trois cites sont susceptibles d'avoir accueilli en garnison des régiments irlandais.

La lodge of Promulgation, constituée en 1809 pour favoriser la réconciliation des deux Grandes Loges riva]es, reconnut, dans sa résolution du 13 décembre, la place distinctive des diacres, désormais assistants des surveillants, par rapport à leurs grands rivaux, les stewards.

Sous l'influence du duc de Sussex*, le premier livre des Constitutions de la toute nouvelle Grande Loge Unie d'Angleterre* substitua, en 1815, leur emblème païen de Mercure par la colombe* et la branche d'olivier, symboles de paix dans l'Ancien Testament, qui surmontent désormais leur canne*.
Fr. D.





DIDEROT
DIDEROT.JPG (48K) (1882-1911) En 1882, au sein de la Grande Loge Symbolique Écossaise*, est fondée, à l'orient de Paris {46, boulevard Soult) sous le n° 24, un atelier nomme Diderot qui se signale rapidement par un engagement dans l'aile radicale du « parti » républicain, notamment en se mobilisant pour la laïcité*t le féminisme et les problèmes sociaux.

Cet atelier se fait également remarquer par ses positions hardies lors de l'affaire Dreyfus* Des le 9 janvier 1895, le journaliste Pascal Grousset s'indigner des formes du procès, approuve par le futur ministre Yves Guyot (L'école mutuelle) et par Louis Minot, futur directeur de La Revue maçonnique. L'atelier ne se départira jamais de cette attitude favorable au capitaine.

En 1896, après deux ans de négociations et de tentatives avortées, la Grande Loge Symbolique s'unit à la Grande Loge de France*. Par circulaire du 15 janvier 1897, Diderot « émet l'idée originale de continuer à elle seule, malgré vents et marées, l'ancienne Gr.°.L.°.Symb.°. disparue». En juin avec Les Inséparables de l'Arc-en-ciel, le projet se concrétise. Durant la vie de la Grande Loge Symbolique 11, Dideror (désormais avec le n° I) en constituera le noyau dur. Au demeurant, l'obedience* et la loge, ainsi qu'une Université populaire* Diderot, partagent les mêmes locaux, 8, rue Rondelet.

Le 26 mai 1899 Diderot reçoit les soeurs et frères du Droit Humain. Ensuite, les travaux de Diderot leur sont régulièrement ouverts. Cette attitude entraîne la rupture avec les autres obédiences françaises. Néanmoins la Grande Loge Symbolique 11 persiste. Sa nouvelle constitution promulguée le 15 juin 1901 laisse à ses ateliers la possibilité d'admettre les femmes*. Diderot est encore la première loge à franchir le pas. Le 21 juin, elle affilie Aline Marx et Vera Starkoff, le 19 juillet, Marie Bonnevial... Ces choix sont vécus par Georges Martin comme une concurrence. Le Droit Humain rompt avec la Grande Loge Symbolique Il désormais mixte. Diderot initie également plusieurs profanes de qualité dont Isabelle Gatti de Gamond, fondatrice de l'enseignement féminin laïc à Bruxelles. Le 14 septembre 1904, la toute nouvelle apprentie* maçonne Louise Michel* y donne une conférence sur le féminisme.

A partir de mars I909, après le départ de La Philosophie Sociale, Diderot demeure pendant deux ans la seule loge de l'obedience, avant de rejoindre à son tour la Grande Loge de France en 19l 1.
Y. H. M.





DISCIPLES DU PROGRÉS
DICIPLE.JPG (122K) (Les) (l868 1893) Cette loge* est issue des Disciples de Memphis fondes par le Grand Hiérophante Marconis de Nègre, le 21 mars 1839, au Rite Égyptien* de Memphis. L'obedience* est mise en sommeil par les autorités en l841; la loge est réveillée avec la liberté retrouvée en avril 1848 et fermée après le coup d'Etat du 2 décembre 1851. Elle passe à nouveau à la clandestinité et est reconstituée quand son président, Marconis, négocie avec ses fidèles son entrée au Grand Orient* en 1862.

Le recrutement évolue et l'atelier se rallie, en 1868, au Rite Français*, adoptant le nouveau titre distinctif des Disciples du Progrès. Sous le maillet du cordonnier Sauge, il va se singulariser sous la Commune*, décidant, avec l'accord du Grand Orient, de tenter une démarche conciliatrice entre les insurges et les versaillais. Après avoir obtenu l'accord des élus de la Commune pour rencontrer les gouvernementaux il adopte et tire à 4 000 exemplaires un manifeste généreux et enflamme, qui est insère dans les journaux. t1 invite, au nom des principes patriotiques et maçonniques, les adversaires à cesser les combats et à poser les bases d'une paix definitive.

