GRASSE-TILLY
GRAVEURS
GROUSSIER, Arthur
GUÉNON René
GUÉPIN, Ange
GUILDES
GUILLY, René
GUITARE






GRASSE-TILLY,
GRASSE.JPG (99K) Alexandre de {Versailles, 1 765-Paris, 1845) Alexandre François Auguste, comte de Grasse, marquis de Tilly, fils de François Joseph Paul, comte de Grasse, lieutenant général des armées navales, et d'Antoinette Rosalie Accaron, né le 14 février 1765, est initié le 8 janvier 1783, dans la loge* Saint-Lazare devenue Le Contra! Social. Il figure au tableau* de la loge jusqu'en 1787. Il est à ce moment lieutenant, puis capitaine au régiment d'infanterie du roi. Fin 1789, Grasse-Tilly débarque à Saint-Domingue pour recueillir la succession de son père, décédé en janvier 1788, à savoir une importante plantation.

Le 17 septembre 1792, il épouse Anne Sophie Delahogue, fille d'un notaire alors maître* dans l'atelier La Verité, sis au Cap Français. La révolte des Noirs* le conduit à quitter l'île le 28 juillet 179:S pour Charleston*, non sans avoir perdu ses biens, le brick Le Thomas qui le transporte ayant été pillé.

Dans cette ville, il fait partie des fondateurs de La Candeur* (juillet 1796), intégrée en 1798 au sein de la Grande Loge des Maçons Francs et Acceptés de Caroline du Sud sous le nU 12. Sur son tableau du 27 décembre 1798, Crasse-Tilly figure comme vénérable* et « Grand Commandeur du Temple et Prince Maçon ". L'année suivante, en août, il démissionne de La Candeur pour rejoindre l'autre Grande Loge rivale, Ancien York Masons, et fonder La Réunion Française (août 1800). Ce changement d'obédience* n'est pas sans rapport avec la « création » du Suprême Conseil de Charleston* en mai 1801.

Citoyen américain le 17 juin 1799, mais sans ressources, Crasse-Tilly reprend du service dans l'armée française, à Saint Domingue. Dans l'île il reste au Cap Français jusqu'à la reddition du fort du Picolet qu'il commandait, le 29 novembre 1803. D'après le registre Bideau, il est porté sur « le tableau des membres du Suprême Conseil au 33° établis aux Isles françaises de l'Amérique » le 21 février 1802. Si l'orthographe d'« établis » est exacte, il faut comprendre qu'il s'agit de l'établissement des Grands Inspecteurs Généraux du Suprême Conseil aux Isles et non le Suprême Conseil des Isles des Grands Inspecteurs Généraux.

Prisonnier des Britanniques, il est libéré comme Américain au début de 1804. Il regagne Charleston, puis rentre en France, une décision du 10 juin 1804 le mettant à la disposition du ministre de la Guerre. Il débarque à Bordeaux* le 4 juillet et arrive à Paris à la fin du mois. Il devient vénérable de la loge écossaise parisienne Saint-Napoléon, établit le 22 septembre 1804 le Suprême Conseil, sis à Paris, retrouve son ancienne loge mère* réveillée sous le nom de Saint-Alexandre d'Écosse et, à partir d'elle? constitue le 22 octobre 1804 la Grande Loge Générale Écossaise sous l'autorité de Kellermann* et Masséna*, et du ministre des Relations extérieures de la République italienne, Mareschalchi, la Grande Maîtrise ad vitam ayant été offerte au prince Louis Bonaparte.

