FERRER GUARDIA, Francisco
FERRY Jules
FÊTES (de la Saint-Jean}
FINANCIERS
FLEURY, André Hercule de
FLÛTE
FRANC-MAÇONNERIE(S)
FRANCE ET COLONIES
FRANCKEN, Henry Andrew
FRANKLIN, Benjamin






FERRER GUARDIA, Francisco
FERRY.JPG (39K) (Barcelone, 1859-Barcelone, 1909) Le pédagogue catalan Francisco Ferrer Guardia est une des personnalités mythiques du laïcisme occidental du XIXe siècle. Bien qu'on le classe souvent parmi les meilleurs éducateurs contemporains, son prestige est davantage dû aux circonstances particulières de sa mort qu'à la réel le valeur de son oeuvre. Fils d'une famille de petits propriétaires terriens, il émigre à Barcelone à 14 ans et sympathise très tôt avec le républicanisme fédéral de la ville. En 1883, il est initié dans~5 la loge Vérité et choisit « Cero » (Zéro)comme nom symbolique. Il y rencontre d'illustres républicains qui le renforcent dans ses convictions politiques et le décident à adopter une mentalité de libre penseur. Animé par un esprit révolutionnaire, il profite de son travail de contrôleur sur la ligne de chemin de fer Barcelone-Port Bou pour servir de lien avec les « zorrillistes » exilés en France. En 1886, après avoir participé à La tentative de putsch anti monarchique, il s'expatrie volontairement et s'établit à Paris jusqu'en 1901.

Lors de son séjour dans la capitale française, son idéologie politico-religieuse de vient plus radicale. En 1890, il s'affilie à la loge Les Vrais Experts. Il atteint le 31° en 1897. Il prend d'importants engagements dans le Grand Orient de France* et lui prête d'éminents services d'information et de représentation. Dans le même temps, il continue de tisser d'importants liens avec le mouvement libre penseur, fréquente les associations qui lui sont attachées, et assiste à tous les congrès organisés par la Fédération française ou la Fédération internationale de la Libre Pensée*. Dans les dernières années du XIXe siècle, il travaille également comme professeur d'espagnol pour l'Association philotechnique, le lycée Condorcet et les cours de commerce du Grand Orient de France. C'est ainsi qu'il fit son incursion décisive dans le monde de l`enseignement.

Dépité par les scandales de l'affaire Dreyfus* et du boulangisme*, et animé par sa propre expérience de l'enseignement ainsi que par l'exemple de P. Robin* et de quelques autres éducateurs anarchistes, il abandonne le combat politique direct et cherche une solution aux problèmes sociaux du côté de l'enseignement rationaliste. En 1901, grâce à l'argent dont il hérita d'Ernestine Meunier, une de ses anciennes élèves, il fonda à Barcelone l'école Moderne, petite école indépendante de l'Église et de l'état où il proposait un enseignement «rationnel et scientifique». Dans la pratique, l'école Moderne n'apporte rien de nouveau dans la pédagogie et prodigue un constant endoctrinement anti étatique, anti nationaliste , anti capitaliste et antireligieux. Elle forme des militants combatifs.

La capacité d'organisation de Francisco Ferrer le conduit également à fonder une maison d'édition et un service d'extension de la culture. Outre ses activités pédagogiques, il soutient financièrement plusieurs journaux, comme la Huelga general (La Grève générale), dans lesquels il fait part des idées de l'enseignement rationaliste et prêche la révolution sociale. En 1906, il est emprisonné en tant que complice présumé de l'attentat avorté contre Alphonse XIII, perpétré par Mateo Morral, un employé de l'école Moderne. Le gouvernement décide de fermer définitivement les portes de l'école. En 1907, il est déclaré innocent et remis en liberté, bien que son prosélytisme soit toujours considéré comme dangereux par le gouvernement et les classes conservatrices. Il n'abandonne pas le combat pour autant et, un an plus tard, il fonde la Ligue internationale pour l'éducalion rationnelle de l'enfance, dont le comité de direction édite la revue L'École rénovée. Cependant, en 1909, il est à nouveau incarcéré et accusé d'être à l'origine de la Semaine tragique à Barcelone. Lors d'un procès irrégulier et arbitraire, il est condamné à la peine capitale par un tribunal militaire et immédiatement fusillé au château de Montjuich. Sa mort, un crime légal, provoque un tollé international. Bien que le « frère Zéro » se soit formellement affranchi des ateliers franc-maçonniques depuis son retour en Espagne, et que la loge Les Vrais Experts lui ail donné son congé en 1908, tant le Grand Orient de France que la Grande Loge Symbolique Régionale Catalogne-Baléares sont parmi les premiers à protester. Le Grand Orient Espagnol se montre beaucoup plus réticent. De même que tous les secteurs progressistes de gauche, de nombreuses obédiences* et loges européennes et américaines réclamèrent alors le titre de « martyr de la libre pensée » pour Francisco Ferrer Guardia.

P. A.





FERRY Jules
(Saint-Dié, 1832-Paris)Jules Ferry entre en maçonnerie, à La Clémente Amitié*, en compagnie de Lettré* et du linguiste belge Honoré Chavée, le 8 juillet 1875. Cette tardive adhésion peut s'expliquer par des affinités philosophiques, des liens personnels et la conjoncture politique. Il est positiviste à un moment où cette philosophie, dans son courant laïque, imprègne la maçonnerie. Ferry fréquente des maçons depuis ses débuts en politique? comme Méline ou Floquet, et sept de ses douze collègues du gouvernement provisoire de 1870 sont des frères {Arago, Gambetta*, Crémieux, Garnier-Pagès*, Pelletan*, Rochefort, Simon). La conjoncture joue un rôle décisif. En 1875, les républicains doivent se regrouper pour faire face à l'Ordre moral clérical, et le Grand Orient* tend à les souder dans la bataille politique qui s'annonce.

La presse accorde une large place à ces trois initiations*. Ferry est reçu pour le compte de la loge l'Alsace-Lorraine*, ce qui se conçoit étant donné ses origines. Mais le vénérable* de La Clémente, Charles Cousin, est aussi un de ses chauds partisans. La cérémonie est spectaculaire. Elle se tient en présence d'Antoine de Saint-Jean* et de treize conseillers de l'Ordre, d'une délégation du Suprême Conseil conduite par Emmanuel Arago. Des centaines de maçons ne peuvent trouver place dans le temple* et doivent la suivre sur le parvis. La séance s'ouvre à 9 h 30. Après lecture des testaments, les profanes sont introduits-Ferry, conduit par Garnier-Pagès, porte un véritable bandeau* et répond à plusieurs questions. Le discours qu'il devait tenir est reporté et seul Gambetta* prononce quelques paroles, soulignant «qu'au moment où le spectre de la réaction menace d'inquiéter la France [...] c'est dans le sein d'une société laborieuse, progressive, libre et fraternelle comme l'est la franc-maçonnerie, que nous trouvons des consolations et des encouragements pour lutter contre les outrages grossiers faits à nos lois physiques, sans cesse violées par les ridicules exagérations et les prétentions sans bornes de l'Église ». Il souligne ainsi que c'est pour renforcer le combat anticlérical que les trois impétrants sont reçus maçons. Au cours de la tenue* ou du banquet* familial qui suit, se presse l'élite du parti républicain avec les maçons Louis Blanc, Brisson, Floquet, Heredia, Edmond About, Antonin Dubost, Casse, Valentin, et quelques profanes comme Edmond Adam et Challemel-Lacour.