Montanier, ancien préfet du Gers, conduit la délégation qui est reçue le 11 avril 1871 par Jules Simon, le seul maçon du gouvernement. Selon certaines sources, elle aurait également rencontre Thiers. Le ministre leur aurait conseillé d'adresser ses récriminations à la Commune et se serait engage, au nom du gouvernement, à accorder à Paris les franchises municipales. L'Union républicaine pour les droits de Paris, dirigée par Charles Floquet, est également reçue, ce même 11 avril, par Jules Simon, mais le ministre n'aurait promis qu'une amnistie dont seraient exclus les assassins des généraux Lecomte et Clement Thomas.

Les Disciples du Progrès, le 19 avril, optent pour une seconde démarche et envisagent, en cas d'échec, de se porter, bannières déployées, entre les combattants. Une nouvel le délégation , conduite par L'historien Ernest Hamel, est désignée et autorisée par le docteur de Saint-Jean* à s'exprimer au nom du Grand Orient. Le 22 avril, Hamel fait savoir que la loge à obtenu un sauf-conduit et, qu'accompagnée de trois représentants des chambres syndicales patronales, elle va rencontrer, le 23, le chef de l'état. Elle est officieusement chargée d'obtenir un armistice et de soumettre des préliminaires de paix fondes sur le programme des franchises municipales.

La ligue de Charles Floquet, ce même 23 avril, est reçue par le ministre Barthélemy Saint-Hilaire, puis par deux généraux. Les deux démarches concomitantes aboutissent à une suspension d'armes, le 25 avril de 9 à 17 heures, qui permet l'évacuation à Paris des habitants de Neuilly, des Ternes et de Sablonville.

La délégation maçonnique rencontre le chef de l'état à 15 h. 11 reste de cette rencontre deux récits: le premier, officiel, est rédige par Ernest Hamel, le second est publie par Rochefort dans Le Mot d'ordre. Entre 1 500 et 2 000 maçons se pressent, le 24, devant le local du Rite Écossais pour entendre ce compte rendu, mais, comme le local est trop exigu, ils se rendent sous les applaudissements de la foule au Châtelet, mis à leur disposition par Gustave May, au nom de la Commune. Hamel, après avoir démenti les indiscrétions du Mot d'ordre, entre dans le vif du sujet. Thiers à refuse le principe d'un armistice car, dit-il, les fédérés ne sauraient être considères comme des belligérants mais comme des rebelles

Hamel précise au chef de l'état que la délégation n'est pas mandatée par les insurges, s'indigne de la loi mettant Paris hors du domaine commun et l'invite à faire une nouvelle loi qui pourrait obtenir l'aval des 150 000 neutres qui auraient alors « assez d'influence morale pour ramener la paix dans la cité »

Thiers, en réponse, reproche aux neutres de ne pas avoir aide le gouvernement à « comprimer par la force » la rébellion. Hamel le supplie de permettre aux maçons de devenir «les instruments de la pacification» mais Thiers repond que « force restera à la loi» Phrase terrible qui provoque l'indignation générale et contribue au ralliement de nombreux maçons à la Commune

Pour atténuer le caractère désastreux de ce propos, Hamel évoque, In fine, quelques promesses positives du chef de l'état qui assure que la République ne court aucun danger tant qu'il sera au pouvoir.

Partisans de la conciliation et partisans de la Commune s'affrontent alors dans un débat confus qui aboutit au vote d'une motion menaçante protestant contre le refus d'accorder les franchises municipales Sauge invite les frères à se retrouver le jeudi 26 avril au Châtelet Rien n'est laisse au hasard. Sauge est désormais encadre par le courant conciLiateur. Floquet, qui tient le poste d'orateur, est charge d'écarter tout vote qui engagerait la maçonnerie aux cotes des insurges, mais il ne pourra empêcher le ralliement à la Commune. Sauge, après avoir purge une peine de prison, pour ses contacts avec les insurges. quittera la maçonnerie. Cependant, un autre condamne, le marchand de vins Auguste Bivel, réintégrera la loge après sa condamnation. Elle est alors, en 1876. sous le maillet du grand féministe Léon Richer et, en 1881, sous celui de Ferdinand Camille Dreyfus, publiciste puis députe de Paris. Elie devient un fief radical avec la présence des députes Henry Cheneau, Charles-Ange Laisant, Henri Marmonnier, de sous-préfets, d'avocats, de publicistes... Hélas, cet atelier, si prospère, éclate avec le boulangisme*, et les députes Laisant et Goussot en sont exclus. La loge affaiblie fusionne, en 189S, avec les Vernis Frères Unis Inséparables pour former Les Inséparables du Progrès toujours en activité. La bannière des Disciples du Progrès est une des belles pièces du musée du Grand Orient.
A. C.