A partir du 1() novembre, la nouvelle obédience commence à délivrer des constitutionS et à se poser en rivale du Grand Orient*, mais le nouveau régime désigne Cambacérès*comme Grand Maître de la Grande Loge Générale Écossaise. Le 10 juin 1806, on oblige donc Grasse-Tilly, alors à Strasbourg, à abandonner sa charge de Souverain Grand Commandeur et, le 1 er juillet 1806, Cambacérès lui Succède. Il est installé le 13 août suivant alors que Grasse-Tilly est en campagne depuis 1804-1805 comme aide de camp du frère Eugène de Beauharnais, vice-roi d'ltalie. Le 5 mars 1805, il constitue le Suprême Conseil d'ltalie, sis à Milan, dont il devient Grand Commandeur, avant de céder le 11 juin cette charge au prince Eugène. En 1806, Grasse-Tilly est muté en Espagne, comme aide de camp de Kellermann ou d'Augereau. Durant l'été de 1809, le Suprême Conseil d'Amérique se reconstitue sous l'autorité de son beaupère, Delahogue. Il est toujours Grand Commandeur ad vitam de l'institution qui passe un accord, flou, avec le Grand Orient. Le 4 juillet 1811? Grasse-Tilly complète la hiérarchie écossaise dans la péninsule Ibérique en créant un Suprême Conseil des Espagnes et des Indes dont il sera Grand Commandeur jusqu'en 1812, date à laquelle il est fait prisonnier par les Britanniques. La chute de l'Empire provoque un sommeil de facto du Suprême Conseil de France.

Le Grand Orient croit alors pouvoir s'approprier la totalité de l'écossisme, d'autant que la majorité des membres de l'ex-Suprême Conseil l'a rejoint. Le 16 août 1814, il charge sept de ses membres de définir les moyens de centraliser tous les rites, mais une fraction du Suprême Conseil, autour du comte Muraire, refuse l'absorption. Le 13 novembre 1814, malgré tout, le Grand Orient proclame la centralisation des rites. Le 96 août 1815, une circulaire signée par cinq dignitaires écossais, dont Jean-Baptiste Pyron, fait connaître la protestation de Muraire mais, le 12 septembre 1815, le Grand Orient forme « en son sein le Grand Consistoire des Rites », inauguré officiellement le 22 novembre. Sa deuxième section est la seule habilitée à conférer le 33° du Rite Écossais Ancien et Accepté.

Mais c'est sans compter avec Crasse-Tilly qui, libéré après le premier traité de Paris, occupe ses semaines en vaines démarches et sollicitations auprès du ministre de la Guerre. Après avoir suivi Louis XVIII à C;and lors des Cent-Jours, il retourne en France après Waterloo. Mis en demi solde le 1er janvier 1816 par le licenciement de la garde de la porte du roi il est pensionné jusqu'au 30 septembre 1824. Utilisant le fait qu'il est toujours Grand Commandeur du Suprême Conseil des îles françaises d'Amérique, il déclare cette obédience apte à gérer provisoirement le Rite Écossais Ancien et Accepté en France et, le 21 novembre 1814, constitue un Grand Orient Écossais pour administrer loges et ateliers supérieurs.

Très rapidement, des rivalités entraînent la formation de deux conseils: le Suprême Conseil dit de Pompéi (galerie, 36, rue Neuve-des-Petits-Champs}, resté fidèle à Grasse-Tilly, et le Suprême Conseil dit de Prado {30, place du Palais-de-Justice, dans l'île de la Cité}. Au Conseil dit de Pompéi, la réorganisation de l'obédience est menée par le Lieutenant Grand Commandeur, le général comte César de Fernig et, le 3 septembre 1818, cette obédience décide de supprimer les charges ad vitam, ce qui permet de destituer Grasse-Tilly de jure de sa charge de Grand Commandeur du Suprême Conseil. Il est remplacé, le 15 septembre 1818, par le comte Decazes*.