Ferry s'inscrit donc à L'Alsace-Lorraine* et y parraine vraisemblablement son beau-frère, Charles Risler, initié le 9 mars 1876. Il figure sur le tableau* jusqu'à sa mort. Il y est reçu compagnon* le 22 juin 1876. Le 9 juillet, La Clémente fête l'anniversaire des réceptions devant 750 maçons dont plusieurs parlementaires. Après des exposés de Littré et de Wyrouboff sur l'éducationt Ferry présente un exposé sur les liens entre le positivisme et la maçonnerie, les fondements de la morale sociale et laïque qui permet à l'homme de «jeter ses béquilles théologiques et marcher librement à la conquête du monde». Lorsqu'il reçoit une délégation de la loge L'Étoile du Nord, en 1879, il reconnaît être un maçon peu assidu mais luttant «pour le triomphe de nos principes».

Son entourage, quand il prend en charge l'instruction publique, comprend peu de maçons (Jules Steeg, Alfred Rambaud, initié à La Clémente en 1881), mais sa politique est approuvée par les autorités maçonniques. Le Convent* du Grand Orient décide pourtant de ne pas lui adresser de motion approbatrice pour éviter de fournir des armes à ses adversaires. À l'opposé, Jules Simon se retire du Suprême Conseil, ulcéré des critiques qu'il subit pour avoir voulu maintenir l'enseignement des devoirs envers Dieu.

Dans le premier ministère Ferry, formé en 1880, on ne compte qu'un seul maçon: Tirard, à l'Agriculture. Mais dans son second cabinet, constitué en 1883, on relève la présence de plusieurs membres ou anciens membres de L'école Mutuelle: Tirard aux Finances, Méline à l'Agriculture, Hérisson au Commerce... David Raynal (du Rite Écossais} est aux Travaux publics.

La maçonnerie est alors plus radicale que ferryste ou gambettiste, même si Charles Cousin préside aux destinées du {Grand Orient assisté par Wyrouboff, le directeur de La Philosophie positive. Le Conseil de l'Ordre, dès 1883, est majoritairement radical. Cousin, excédé par les attaques portées par certains collègues contre Ferry, démissionne, en mars 1885, de la présidence. Dans des Ultima verba, il invite les loges à ne pas se laisser entraîner par « des violents, des exaltés des beaux parleurs » et à fuir «comme la peste les politiciens de profession qui caressent l'espoir de se faire nourrir par la République ». Le départ de Cousin ouvre l'ère du radicalisme* triomphant.

AC





FÊTES (de la Saint-Jean}


Dans la tradition maçonnique, les deux saint Jean furent tôt considérés comme les protecteurs thuriféraires de l'Ordre*. Aussi, leurs fêtes (le 2 7 juin pour saint Jean Baptiste et le 27 décembre pour saint Jean l'Evangéliste) donnèrent lieu à des banquets, processions et installations.

Pour l'Écosse*, Robert F. Gould*, dans son History of Freemasonry, note: «L'usage de se réunir annuellement le Jour de la Saint-Jean-l'Evangéliste, en conformité avec l'ordre du surveillant général, à l'exception de la Mother Kilwinning (20 décembre), semble avoir été observé avec une fidélité louable par celles des premières loges dont les procès-verbaux sont parvenus jusqu'à nous. Ce fut le cas à Edimbourg en 1599, Aberdeen en 1670, Melrose en 1674, Dunblane en 1696 et Aitchinson's Haven en 1700. »

À la loge de Melrose, le banquet* annuel était suivi d'une procession aux flambeaux où les frères, revêtus de leurs décors, se rendaient aux ruines de l'ancienne abbaye pour un feu d'artifice.

Lors des assemblées générales qui avaient obligatoirement lieu à cette date, on élisait les officiers*, on recevait les apprentis* et on réglait les affaires générales, notamment le sort des maçons récalcitrants comme à Edimbourg* en 1652 lorsqu'un yourneyman fut suspendu pour une durée de sept ans.

En Angleterre, la plus ancienne mention de la fête de saint Jean-Baptiste figure dans un procès-verbal de la loge d'York en 1713.

La loge de Brixham, dans le Devon, célébrait chaque année la saint-Jean-Baptiste par un sermon à l'église, un banquet et une procession avec un accompagnement musical; les statuts précisant que « tous les officiers devaient être choisis au cours de la première tenue* suivant la Saint-Jean-Baptiste ».

St. George's Lodge no 315, constituée par les Modernes* à la fin 1764, tint sa première célébration de la Saint-Jean le 27 décembre suivant. Toutefois, la première Grande Loge choisit d'élire et d'installer son premier Grand Maître* le jour de la Saint-Jean-Baptiste et imposa par la suite son usage.

L'éphémère Grande Loge d'York* semble avoir été plus fidèle à l'observation traditionnelle de la Saint-Jean-l'Evangéliste comme en témoigne le procès-verbal de la tenue solennelle du 27 décembre 1770. En Irlande*, les jours de la Saint-Jean étaient plus rigoureusement observés en application des anciennes coutumes ainsi que l'atteste cet extrait de la Dublin Gazette en date du 6 juillet 1771: «Le 24 juin, un grand nombre de francs-maçons, réunis à Clara pour célébrer la Fête de la Saint-Jean, marchèrent en procession vers l'église de Kilmanakan où ils écoutèrent un excellent sermon prêché à cette occasion par le Rév. Dr Challoner; ils firent une démonstration particulièrement bri11ante, dînèrent dans la maison de Mr. Thomas Downs et passèrent l'après-midi dans le Decorum, l'Harmonie et l'Amour fraternel.»

La fidélité quasi filiale des Anciens* envers la {Grande Loge d'lrlande les conduisit d'ailleurs à accuser les Modernes d'avoir négligé les fêtes de la Saint-Jean.

Fr. D.





FINANCIERS
Il existe une évidente analogie entre les mystères de la maçonnerie et ceux des finances. Ils rassemblent des hommes instruits, voués à la discrétion, voire au secret*, désireux de comprendre et de maîtriser les forces ou les contraintes venues du monde matériel et s'appuyant, ce dessein, sur des réseaux nationaux et internationaux ainsi que sur une active correspondance En s'intéressant aux institutions financières françaises de 1770 à 1870, on ne peut manquer de rencontrer des cOnvergences entre les routes de l'argent et les milieux maçonniques C'est dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que prend naissance la réciproque fascination de l'initiation* et des spéculations. on perçoit une influence des francs-maçons tant en nombre qu'en qualité dans les finances publiques ou privées dans les années qui séparent la fin de la guerre d'Amérique de la fin de l'Empire*.