DITFURTH, Franz Dietrich, Freiherr von
(Dankersee, bei Rinteln, 1738 Wetzlar, 1813) Juge adjoint au tribunal de Wetzlar, membre fondateur de la loge* Joseph zu den drei Helmen {Joseph aux Trois Casques), créée le 10 décembre 1772 à Wetzlar et dont il est élu vénérable* le 9 janvier 1777, Franz Ditfurth devient membre de la Stricte Observance* (Eques ab Orno) et, d'après Kloss*, Eques professus, le 4 septembre 1776 à Braunschweig* . Le Chapitre * Préfectoral « Kreuznach» ayant été transfère de Francfort-sur-le-Main à Wetzlar le 2 mars 1777, Ditfurth en devient Préfet. Il participe en 1778 au Convent* de Wolfenbuttel au cours duquel les tendances magico-mystiques de Gugomos, Wächter et des Rose Croix heurtent ses convictions. De retour à Wetzlar, il supprime les grades* supérieurs au 4° au sein de son chapitre et tente d'y réintroduire les anciens rituels, convaincu qu'ils étaient les seuls corrects. En mars 1780, influence par le marquis de Costanzo (Diomedes), il devient sous le nom de Minos un membre enthousiaste des Illuminaten * .

Délégué au Convent de Wilhelmsbad, il s'y montre opposant résolu à la légende de la filiation templiére. On connaît la réaction de Willermoz* au discours de Ditfurth, telle qu'elle est rapportée dans la « Réponse aux assertions du f. à Fascia » (1784). On connaît moins les mots que Willermoz prononça à Wilhelmsbad même, tels que Ditfurth les nota: « Le frère ab Orno vient de nous tenir un discours scandaleux, impie, contraire à la foi chrétienne et séditieux, indigne d'être oui par des maçons et par des bons sujets et donc je propose de lui faire révoquer ces discours et de lui faire confesser d'autres principes s'il veut continuer à tenir séance avec nous. » Ditfurth réplique en déclarant avoir commis l'erreur de penser se trouver dans une assemblée de maçons et non dans une réunion ecclésiale du VIIIe siècle. I1 vénère la religion chrétienne unique religion vraie et véritable, mais on ne doit pas la confondre avec les systèmes compilés par des clercs et enseignes par des sectes: Tous les éléments de son discours se trouvent dans des livres autorises par la censure de l'Empire. D'oú sa stupéfaction de s'entendre diffamé par une assemblée de maçons dont le but ne peut consister à défendre l'orthodoxie d'une où de plusieurs sectes chrétiennes parmi tant d'autres, et de voir qu on exige de lui une rétractation. 11 termina en déclarant retirer son discours. L'incident fut clos grâce à des mots apaisants que prononça le prince Carl von Hessen-Kassel. En mars 1783 Ditfurth rédige avec d'autres maçons de Francfort la circulaire qui donnera naissance à l'Eklektischer Bund au développement duquel il prendra une part active.

Le Ditfurth « rationaliste pur sang » décrit par Le Forestier semble éloigne de la réalité car ses convictions religieuses semblent avoir été voisines de celles d'Anderson*. Le portrait qu'en donne Kloss d'après le témoignage de ceux qui l'ont connu, « un homme droit et de bon sens. mais souvent emporte et aux manières brusques», correspond au rapport plein d'humour rédige par Ditfurth peu après avoir quitte Wilhelmsbad.
A. B .





DOCUMENTS MAÇONNIQUES
(Les) Sous Vichy*, des journaux se spécialisent dans la vulgarisation des « secrets* » maçonniques. L'un d'entre eux, Les Documents maçonniques, va constituer (comme il se qualifie) un « véritable journal officiel de l'action anti maçonnique ». I1 naît sous les auspices du Service des sociétés secrètes, dont l'administration centrale comprenait trois sections. Le troisième, dite Études et Productions. se subdivisait en, d'une part, un Cercle d'études historiques, politiques et sociales, destine à centraliser la documentation sur les associations secrètes-principalement la franc-maçonnerie-et à préparer la propagande anti maçonnique. et d'autre part, une revue, Les Documents maçonniques.