Après de nombreuses tractations, Pompéi et Prado se réconcilient au printemps 1821, la réunion officielle ayant lieu le 7 mai. Le Suprême Conseil de France est ainsi recréé {ou créé). Une Grande Commanderie, pour gérer les loges bleues* est formée le 6 juin 1821 et devient, le 12 juillet 1822, la Grande Loge Centrale. Pour présider la nouvelle obédience réunifiée, Decazes est remplacé par Cyrus de Timbrune-Thiembronne, comte de Valence, et Grasse-Tilly ne fait plus partie du Suprême Conseil. Il prend une retraite civile et maçonnique, et rédige une Notice sur l'amiral-comte François Joseph Paul de Grasse, son père. II meurt en l'hôtel des Invalides, le 10 juin 1845.

Y. H.M.


GRAVEURS
Tout comme les sculpteurs*, les graveurs sont fort bien représentés dans les loges* françaises. Parmi les plus célèbres, Louis Brévière, graveur d'origine modeste, fait ses premières armes chez l'imprimeur franc-maçon rouennais Frédéric Baudry avant de rénover la typographie. Après avoir fréquenté un modeste atelier à Darnétal, il accède à La Perséuérarzce Couronriée, loge rouennaise. Collaborateur de Gustave Doré au Louvre, il reçut la Légion d'honneur en 1837.

Philippe Choffard (Paris, 1730-1809), membre des Académies de Rome et de Madrid, a été reçu aux Neuf Soeurs* en 1780.

Charles Étienne Gaucher (Paris, 1740 1802) est l'auteur du célèbre Couronnement de Voltaire {entre 1781 et 1784).

Nicolas Ponce (Paris, 1746-1831) collabora au Moniteur et au Mercure de France, est attesté comme maçon à partir de l'Empire*. Membre des Neuf Soeurs (1806), il fut son député auprès du Grand Orient, puis le Garde des Sceaux de la Grande Loge Symbolique (1812-1826) et, enfin, officier honoraire de l'obédience*. Antoine François Sergent, dit Sergent Marceau (Chartres, 1751-Nice, 1847), député montagnard de Paris à la Convention, membre du Comité des arts et de l'instruction publique, fondateur du Musée français et initiateur de la création du Conservatoire (1795), a appartenu à une loge non reconnue, La fidélité, à Chartres.

Henri Tattegrain (Paris, 1874-1954), graveur, peintre*, écrivain et musicien, illustra de nornbreux articles de revues maçonniques et dessina les blasons des hauts grades* du Grand Collège. Il entra de dans la loge parisienne L'Action et accéda rapidement au 33°.

Ch. N.


GROUSSIER, Arthur
GROUSS.JPG (31K) (Paris, 1863 Enghien-les-Bains, 19577 Diplômé des Arts et Métiers d'Angers, dessinateur industriel, premier secrétaire de la Fédération syndicale de la métallurgie de 1890 à 1893, Arthur Groussier adhère au P.O.S.R. d'Allemane et est battu aux élections municipales à Charonne, en 1890. Il est élu, en 1893, dans la 1e circonscription du Xe arrondissement, démissionne et fonde l'Alliance communiste révolutionnaire qui s'associe avec les blanquistes au sein du Comité révolutionnaire central. Il adhère au Parti Socialiste de France. Battu aux législatives de 1902, il entre en 1905 à la S.F.I.O., retrouve son siège en 1906 et est réélu en 1910 et en 1914.

Initié en mai 1885 à L'émancipation, il s'affilie, en 1892, à la loge Bienfaisance et Progrès, dans le Xe arrondissement. Il en devient le vénérable* en 1896 et la préside presque sans interruption jusqu'en 1922, année où il cède le maillet à Feuillette, l'archiviste du Grand Orient*.

Pour déstabiliser les radicaux, les socialistes présentent, aux convents*, des voeux inconséquents, et Groussier, en 1902, veut ajouter à la liste des délits maçonniques le mariage religieux, le fait de laisser baptiser ou circoncire, communier ou enterrer religieusement ses enfants mineurs, de les faire élever ou instruire dans un établissement tenu par des religieux de toutes confessions. Le vote de crédits destinés au traitement des clergés, au fonctionnement des religions" à leurs œouvres, à la représentation de l'état auprès du Vatican, deviendraient également des délits. La discussion s'achève par un ordre du jour simple adopté de justesse par 151 voix contre 141.