Les années 1775-1789 se caractérisent, entre autres, par l'émergence de deux groupes différents, de faible importance numérique: francs-maçons et financiers Cependant, on constate que les points de convergences et d'interprétation sont plus nombreux qu'il n'y parait. Les deux groupes par leur discrétion mais aussi par leurs secrets jalousement gardés fascinent le monde profane. I)ans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les loges* permettent, au nom de la fraternité, auX gens de finance de se retrouver. Deux cents financiers figurent sur les tableaux de loge en 1789: ce nombre apparaît comme trés faible comparé à celui des quelque 9 000 frères de Paris et de sa région, mais il ne reflète qu'imparfaitement l'importance de leur pénétration danS le monde maçonnique. Autour de 1184. la loge Les Amis Réunis* forme un club de la haute finance publique et privée. Les frères financiers ont joué le rôle quasi mythologique d'un aréopage discret, (~ù ont été fixés en sous-main les cours et les réputations commerciales. De nombreuses opérations de grande spéculation ont été montées par les membres de cette loge. Un climat de confiance s'instaure permettant une meilleure association dans les affaires. Mais cette confiance demeure toutefois relative. La complicité de l'initiation passe aussi devant les notaires du roi pour la confirmation de l'association. Sous le règne de Louis XVI, sur près de 400 personnes de l'administration financière mentionnées dans divers almanachs, une cinquantaine à coup sur ont été maçons et une autre cinquantaine probablement. Sur les 50 receveurs généraux de 1780 à 1790, 19 au moins furent maçons, dont 9 à la loge Les Amis Réunis et 10 à R Société Olympique*, la loge de Necker.

De 1791 à 1797, les gens de la finance privée se mettent en retrait des loges. La période n'est pas bénéfique aux affaires. Le cercle d es francs-maçons se retrouve dans la finance d'Etat. La Trésorerie nationale est dirigée par 12 commissaires: 5 d'entre eux sont maçons. Une trentaine d'autres maçons occupent les fonctions d'agents supérieurs. A côté du service de la dépense, il y a le service de la recette. Les principaux agents de la recette appartiennent à la maçonnerie. A la comptabilité publique, il y a, durant la même période, un noyau maçonnique réuni autour de Roëttiers de Montaleau*.

De 17853 à 1832, 38 ministres se succèdent au portefeuille des Finances : 15 sont francs-maçons. Ramel, le principal ministre des Finances du Directoire, et Gaudin son collègue sous l'Empire, fréquentent les loges depuis 1780.

FLEURY.JPG (49K) Durant la campagne d'ltalie, on devine les contours d'un nouveau groupe de fournisseurs et de munitionnaires, autour de Joseph Bonaparte*, lequel appartient à la franc-maçonnerie. Avec le réveil de la maçonnerie sous le Consulat et son épanouissement sous l'Empire, les financiers reprennent le chemin des loges. Ouvrard et Basterrech, deux grands financiers et spéculateurs, sont des initiés intimes de Cambacérès*. Le Couteulx* de la Noraye était membre des Amis Réunis. Chez les 130 receveurs généraux des finances, on compte plus de 30 % de frères, le pourcentage étant à peu près le même chez les directeurs départementaux des droits directs. De nombreux banquiers adhèrent à la maçonnerie tant à Paris qu'en province. Quand, en 1810, le jeune James Rothschild s'installe à Dunkerque et Craveline pour réaliser ses fameux transferts de guinées, échangées contre des traites tirées par des banquiers parisiens sur des maisons de Londres, son premier soin consiste à se faire affilier à la prestigieuse loge Amitié et Fraternité de Dunkerque ! A la Banque de France, sur les 43 régents et censeurs, 33 % sont ou ont été maçons.

On pourrait croire, selon la thèse désormais classique de Gaston Martin, que les francs-maçons avaient réussi «un complot financier». C'est faire en vérité beaucoup d'honneur aux maçons manieurs d'argent. Observons que la fraternité des loges n'a jamais suffi à protéger un spéculateur contre ses propres imprudences. À trop vouloir s'approcher du soleil de la spéculation, certains vont s'y brûler les ailes. La qualité de maçon ne leur a été d'aucun secours et ils n'ont pas trouvé de crédit de la part d'autres frères. Cependant, initiations et spéculations, sous tous les régimes, font bon ménage. Il est vrai que la lettre de change passe aussi par la transmutation. des métaux et la recherche de la pierre philosophale.

P.-Fr. P.





FLEURY, André Hercule de
(Lodève, 1653-Versailles, 1743) D'assez humble origine, André Hercule de Fleury est ordonné prêtre en 1674. Devenu aumônier de la reine puis du roi en 1678, il n'obtient un siège épiscopal, d'ailleurs modeste, qu'en 1699. En effet, le nouvel évêque de Fréjus est toujours resté à l'écart des intrigues et des cabales de la cour. Cette attitude finit par attirer sur lui l'attention de Louis XIV qui le nomme en 1715 précepteur du futur Louis XV, alors âgé de 5 ans. Dès le début de la Régence, Fleury bénéficie du soutien total du duc d'Orléans, tandis que son élève lui voue un attachement sincère et profond, qui ne se démentira pas jusqu'à sa mort. Le souci de Fleury d'inculquer au jeune Louis XV le métier de roi, son gallicanisme modéré son respect du Saint Siège* et de l'autorité de l'épiscopat, sa volonté de résoudre les conflits par la conciliation et les ralliements individuels, son absence apparente d'ambition personnelle, en font une pièce maîtresse de la Régence. Majeur depuis le 16 février 1723, Louis XV confie le gouvernement du royaume au duc de Bourbon, qu'il disgracie en 1726. Louis XV décide alors « de supprimer et d'éteindre le titre et les fonctions de premier ministre ». Mais si la charge est supprimée en droit, Louis XV en confie aussitôt l'autorité à Fleury. Fleury a également obtenu la barette de cardinal en septembre de cette même année. Âgé de 73 ans, il dirigea activement le gouvernement jusqu'à sa mort en 1743 à près de 90 ans !

Confronté d'emblée à l'agitation janséniste*, Fleury se révèle favorable aux demi-mesures, qui ont l'avantage de sauvegarder l'autorité du pape et de la monarchie, puisque la bulle Unigenitus (1713) est devenue loi de l'État, sans pour autant provoquer l'opinion et exacerber le conflit. Devant le développement rapide de la franc-maçonnerie en France, dont il a pris connaissance en 1737 seulement, Fleury agit de même. La bulle In Eminenti* a été proclamée par Clément XII à l'encontre des francs-maçons en 1738, alors que Fleury était très malade. Mais la bulle n'a pas été enregistrée par le Parlement et elle ne s'applique pas en France, ce qui facilite la stratégie de cet ennemi de la violence qui est en outre embarrassé par la présence de ducs et, de pairs, dont plusieurs secrétaires d'Etat, sur les colonnes des loges* parisiennes. Fleury choisit donc de ne pas donner à l'affaire plus d'importance qu'elle n'en mérite. Il privilégie la dissuasion et l'intimidation, limitant l'intervention de l'autorité royale à celle du lieutenant général de police, René Hérault, dans le ressort de la vicomté de Paris.