Le périodique était dirige par Bernard Fay, professeur au Collège de France, historien du XVIII siècle, théoricien du mythe du complot maçonnique responsable de la Révolution de 1789, par ailleurs administrateur de la Bibliothèque nationale. Ses deux rédacteurs étaient Jean Marques-Rivière, brillant orientaliste, ex-frère en rupture de maçonnerie en ]931, pro-nazi enthousiaste et agent appointe de l'Abwehr, et Robert Vailery-Radot, auteur en 1934 d'un ouvrage de plus de trois cents pages, publié chez Grasset, La Dictature de la maçonnerie.

Le secrétariat général de la revue fut assume, à compter de novembre 1941, par le publiciste Jean de Boistel. Son administration était sise à Vichy d abord au 11, rue Hubert-Colombier, puis à l'hôtel Mondial. Son bureau parisien se trouvait dans Le Musée des sociétés secrètes, 7, rue Saulnier.

La revue était financée par Vichy et contrôlée par la censure des services allemands de l'avenue Foch. Son tirage, parti à 80 000 exemplaires, baissa régulièrement jusqu'en juin 1944 pour passer sous la barre des 15 000, malgré des conditions très avantageuses d'abonnement consenties notamment aux collectivités, et des distributions gratuites.

Les Documents maçonniques disposaient d'une quarantaine de plumes dont les plus prolixes furent B. Fay (31 articles en trois ans), J. Marques Rivière et le journaliste et conférencier latomophobe Georges Ollivier ( 18 articles chacun) . Suivaient Jacques Ploncard d'Assac, chef du service de documentation du Centre d'histoire contemporaine, département spécial crée en 1941 au sein de la Bibliothèque nationale (14 articles), R. Vallery-Radot (13 articles), Henry Coston, ancien directeur de La Nouvelle France devenue La Libre Parole (193S 1939}, fondateur d'un éphémère Front National Ouvrier et Paysan (l933) et animateur principal du Centre d'action et de documentation anti-maçonnique (1941) (9 articles), Yves de Fustec et Charles-Louis Boudet, directeur pour la zone Sud du Service des sociétés secrètes.

Le n° I des Documents maçonniques est date du 15 octobre 1941. Sa périodicité est mensuelle. Divers dignitaires du régime de Vichy n'hésitent pas à s'exprimer dans ses colonnes, notamment les amiraux Darlan et Platon, et les ministres Pucheu où Barthélemy Dans le premier numéro, le maréchal Pétain écrit . « Le relèvement national ne peut se faire qu'au grand jour. Il faut que la France se connaisse et se reconnaisse. I1 faut quelle retrouve ses qualités de conscience intellectuelle et de conscience morale. J'approuve donc entièrement l'entreprise de cette revue qui doit porter la lumière dans un domaine longtemps ignore des Français. » Dans le même numéro, un éditorial de Bernard Fay précisait la ligne rédactionnelle : « Nous pouvons offrir au public un fil conducteur en lui livrant les archives maçonniques telles que nous les avons réunies, sur ordre du Maréchal, chef de l'état... Partout nous avons retrouve la même force en action et partout nous avons constate que ce mal n'était ni ,a son origine ni dans son essence un mal Français, bien qu'il se soit nourri de nos défauts et ait plonge ses racines dans nos illusions. Parasite monstrueux, la franc-maçonnerie à grandi de notre abaissement... »

On trouve dans la revue une série de documents relatifs à la franc-maçonnerie et des analyses socio historiques. 47 articles sont consacres à l'histoire et à l'organisation des obédiences*: 20 à la présentation du symbolisme et de la «liturgie » maçonniques, 20 autres articles dénoncent des hommes politiques maçons où quelques profanes considères comme frères par la revue. Blum et Herriot se retrouvent ainsi parmi les maçons. Mais, surtout, Les Documents maçonniques contiennent des articles typiques de la «latomophobie» (la haine des francs-maçons) débridée du régime de Vichy. Les thèmes traditionnels de la croisade anti-maçonnique se succèdent numéro après numéro. L'article à La maçonnerie, vampire du christianisme » (n° I) commence cette longue litanie. Se ront dénonces le secret et le complot maçonniques :« Comment la franc-maçonnerie asservissait la France »(n° 7, 1941 1942), « Les satellites de la franc-maçonnerie et 'ses créatures" à l'étranger, comme la Société des nations» (janvier 1944) et «Le "profitariat" des frères».

L'anti-semitisme est obsessionnel. I1 se mêle à l'anticommunisme, « La franc-maçonnerie franc,aise, agent de propagande de l'Espagne rouge»(mars 1944), et à l'anglophobie, « La franc-maçonnerie et l'lntelligence service» (mars 1944).

Le dernier numéro est de juin 1944: il fait toujours preuve d'une haine virulente et dénonce « l'activité belliciste de la franc maçonnerie et la guerre de 1939».
Y. H.M.