Il se met à nouveau en évidence en 1905 à la suite de l'affaire des Fiches*. Il propose avec le socialiste Imbert une motion demandant que le Convent soit solidaire des frères inquiétés mais précise que ce n'est « pas le rôle de la franc-maçonnerie de servir d'instrument complaisant au gouvernement en se substituant à un service public ».

Animateur de la Fraternelle socialiste et de ce fait suspect aux radicaux, Groussier n'est élu au Conseil de l'Ordre qu'en 1907; il y est élu à nouveau en 1911 et en assure la vice-présidence en 1914. Il prend des positions de plus en plus pondérées.

Président du Convent en 1911, dans son discours introductif, il émet le vœu que l'assemblée se préoccupe moins de politique et revienne à des questions philosophiques comme l'étude d'une morale sociale laïque.

Au début de la guerre, il est nommé vice président du Comité de défense du camp retranché de Paris. Premier vice-président de la Chambre de 1917 à 1921, il est élu député, en 1919, dans la 1e circonscription de la Seine, puis battu en 1924 et en 1928. Au Parlement. il se spécialise dans les questions sociales. Il représente, de 1906 à 1924, la Chambre au Conseil Supérieur du Travail. Groussier s'attache particulièrement aux thèmes de la législation prud'homale, du repos hebdomadaire. de la protection des femmes et des enfants, de l'hygiéne et de la sécurité des travailleurs, de la réglementation du travail, de l'arbitrage obligatoire en cas de conflits, et se spécialise dans l'étude du Code du travail qui rassemble tous les textes qui assurent la protection légale des travailleurs et leur garantissent le droit d'association... ce qui le rend populaire auprès des maçons.

Il est. en novembre 1923, le rédacteur d'un Appel [du Grand Orient] à l 'union des partis de gauche, tiré à 500 000 exemplaires, qui fixe aux radicaux et aux socialistes un programme complet de réformes. Ce manifeste est la dernière implication directe de l'obédience* dans les luttes politiques. En effet, en 1928, Groussier adjure les partisans des diverses factions républicaines à ne « jamais introduire leurs querelles politiques dans le Temple ».En 1929 ,il fait adopter par le Conseil de l'Ordre une circulaire qui différencie les engagements politiques et maçonniques, tout en invitant les maçons à ne pas s'associer avec les ennemis de l'Ordre.

Il est réélu au Conseil de l'Ordre de 1923 à 1926 et, en 1925, accède à la présidence. Il va ensuite le présider de 1927 à 1930, de 1931 à 1934, de 1936 à 1940. Il reprend en 1934 le maillet de sa loge qu'il garde jusqu'en 1939. Son action se confond donc avec celle de l'obédience et son prestige est considérable. Le Grand Orient doit faire face, en ] 934, à une vague d'antimaçonnisme* virulent et élabore, contre les doctrines fascistes, un programme partiellement repris par le Front populaire*. Groussier est devenu, avec sa longue barbe blanche couvrant sa poitrine, un patriarche, très éloigné du militant fougueux de sa jeunesse. Il entre au Grand Collège des Rites le 20 juillet 1926, en devient le Grand Commandeur après la guerre et le demeure jusqu'en 1952 où il accède à l'honorariat.

Sous l'influence de Feuillette, il fait paraître en 1931 une Constitution du Grand Orient de Fronce par la Grande Loge Nationale. Il est également l'inspirateur de nouveaux rituels au Rite Français*.

Groussier est un spécialiste des questions maçonniques internationales. Il préside le comité exécutif de l'A.M.I. de 1927 à 1930 qu'il est contraint de gérer avec prudence.