Hérault et Fleury font savoir que la francmaçonnerie déplaît au roi, et que toute société non patentée est par essence hors la loi. Les perquisitions de police de juillet 1737, l'amende infligée au traiteur Chapelot lors de l'affaire de La Rapée, le 10 septembre 1737, ont pour fonction de montrer ostensiblement l'hostilité du roi à ces conventicules à la mode, « pourvu qu'on ne parut pas traiter la chose trop sérieusement ", reconnaît Hérault. Fleury avait de la même façon fait savoir au marquis d'Argenson que le Club de l'Entresol* lui déplaisait, car de telles associations pouvaient susciter des débats politiques, par nature incontrôlatiles On comprend dans ces conditions que Hérault se soit contenté de vouloir discréditer les frères en divulguant le sec-et* qui entourait la réception au grade d'apprenti * . La franc-maçonnerie fut tolérée de fait. Les loges n'étaient pas ä l'abri d'une manifestation d'autorité de la part du pouvoir, mais tant que les frères ne se montraient pas séditieux, Fleurs et son lieutenant de police fermaient les yeux. C'est ainsi que le duc d'Antin put être élu Grand Maître le 24 juin 1738 et les frères, continuer leurs réunions privées sans tracas, dès lors qu'elles demeuraient discrètes.

En revanche, il n'était pas question pour Fleury d'accorder la moindre reconnaissance officielle à un Ordre qui affirmait transcender les confessions, les identités et les barrières sociales. Aussi, le désir de Ramsay*, Grand Orateur de la Grande Loge en 1737, d'initier Louis XV aux travaux de l'Art royal* ou d'en faire out au moins le protecteur de l'Ordre, à l'instar d'un Louis-Frédéric, prince de Gales, auquel le pasteur Anderson* dédia l'édition de 1738 des Constitutions*, ou du prince héritier de Prusse, Frédéric*, était voué à l'échec. Un foyer de sociabilité qui affirmait rompre avec les cadres de la société d'ordres ne pouvait recevoir d'existence légale; il pouvait tout au plus être toléré. Cependant, le fait même que Ramsay ait espéré convaincre Fleury non seulement de l'innocence de la franc-maçonnerie, mais de son utilité publique, prouve bien que le cardinal et le roi de France n'étaient pas résolus à l'éliminer, mais seulement à en limiter le développement incontrôlé. La déception de Ramsay, qui avait proposé à Fleur,v de corriger le manuscrit du fameux discours qu'il s'apprêtait à prononcer lors de l'assemblée de la Grande Loge*, confirme qu'il avait sincèrement espéré obtenir la caution du cardinal comme le prélude à une future reconnaissance. « J'étais l'orateur et j'avais de grandes vues, si le Cardinal ne n'avait pas écrit pour me l'interdire », confie-t-il le 2 septembre 1737 à l'Anglais Thomas Carte.

Les exigences de la politique extérieure du royaume ont également joué un rôle dans l'attitude de Fleury à l'égard de l`Ordre. Il avait repris à son compte les choix stratégiques du Régent, à savoir l'alliance anglaise. Le premier ministre Robert Walpole (1721-1742) stigmatisant les Jacobites* bien représentés dans les loges parisiennes, Fleury ne pouvait laisser croire à son allié que les ateliers de la capitale constituaient des foyers d'agitation hostiles aux Hanovre agissant en toute liberté. Disperser quelques tenues* de loges permettait donc à Fleury de donner à Walpole quelques gages de bonne volonté. Les francs-macons parisiens comprirent d'ailleurs qu'ils n'avaient rien à gagner à placer leurs ateliers derrière la bannière du « jacobite outré » qu'était Charles Radcliffe, lord Darwentwater, et celui-ci fut remplacé par le duc d'Antin en 1738.

P.-Y. B.





FLÛTE
L'école française de flûte traversière est certainement, à la fin du XVIIIe siècle et au début du siècle suivant, l'une des plus rayonnantes d'Europe C'est ce qui explique la renommée des instrumentistes intégrés dans les loges* maçonniques.

François Devienne (1759-1803}, très célèbre flûtiste, également bassoniste et compositeur, est initié avant la Révolution. Il appartint à trois ateliers: Les Amis Réunis* (1783-1784), La Réunion des Arts {1781-1785) et L'Olympique de la Parfaite Estime (1784-1786).

Étienne François Gebauer (1777-1823) flûtiste de l'Opéra-Comique de 1801 à 1822, était membre de Saint-jean de Palestine en 1799.-

François Joseph Granier (1755-1825) flûtiste et hautboïste, est compositeur de Obédiences et maçons ont? souvent de musique* maçonnique. Franc-maçon avant la Révolution (membre des Amis Réunis et du Contrat Social), il s'affilie à Anacréon sous l'Empire*. Pour cet atelier il compose un Chant anacréontique édité en 1811.

Joseph Guillou (1787-1853), flûtiste artiste de la Chapelle du roi et de l'Opéra, professeur à l'École royale de chant et de déclamation de 1816 à 1830, fut reçu à la loge Anacréon en 1805, il est cité dans les archives* du &rand Orient à l'occasion d'une fête funèbre de cette année. Il appartint à la Société Académique des Enfants d'Apollon. Après 1830, il délaisse sa carrière musicale pour entamer une série de voyages, puis s'installe à Saint-Pétersbourg où il exerce la profession de teinturier dégraisseur. Dans cette ville, il fonde un journal français, L'Artiste russe. Victor François Petiton (1811-1870), professeur de flûte, initié aux Frères Unis Inséparables* en 1844, Souverain Prince Rose-Croix* en 1846, Grand Élu Écossais en 1850, voit son appartenance certifiée par Martin Pinon pour les années 1865-1866 (18°). Il a participé à plusieurs concerts de sa loge et du Grand Orient. Membre de l'Association des artistes musiciens {entré en 1843), il y fut élu jusqu'en 1870.

Jean-Louis Tulou (1786-1865), flûtiste, artiste de la Chapelle Impériale, puis de l'Opéra, professeur au Conservatoire de 1829 à 1860, fabricant de flûte à partir de 1830, lowton* de la loge Anacréon, est reçu en 1805 et s'affilie à Sainfe-Coroline en 1806. Il fut aussi membre de la Société Académique des Enfants d'Apollon et de l'Association des Artistes Musiciens.

Chr. N.





FRANC-MAÇONNERIE(S)
I Franc-Maçonnerie et franc-maçonnerie le regard de chaque maçon sur l'Art royal la franc-maçonnerie comme praxis.
II. Les franc-maçonneries
1 La maçonnerie «ésotérique »
2. La maçonnerie « chrétienne »
3. La maçonnerie de type « ancien anglo saxon»
4. La maçonnerie moderne libéralo-symbolique
5. La maçonnerie agnostistique affirme
Force est de constater qu'il existe autant de définitions de la Franc-maçonnerie qu 'on rencontre de maçons. La plupart des obédiences donnent bien une définition programmatique et organisationnelle, mais si la franc-maçonnerie dans sa globalité est le reflet de ses textes, elle va très largement au-delà d'eux, car elle relève à la fois du regard porté par chaque adepte de l'Art royal* et de la praxis que chaque frère ou groupe de frères et soeurs élabore.


I Franc-Maçonnerie et franc-maçonnerie le regard de chaque maçon sur l'Art royal la franc-maçonnerie comme praxis.
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Obédiences et maçons ont, souvent de manière contradictoire, tenté d'élaborer une sorte de droit canon maçonnique et une définition dogmatique et/ou idéologique de l'association. Mais les fameux Landmarks* se définissent plus par ce qu'ils ne sont pas que par ce qu'ils sont et les notions de régularité* et de reconnaissance* ne sont pas plus opératoires pour les sciences humaines. Être «régulier» (ou «libéral») définit une orthodoxie (ou plutôt une «orthopraxie»}mais ne donne pas une définition anthropologiquement recevable du fait maçonnique dans sa totalité.