Il écrit une lettre le 7 août 1940, à Pétain pour défendre l'obédience face à ses détracteurs et pour lui annoncer sa dissolution. Il espère ainsi éviter aux maçons des représailles. Président du Grand Orient* dans l'attente du Convent de 1945, il suit les étapes de la reconstruction clandestine des loges et les tentatives de fusion entre le Grand Orient et la Grande Loge de France*. Son prestige est très amoindri par le fait qu'il a écrit à Pétain, et il subit un échec au congrès des loges de la région parisienne lors de la désignation des candidats au Conseil. Le Convent ne l'absout qu'à une voix de majorité. Ce vote d'humeur ne diminue cependant pas son prestige.

Groussier est aussi l'auteur d'une Philosophie de l'énergie, rédigée en 1948, effort de synthèse entre le matérialisme et le spiritualisme.

A. C.


GUÉNON René
GUENON.JPG (104K) (Blois, 1886-Le Caire, 1959) Le projet de restauration de « la Tradition », né avec le siècle chez René Guénon, jeune Blésois d'éducation et de formation catholiques, passe par la maçonnerie sans toutefois s'identifier ou se limiter à elle. Il prend un premier contact en 1906 avec les maçonneries occultisantes et l'Ordre* martiniste de Papus* après avoir abandonné les classes préparatoires aux grandes Écoles scientifiques reçu « Supérieur Inconnu » par Phaneg (Georges Descormiers [1867-1945], loge* Hermanubis), il fréquente ensuite la loge Humanidad du Rite National Espagnol dont le vénérable* était Teder (Charles Détré [1855-1919]), ainsi que le chapitre* et temple* E.N.R.I. du Rite Swedenborgien*. Il assiste au Congrès spiritualiste et maçonnique de 1908* revêtu du cordon de Kadosh* et devient 30-90° dans le Rite de MemphisMisraïm dont un souverain Grand Conseil a été créé en France par une patente signée de Theodor Reuss (1855-1923), Humanidad servant de loge mère*. Guénon se fâche très vite avec Papus et ses amis pour avoir tenté de recruter dans une autre loge martiniste les membres d'un Ordre du Temple rénové créé par ses soins. Une polémique s'ensuit à laquelle participent les revues Hiram et L'Acacia: elle attire l'attention d'Oswald Wirth*, le rénovateur du symbolisme maçonnique. Déjà intéressé par les articles de ce débutant dans La Gnose sur « Les hauts grades* maçonniques », Wirth tente sans succès de « récupérer » les transfuges papusiens dans sa loge en 1911. Finalement seul Guénon intègre Thébah 347, un atelier de la Grande Euoge de France*, au début de 1912, puis il donne l'année suivante un article dans Le Symbolisme. Il semble, néanmoins, avoir déserté assez vite, même s'il accorde une place très importante à la maçonnerie dans son ouvre écrite. Ses premiers livres sont publiés en 1921.

LA Crise du monde moderne (1927) dresse un bilan catastrophique pour l'Occident par l'affirmation que seules l'Église* catholique dans le domaine exotérique religieux et la franc-maçonnerie* dans celui de l'ésotérisme* demeurent « traditionnelles ». La continuité de la transmission initiatique garantit à celle-ci sa « régularité* », laquelle va de pair avec une « orthodoxie » de son enseignement fondé sur les symboles de la construction, un des aspects fondamentaux de la « science sacrée ». Il publie ainsi une série d'articles dans Le Voile d'lsis, une revue occultisante connue sous le nom d'Études traditionnelles à partir de 1936, et dans la revue catholique Regnabit sur ce symbolisme et l'usage qu'en avaient fait les corporations médiévales. L'Ésotérisme de Dante (1925) lui accorde une place particulièrement importante dans son argumentation ainsi qu'aux thèmes chevaleresques. L' ensemble des article de Guénon a été réuni dans une publication posthume intitulée Études sur la franc-maçonnerie et le compagnonnage (1964, 2 t.)t qui est augmentée des comptes rendus d'ouvrages et de revues maçonniques tant français qu'anglais ou américains. Il s'est intéressé tout particulièrement à la question des Anciens*.