On peut cependant envisager deux approches en partie complémentaires, l'une vue de l'intérieur et l'autre, de l'extérieur. Pour chaque maçon, l'institution est à la fois une association objective (loge*, cotisations, réunions, adresse, liste des membres, obédiences, relations paramaçonniques, convivialité, dysfonctionnement, littérature, bref une institution sociale) et un fait subJectif, « un corps spirituel et un corps social» (Jean Verdun). La Franc-Maçonnerie se lit ici au singulier et avec des majuscules et elle est une « réalité » individuelle définie par la seule appréciation du maçon. Relevant du for intérieur, elle ne s'enseigne pas, se vit seulement sur le plan psychophysique et intellectuel (voire, pour certains maçons, spirituel, ésotérique, ou même mystique). Son expression symbolique est l`Ordre* .

Comme praxis, on peut considérer la maçonnerie comme une discipline d'éveil, une école de pensée, un « jeu royal »(J. Trescanes), une école du silence, une forme de brainstorming? un art de la litote, une méthode de confrontation fraternelle et (surtout ?) une herméneutique, une éthiques une morale et/ou une sagesse. Elle est aussi une méthode (un moyen) pour être, et pour être au monde. Cette praxis est donc selon chaque maçon une méthode éducative, un mode de connaissance de soi, une quête initiatique et/ou une voie mystique à partir du travail collectif en loge. Ce « travail interne » (ou « maçonnisme » pour nombre d'auteurs) s'opère dans le for intérieur de chaque initié(e) en relation, dans la loge et au sein des structures obédientielles, du corpus et de l'imaginaire maçonniques.

Mais la praxis maçonnique est aussi action individuelle et collective des maçons en tant que citoyens sur la société globale (le constructivisme) avec les limites posées par Corneloup*: « Je me garderai d'ajouter, comme il serait si tentant de le faire: action de la maçonnerie sur le monde extérieur, car cette action (quand elle cherche à s'exercer collectivement, et non par l'initiative purement individuelle du maçon agissant sous sa responsabilité de citoyen} est la plus dangereuse des erreurs maçonniques. N

Enfin, dans cette praxis, on ne doit pas oublier l'aspect convivial de l'art royal, la franc-maçonnerie se donnant pour objectif la connaissance de la douceur d'être inclus ensemble.


II. Les franc-maçonneries
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Si l'analyse du regard de chaque frère et de la praxis reste peu approchable par les sciences humaines, celles-ci peuvent appréhender les franc-maçonneries comme phénomène historico-social. polymorphe dans le temps comme dans l'espace.

La réalité sociale (et le fait maçonnique plus encore} se laisse rarement découper en parties clairement lisibles, mais, en acceptant la méthode proposée par Weber, on peut essayer d'en dresser divers portraits idéaux typiques même si aucun des groupes, courants, familles, loges ou obédiences maçonniques, ne correspond totalement à l'un des cinq « types idéaux »proposés.





1 La maçonnerie «ésotérique »
pense que l 'Art royal , parce qu'il est une société authentiquement initiatique, est ésotérique, c'est-à-dire qu'iL est supposé faire passer, par le processus initiatique, de l'extérieur (esôthen, les ténèbres extérieure~) à l'intérieur (ésôthen, illumination intérieure). L'initiation*, d'origine supra-humaine, est principielle et transmise de façon ininterrompue selon des formes intangibles, les rites* .

Cette maçonnerie s'exprime dans de nombreux hauts grades* du XVIIIé siècle, structurés et fécondés par divers courants ésotériques comme le Rose-Croix*, la Kabbale* ou L'alchimie*.

Au XIXe siècle, divers tenants de l'ésotérisme* (J. Matter, Eliphas Lévi) ont cru que la franc-maçonnerie serait le cadre naturel de l'expression ésotérique, mais L'art royal rejeta très massivement cette idée, et quelques courants ésotériques se réfugièrent dans une maçonnerie marginale (Rite Égyptien* de Misraïm). À la fin du siècle, on constate le même processus avec les maçonneries « papusiennes».

Au XXe siècle, la maçonnerie ésotérique est illustrée par Wirth*, fondateur de la revue Le Symbolisme (1912-1970), dirigée après sa mort par Marius Lepage* et surtout par René Guénon*. Pour ce dernier, parce qu'elle est une société essentiellement initiatique, la franc-maçonnerie est par définition, ésotérique: « L'initiation représente véritablement et légitimement l'esprit, animateur principiel de toutes choses.» La tradition est donc la transmission régulière et ininterrompue de l'influence spirituelle issue d'un principe intemporel.


2. La maçonnerie « chrétienne »
affirme les liens étroits entre christianisme et maçonnerie, avec un rôle particulier dévolu à cette dernière dans l'Église, à savoir compléter selon sa méthode propre l'édifice chrétien, et/ou considère que la réception maçonnique (ou l'admission à certains grades*) doit être réservée à des profanes se réclamant explicitement d'une confession chrétienne (parfois limitée au seul protestantisme*).

On peut classer dans cette catégorie, avec variantes et nuances, les obédiences des pays scandinaves, les obédiences (« chrétiennes » allemandes, et, dans une certaine mesure, quelques Suprêmes Conseils du Rite Écossais Ancien et Accepté * .

On notera que le Rite Suédois*, fondé par Eckleff* et sa branche allemande dite Rite de Zinnendorf*, un temps rivale de la Stricte Observance*, se situe dans la «filiation templiére » , avec des influences rosicruciennes, des tendances théurgiques, mais s'inspire surtout du johannisme, un courant «chrétien primitif » réputé issu des enseignements « ésotériques « de Jean l'Evangéliste. On pourrait ainsi constituer un nouveau type idéal mixte dit ésotérico-chrétien.

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3. La maçonnerie de type « ancien anglo saxon»
considère que le but de la pratique maçonnique est l'éducalion morale et civique de ses adeptes. Si elle se refuse à tout engagement politique ou social et interdit à ses membres en loge tout débat politique ou religieux, elle demeure une des formes principales de la sociabilité de l'establislement anglo-saxon et pratique une intense activité caritative.

Pragmatique au XIXe siècle (le passage de la Bible* au « volume de la Loi sacrée » a permis d'admettre des adeptes de presque toutes les confessions religieuses). elle s'est dogmatisée dans la première moitié du XXe siècle avec l'adoption, le 4 septembre 1929 par la Grande Loge Unie d'Angleterre*, des huit principes auxquels toute obédience doit adhérer en totalité pour être reconnue comme régulière par cette dernière. Elle en fait cependant le plus souvent une lecture assez souple. Le point 2 fait de la croyance dans le Grand Architecte de l'Univers* et en Sa volonté révélée, un préliminaire indispensable à la réception en loge. Si les religions révélées se réduisent pour l'essentiel aux trois monothéismes abrahamiques, progressivement, cette notion a été étendue à d'autres religions comme le zoroastrisme, le sikhisme, l'hindouisme ou le bouddhisme. Ce dernier, par exemple, n'enseigne rien qui puisse s'identifier au Grand Architecte, et a fortiori à sa volonté révélée; cependant, depuis un siècle, les bouddhistes sont admis dans les loges anglo-saxonnes et la Grande Loge du Japon est considérée comme régulière par Londres depuis le 13 mars 1985.

Cette maçonnerie se réclame volontiers de la « Régularité » et de la Tradition, mais ne donne aucun contenu métaphysique ou ésotérique à ce choix. L)ans l'idéal type « ancien anglo-saxon», la maçonnerie n'est qu'un « système particulier de morale enseignée sous le voile de l'allégorie au moyen de symboles ». Les formes maçonniques occultistes ou mystiques sont jugées aberrantes (J. Hamill ou A. Mellor). La maçonnerie « ancienne anglo-saxonne» est donc aussi « séculière» que la maçonnerie agnostique qu'elle juge irrégulière, même si leurs manières «d'être au monde » diffèrent.


4. La maçonnerie moderne libéralo-symbolique
demeure assez fidèle à la première version des Constitutions* d'Anderson*. Elle se réclame à la fois d'une tradition et du progrès, d'une forte pratique symbolique et d'une réflexion civique et morale.

Elle est surtout présente en Europe continentale et en Amérique latine (première Grande Loge de Londres, le {Grand Orient* jusqu'aux années 1880, la Grande Loge d'ltalie*, la Grande Loge de France* ou la Grande Loge Féminine de France*, même si le rite principal de ces trois dernières relève de la tradition historique des Anciens*).


5. La maçonnerie agnostistique affirme
que les choix métaphysico-religieux n'ont pas à être pris en compte pour l'admission en loge et que la réalisation « spirituelle » de l'individu relève de la conscience individuelle. Elle travaille à la formation morale et sociale du maçon et à l'élaboration de la cité « idéale» (Grand Orient de Belgique *, Grand Orient de France, et plus largement une partie des obédiences* des pays latino-catholiques). Dans cette perspective, le travail maçonnique s'oriente vers l'instauration d'une société sans cesse meilleure, le progrès collectif entraînant l'amélioration personnel le (et réciproquement}. Hors de la maçonnerie agnostique, des obédiences peuvent, bien sûr, être très engagées dans le combat civique et sociétal, et demeurer spiritualistes, ou ésotériques ou mystiques (le Rite de Memphis à Londres dans les années 1850 et 1860), voire être considérées comme régulières par Londres (Grand Orient d'ltalie).

Ce classement ne peut épuiser les nuances de la palette maçonnique. Des courants ou des associations maçonniques relèvent de plusieurs catégories (la Grande Loge Alpina* ou le Régime Rectifié, par exemple). Les maçonneries anglaises, américaines, écossaises et irlandaises sont loin d'etre homogènes: à quel idéal type rattacher, par exemple. l'obédience nord-américaine de Prince Hall* et faut-il faire un nouvel ensemble avec la maçonnerie ouverte (ou réservée) aux femmes* ? Faut-il classer Le Droit Humain*, selon ses fédérations, dans le type 3 (Royaume-Uni) ou/et dans le type 5 (Belgique) ? Où situer ces micro-obédiences qui naissent à la périphérie de la franc-maçonnerie ? Elles en ont souvent les usages maçonniques, mais pas l'esprit. Enfin, que faire des « déviances » maçonniques comme la loge P2* ? Reste que toutes ces maçonneries sont de forme associative « fermée » et à adhésion volontaire. La cellule de base est toujours la loge et chacune travaille selon des rites, régimes ou systèmes particuliers. Toutes admettent une division en trois degrés ou grades, l'utilisation symbolique d'une grande partie des mots, usages et formes de la maçonnerie spéculative et une légende hiramicosalomonienne pour le troisième grade. Toutes les franc-maçonneries postulent à une certaine forme de perfectibilité individuelle et collective. Elles se déclarent toutes bien agencées pour permettre à leurs membres de travailler au développement de leurs facultés. Même si elles « s'excommunient » souvent les unes les autres, toutes prétendent à un universalisme, croient à un certain progrès et s'inscrivent dans une tradition humaniste.

Pourtant, la franc-maçonnerie peut prendre des réalités différentes. Ce polymorphisme est à la fois l'une de ses originalités, l'un des obstacles à sa compréhension et l'un de ses charmes pour ses adeptes. Pour tenter d'approcher cette diversité, ce «polymaçonnisme», on peut distinguer l'institution maçonnique et la praxis. Certains maçons pensent qu'elle est (ou qu'elle devrait être) un club de réflexion politique, un centre de pensée philosophique, un laboratoire d'idées, alors que parfois elle fait figure de simple diners Club.

Sur le plan religieux, Pierre Chevallier s'est demandé si elle était religion humaniste, ordre non religieux, voire protestantisme* laïcisé. Cette piste hardie, sur le plan institutionnel, n'est pas infondée: Maurice Agulhon a montré comment la sociabilité élitaire provençale a en partie glissé des confréries* de pénitents vers les loges maçonniques

Sur le plan des pratiques, la plus grande dissension règne à la cour d'Hiram* quand il s'agit de préciser les notions d'initiation*, de tradition ou d'Ordre. Enfin, anthropologues, ethno-psychiatres et sociologues peuvent également nous dire que la franc-maçonnerie est une forme de sociabilité discrète middle class, une société à secrets, un réseau relationnel, une Église de volontaires {une communauté exclusive d'adhérents « libres» pour un projet commun à prétention universelle) ou une secte.. Cette dernière affirmation n'est acceptable que si le mot, pris au sens historico-anthropologique, désigne un groupe ou une réunion particulière de personnes qui se singularise au sein d'une communauté, tout en partageant certaines croyances, valeurs et idées (au sens du mot grec heresia) ou qui adhère à une « idéologie » (secta voie; siecte, doctrine) minoritaire, non reconnue, voire en opposition, en rupture (secare, couper) avec la société globale. Il faut donc clairement préciser que la franc-maçonnerie n'est ni de près ni de loin une « secte sectaire » sauf lorsque des émules d'Hiram dévoient leurs idéaux et leurs serments.

On pourrait ajoute r que la franc-maçonnerie est également une religiosité séculière telle que la définit A. Piette ou une civil religion, au sens anglo-saxon du terme.

Jean Bauberot précise que la franc-maçonnerie est une famille de pensée « en tant qu'elle rassemble autour d'un corpus d'idées; mais symbolique dans la mesure où ces idées sont débattues dans un cadre très ritualisé et initiatique », et que « le travail en loge introduit un continuum entre le cultuel, c'est-à-dire le rite, et le culturel, autrement dit le débat, qui dans ce cas précis n'a pas de véritable justification spirituelle [...] S'il est vrai que le religieux est un concentré de symbolique, j'estime que le symbolisme maçonnique passe et méme rompt avec une parole normative fondatrice, en l'occurrence celle de la Bible. »

Franc-Maçonnerie, franc-maçonnerie ou franc-maçonneries, l'institution maçonnique, par son polymorphisme, est peut être simplement, pour résumer, « une société spirituelle (pneumatique) qui produit de l'égrégore et aussi une société démocratique qui produit des effets sociaux » (B. Etienne).

Y. H.M.





FRANCE ET COLONIES
FCOL.JPG (66K) (1900-1940) Les fondateurs ont créé en 1900 l'atelier France et Colonies pour que la France répande les « immortels principes » de la Révolution auprès de « races profondément différentes de la notre ». Ils veulent combattre l'action des missions et dénoncer d'éventuels abus des colonisateurs.