Les lecteurs de Guénon qui le considèrent comme un guide spirituel ont éprouvé le souci de donner à son ouvre un aboutissement dans leur vie en se tournant soit vers l'ésotérisme islamique, soit vers la maçonnerie comme prolongement d'une pratique religieuse juive ou chrétienne, encouragés par le maître* qui entretenait depuis Le Caire (de 1930 à 1951) une abondante correspondance avec des maçons français et anglais (utilisant les formules conventionnelles entre « frères ») portant sur des sujets parfois très techniques tels que les mots sacrés ou l'usage des invocations. La convergence de ces liens aboutit à la création, en 1946, de la loge « guénonienne » La Grande Triade, dépendant de la Grande Loge de France. Cet atelier est suivi, après que des dissensions eurent gêné son développement, par d'autres tentatives comme Les Trois Anneaux (qui réunissent les religions du livre), au sein d'obédiences* reconnues ou «, sauvages » qui n'ont pas cessé depuis sa mort, y compris dans la maçonnerie féminine. Une influence diffuse s'est également répandue dans un grand nombre d'ateliers où l'on fait référence à ce maître de la « Tradition », même si l'interprétation en est aléatoire.

Le successeur de Wirth à la tête du Symbolisme, Marius Lepage*, est l'un des correspondants les plus importants de Guénon et il contribue largement à la diffusion des idées de ce dernier en raison du crédit dont jouit la revue, des orientations de celle-ci et de son rôle dans,les tentatives de rapprochement entre l'église catholique et la maçonnerie.

J.-P. L.


GUÉPIN, Ange
(Pontivy, 1805-Nantes, 1873) Étudiant en médecine à Paris, Ange Guépin s'éveille à la vie politique et aux idées républicaines sous les monarchies censitaires. Arrivé à Nantes, reconnu rapidement à la fois comme opposant et « médecin des pauvres », il est élu conseiller municipal en 1846, puis préfet de la Loire-inférieure en février 1848. Passé les années difficiles, il retrouve son mandat municipal en 1866.

C'est seulement à 61 ans que Guépin est initié. Il est cité pour la première fois le 16 janvier 1867, dans le compte rendu des travaux de la loge Mars et /es Arts où il fait offrir par son neveu un « rituel lévitique » auquel il a joint deux lettres. La loge* ayant pris connaissance de sa candidature le 6 février 1867 et l'ayant accepté le 13, son initiation* a lieu le 20 février en présence d'une centaine de participants. Reçu compagnon* et maître* le 8 mai, la progression dans les responsabilités qui lui sont confiées est alors fort rapide. Orateur « par intérim » à partir du 11 septembre, il prononce le 8 novembre devant plusieurs milliers de personnes, l'éloge,funèbre maçonnique de Victor Mangin. Élu de fait à cet office d'orateur le 2 décembre 1867, il représente sa loge au congrès de la maçonnerie bretonne d'octobre 1868, puis, quelques jours plus tard, à celui des loges de l'Ouest. Il y présente à chaque fois un travail. Vénérable* le 9 décembre 1868, il est réélu en 1869 et en 1870. Il devient conseiller de l'Ordre et membre de l'exécutif du Grand Orient de France*, en juillet 1869. Nommé à nouveau préfet de la Loire-lnferieure à la faveur des événements de 1870, il dirige tant bien que mal la loge jusqu'en juin 1871. Souffrant, il préside encore, le 6 janvier 1872, l'installation de son remplaçant et du nouveau collège des officiers de l'atelier, puis assiste aux deux dernières réunions d'une loge en crise depuis 1871. Ange Guépin « passe à l'Orient éternel » trois mois plus tard, le 21 mai 1873.