Le succès est rapide et l'atelier enregistre des vagues successives d'admissions. La loge* se peuple d'administrateurs des colonies, de fonctionnaires du ministère, de commis des affaires indigènes, d'officiers de sous-officiers, de médecins de la coloniale... On y rencontre également le député radical Jules Tourniol, rédacteur de L'Agriculture tropicale, un procureur de la République à la Réunion, un sous-préfet... Les deux premiers vénérables* dépendent du ministère des Colonies; leurs remplaçants immédiats sont le lieutenant-colonel Comte, de l'infanterie coloniale, conseiller de l'Ordre, et l'explorateur Auguste Pavie. En 1908, le premier maillet est tenu par André Haarbleicher, ingénieur de la Marine, qui sera déporté en 1944.

L'atelier ne peut échapper à certains travers: ses effectifs sont instables du fait des déplacements et tous ne sont pas directement concernés par les questions d'outre-mer. Les demandes d'intervention abondent.

Il tente, par des conférences, d'intéresser les maçons parisiens aux questions coloniales et les fait mettre à l'ordre du jour des convents*. Il est en relations suivies avec les loges isolées d'Afrique noire, d'Asie ou de Madagascar, affilie des correspondants, réunit leurs délégués pendant le Convent, transmet à l'obédience* leurs veux. Son action traduit fidèlement les préoccupations de la maçonnerie en milieu colonial. Ainsi, France et Colonies demande à l'obédience en 1901, d'intervenir pour défendre les droits de la France dans la zone neutre fixée par d'anciens accords avec le Siam, et, en 1902, organise une tomboLa pour les sinistrés de la Martinique.

A. C.






























FRANCKEN, Henry Andrew
{Hollande ?, vers 1720-Kingston, Jamaïque, 1795) Francken arrive en février 1757 à la Jamaïque où il est naturalisé citoyen anglais le 2 mars 1758. Il occupe pendant plusieurs années les fonctions d'expert, de fonctionnaire de police et de sergent d'armes auprès de la cour de la vice-amirauté. Il fait sans doute à cette époque la connaissance d'Estienne Morin* qui passe par la Jamaïque avant de débarquer à Saint-Marc (Saint-Domingue) le 20 janvier ] 763. En 1765, Francken est nommé interprète pour Je Néerlandais et l'Anglais auprès de la cour de la vice-amirauté, ce qui permet d'inférer qu'il était né en Hollande ou dans une colonie hollandaise.

Il effectue un séjour de deux ans en Amérique du Nord, arrive à New York au mois d'août 1767, se remarie avec Johanna Low à Newark (New Jersey) et rentre à la Jamaïque. Toujours interprète officiel pour le Néerlandais en 1783, il est nommé inspecteur des douanes. Ce poste ayant été supprimé en 1790, il présente l'année suivante une requête à I>Assemblée de la Jamaïque en demandant un secours financier. Il expose qu'à près de 71 ans, deux fois veuf, ruiné, il a été forcé de vendre tout ce qui lui appartenait pour subsister et aurait été mis en prison pour dettes si des amis n'avaient pas organisé à son profit un concert de charité. Une aide de 100 livres lui sera octroyée à deux reprises. Le 7 septembre 1794, le lieutenant-gouverneur Adam Williamson le nomme juge adjoint au tribunal de Port-Royal et l'année suivante commissaire auprès de la Cour suprême de Kingston et de Port-Royal.

Le 28 décembre 1794, Francken rédige son testament qui contient les dispositions inhabituelles suivantes: « Je demande expressément que le coût de mes obsèques ne dépasse pas 20 S; que mon cercueil soit en sapin, sans garniture intérieure et seulement peint en noir extérieurement; je demande à y être déposé avec les vêtements que je porterai au moment de mon décès sans que mon corps soit lavé, et à être porté en terre sans passer par l'église.»

Pendant son séjour en Amérique du Nord, Francken fonde une loge de Perfection dénommée 777e Ineffable, ouverte le 11 janvier 1768 à Albany (New York) dont le premier registre de procès-verbaux existe encore. Le texte de la patente que Francken remet aux fondateurs est du plus haut intérêt pour deux raisons. D'une part~ il indique que Francken agit en vertu d'un pouvoir à lui conféré pal Estienne Morin, Grand Inspecteur de toutes les loges relatives aux grades* supérieurs de la maçonnerie, et confirmé par le Grand Conseil des Princes Maçons en l'aile de la Jamaïque. D'autre part, ce document porte pour la première fois une date indiquée au moyen des chronologies hébraïque et grégorienne (datation * ) .

Par patente délivrée le 6 décembre 1768, Francken nomme Moses Michael Hays Député Inspecteur et Kadosh* avec pouvoir de constituer des Grands Chapitres de Chevaliers du Soleil* et de Kadosh aux Indes occidentales et en Amérique du Nord. Francken remet le meme jour une autre patente à Samuel Stringer, alors Premier Grand Surveillant de L'Ineffable d'Albany. Hays jouera un rôle de première importance dans l'histoire maçonnique américaine. Vénérable* de la loge King's David à New York en 1769, Grand Maître de la &rande Loge du Massachusetts* en 1788, il créera plusieurs inspecteurs à Philadelphie en 1781, dont l'un, Barend Moses Spitzer, nommera en 1795 Député Inspecteur John Mitchell, le futur Grand Commandeur du Suprême Conseil ouvert à Charleston* le 31 mai 1801.

Le 30 avril 1770, lorsque Morin établit à Kingston un Grand Chapitre de Princes du Royal Secret, Francken est l'un des deux Députés Inspecteurs nommément désignés qui en sont membres fondateurs. Aussitôt après, Francken adresse à Stringer les statuts et règlements des loges de Perfection.

Le 30 août 1771, moins de deux mois avant la mort d'Estienne Morin qui réside alors à la Jamaïque, Francken termine le volume contenant les rituels du 156 au 25° de l'Ordre du Royal Secret, et le signe comme Prince du Royal Secret, Député Inspecteur. Ce manuscrit a été redécouvert à Londres dans les archives du Suprême Conseil pour l'Angleterre et le pays de Galles en 1976. Il contient également la plus ancienne version connue des Constitutions* dites de 1762.

Francken recopiera ultérieurement les rituels du 4° au 25° dans au moins deux manuscrits. L'un, terminé le 30 octobre 1783 pour le Député Grand Inspecteur général David Small, est redécouvert dans les archives de la Grande Loge du Massachusetts et remis en 1935 au Suprême Conseil des États-Unis*, Juridiction Nord. L'autre, qui ne contient aucune indication permettant de préciser la date de sa rédaction, est retrouvé dans les archives de la Grande Loge Provinciale du Lancashire vers 1970 et remis à la bibliothèque de la Grande Loge Unie* d'Angleterre en 1980.

A. B.





FRANKLIN, Benjamin
FRANKLIN.JPG (28K) (Boston, 1706 Philadelphie, 1790) Fils d'un fabricant de chandelles et de savon, Benjamin Franklin s'échappe de l'atelier d'un imprimeur à 17 ans. A 24 ans, il possède la Pennsylvanie Gazette, Journal qui publie des informations maçonniques. Il est reçu en 1731 à la loge* St. John de Philadelphie, où il s'était établi dès 1729. En 17341 il fait paraître la première édition américaine des Constitutions* de 1723. C'est là, après la fondation par Henry Price* de St. John, qui devint ensuite St. John's Grand Lodge, à Boston, l'un des événements fondateurs de la vie maçonnique des colonies anglaises d'Amérique. La même année, Franklin devient Grand Maître Provincial de Pennsylvanie et il apparaît avec ce titre sur les registres de la Grande Loge d'Angleterre, lors d'un séjour à Londres en 1760. Plein de ressources, dévoué corps et âme à sa ville de Philadelphie, Franklin est un homme impliqué dans la vie de la cité: il crée un corps de pompiers, une bibliothèque de prêts, un hôpital public. Il organise des milices pour lutter contre les Indiens et crée le Junto, club fameux consacré à la chanson, au vin et à l'éducation personnelle. Surtout, il fonde la première société savante des colonies, l'American Philosophical Society, en 1743. En franc-maçonnerie comme dans la vie profane, Benjamin Franklin défend les intérêts et l' autonomie de sa « chère Philadelphie », vis-à-vis de Boston et de la métropole anglaise. Il s'inquiète notamment de l'avenir et de l'autonomie de sa Grande Loge Provinciale de Pennsylvanie*, lorsque Henry Price est reconnu Grand Maître Provincial pour toute l'Amérique du Nord par la Grande Loge de Londres (Modernes*). Il est vrai que la Grande Loge Saint-John est particulièrement obéissante à l'égard de Londres, et Boston une métropole maçonnique très active et entreprenante. Pour lui, l'indépendance maçonnique précède et accompagne l'indépendance politique et Franklin ne saurait renoncer à sa Grande Maîtrise tant que le Grand Maître Provincial pour l'Amérique du Nord sera nommé par la métropole. Il aspire à l'indépendance et à une structure fédérale qui permette de coordonner l'action des loges, mais garantisse les droits de chaque partie contractante. En 1778, la Grande Loge de Pennsylvanie se sépare de la Grande Loge d'Angleterre. C'est cette année-là que Franklin, âgé de 42 ans, après avoir fait fortune dans l'édition commerciale (grâce au succès du Poor Richard's Almanach), se retire. Son prestige scientifique, ses talents d'organisateur, son activité débordante et sa connaissance des dossiers coloniaux lui permettent de défendre à Londres, à partir de 1757? et pendant près de 17 ans, la cause américaine. Il est tour à tour représentant de la Pennsylvanie, du Massachusetts du New Jersey ou de la Géorgie; il parvient à défendre la cause des Insurgents auprès des élites éclairées et à obtenir des autorités françaises une assistance financière et militaire. Condorcet*, qui prononce l'hommage funèbre de Franklin à l'Académie des Sciences, témoigne de l'enthousiasme provoqué par son arrivée à Paris: « La célébrité de Franklin dans les sciences lui donna pour amis tous ceux qui les aiment ou les cultivent. » I1 devait donc logiquement « se joindre au grand nom de Voltaire* et enrichir le catalogue des Neuf Soeurs*». Dans le contexte de la lutte de prestige dans le Paris maçonnique, où La Candeur* rivalise d'initiatives fracassantes, l'affiliation de Franklin, en 1775, était particulièrement opportune. Après son élection comme vénérable*, qui survint après une période de tension avec le Grand Orient*, il soutient, avec Court de Gébelin*, Voltaire lors de son entrée tardive aux Neuf Soeurs. Bésuchet évoque même l'insistance de Court de Gébelin et dt Franklin pour que Voltaire se fasse initier. C'est le 2] mai 1779 que Franklin avait succédé à Lalande* à la tête des Neuf Soeurs et il en tint le maillet jusqu'en mai 1781. Son vénéralat fut marqué par l'importance des tenues* à sujets culturels. Le 16 août 1779, en son absence, la tenue fut consacrée à la littérature et aux beaux-arts! Greuze et Houdon présentant leurs productions récentes. La Dixmerie. Orateur de la loge, lut son «Éloge de Montaigne «, et Roucher son poème «Novembre» où il stigmatisait l'avocat général Séguier. ennemi juré du « parti philosophique». Enfin, l'abbé Robin, l'auteur de Nouveau Voyage dans l'Amérique septentrionale, prononça un discours sur les relations entre la littérature antique et les rites maçonniques à partir de ses Recherches sur les in initiations anciennes et modernes. À l'instar de ce qu'il avait entrepris à Philadelphie, Franklin encouragea, au cours de son second vénéralat, la création d'une société de type académique où des conférenciers, la plupart membres des Neuf Soeurs, parlaient de sujets littéraires, artistiques et scientifiques. Ce fut la création de la Société Apollonienne en novembre 1780, à l'origine du Musée* de Paris de Court de Gébelin. Mais les tenues suivantes montrent qu{ Franklin incite la loge des Neuf Soeurs à devenir également un foyer actif de soutien à la cause des Insurgents. Si, par la suite, elle se démarque de l'initiative maladroite de La Candeur qui proposait d'armer par souscription un navire de ligne Le Franc-Maçon, qui serait offert à l'Louis XVI pour combattre la Royal Navy aux côtés des Insurgents, après la défaite de l'amiral de Grasse aux Saintes, ses membres prirent clairement position en faveur de la Révolution américaine. Eu 1780 Hilliard d'Auberteuil y lit la préface de ses Essais historiques et politiques sus les Anglo-Américains. Les Américains sont présentés comme des défenseurs des libertés naturelles et la lutte des Insurgents est justifiée par la tyrannie du roi d'Angleterre. Hilliard d'Auberteuil se fiait l'écho des demandes de soutien formulées par Franklin. Admirant les constitutions c~es États de New York, de Pennsylvanie et de Virginie, qui garantissaient la séparation des pouvoirs, la liberté de parole, d'expression et de religion, Hilliard d'Auberteuil exalte aussi la contribution de Franklin et de Washington* à la liberté américaine, affirmant qu'ils remplissaient ainsi à la fois les idéaux des Lumières* et ceux de la franc-maçonnerie. À la fin du discours d'Hilliard d'Auberteuil, le commodore John Paul Jones, qui avait osé défier la Royal Navy et attaquer les ports anglais, est accueilli avec effusion par les Neuf Soeurs. En juin 1785, peu avant le retour de Benjamin Franklin aux États-Unis, une tenue solennelle est organisée. Louis-Alexandre duc de la Rochefoucauld d'Anville, figure de l'aristocratie libérale, lit des traductions d'écrits politiques américains et distribue des copies de la Déclaration d'indépendance et d'autres documents fondateurs de la jeune République, affirmant qu'il s'agit de contributions fondamentales à la pensée des Lumières. La Rochefoucauld d'Anville était le coéditeur des Affaires de l'Angleterre et de l'Amérique et soutint la cause des Insurgents de 1776 à 1780. Houdon dévoile le buste de Washington qu'il vient d'achever et Élie de Beaumont annonce que la loge accordera un prix de 600 livres à qui enverra le meilleur mémoire sur « Benjamin Franklin vivant ». Décédé à Philadelphie en 1790, on voit donc à quel point la longue et importante carrière maçonnique du frère Franklin s'inscrit dans un engagement global en faveur des Lumières et de la liberté politique. P.-Y. B.