L'activité maçonnique d'Ange Guépin révèle ainsi à la fois un engagement tardif et une fulgurante « carrière » au sein du Grand Orient de France... qui a du étonner et en irriter plus d'un. Pourtant Guépin devient vite une figure tutélaire de la maçonnerie nantaise, car l'engagement républicain des maçons pendant les décennies suivantes favorise l'identification des frères avec la figure du célèbre opposant à la Monarchie de Juillet et au Second Empire*. Au prix d'affirmations fausses, on en fait le chef de la maçonnerie nantaise. L'idéalisation du docteur permet à son nom de devenir un emblème: ainsi, le cercle associé au réveil de la loge Mars et les Arts dans les années 1890 se réclame de lui, puis, plus tard, c'est le tour de la loge nantaise du Droit Humain* d'adopter la même attitude.

Les tendances à l'hagiographie sont perceptibles sous les plumes de Gallery des Granges, d'Auguste Pageot (1911) et d'Henri Librec (1946). Pourtant les livres d'architecture de sa loge, qui compte plus de 200 membres dans les années 1860, redécouverts récemment, montrent que le vénéralat de Guépin fut un moment difficile. Les sorties excèdent ainsi peu à peu les entrées: la moyenne annuelle des présents qui atteignait 34 frères en 1867 tombe à 19 en 1870. Réunions et nombre de votants diminuent durant « les années Guépin » et on ne saurait évoquer les funestes événements des années 1870-1871. D'autre part, sa mort suit la mise en sommeil de la loge au lieu de la précéder. Malgré ses incontestables qualitése Ange Guépin fut aussi un piètre gestionnaire. La lecture des « planches tracées » montre en effet une loge se débattant avec des dettes non seulement parce que moins de frères cotisent, mais aussi parce que Suépin mène une activité philanthropique imprudente à une époque où la « mendicité maçonnique » est de notoriété publique. La ioge répond à toutes les demandes, multiplie dons et aides soutient l'école « libre » (qui devient laïque) et organise même une infirmerie en 1870.

Élevé au grade de compagnon et de maître trois mois seulement après son initiation et après avoir assisté seulement cinq fois aux réunions, Guépin publie sans gêne Esquisse d'une philosophie maçonnique. Se rendant ensuite, pour la première fois, à un congrès régional, en 1868, il y donne un travail intitulé « Des croyances que la maçonnerie considère comme facultatives et de celles qu'elle impose comme obligatoires ». puis propose au Convent* de 1869 rien moins qu'un « Pro jet de rituel d'initiation au second grade » (qui est davantage un catéchisme scientiste qu'un rituel maçonnique).

Ces éléments amènent donc à apprécier différemment le rôle réel joué par Ange Guépin au sein de sa loge d'accueil et de la maçonnerie nantaise. On retiendra que le ralliement de cette figure républicaine emblématique à la maçonnerie fut tardif et assorti d'un bilan interne plus contestable que ne l'a laissé entendre la « légende dorée ».

L. M.


GUILDES
L'Oxford English Dictionary a donné de la guilde la définition suivante: « Confrérie, fraternité ou association constituée en vue d'assurer à ses membres aide et protection ou pour réaliser un objectif commun. »

Présentes avant la conquête normande, elles se sont progressivement affirmées sous les Plantagenêts en revêtant trois aspects: les guildes de marchands qui garantissaient à leurs adhérents un monopole commercial dans la cité; les guildes religieuses fondées pour honorer un saint patron et dont les membres se vouaient à des actions de piété et de bienfaisance; les guildes de métiers qui, à partir des XIIIe-XIVe siècles, réunirent les artisans.

A Londres, les conflits incessants entre maçons conduisirent, en 1356, à la formation de la Fellowship, devenue ensuite la Compagnie des Maçons de Londres. En 1376, elle délégua deux représentants au Conseil de la cité, comme d'ailleurs la guilde voisine des francs-maçons qui disparut toutefois, dès l'année suivante, des registres des corporations. La Compagnie des Maçons exerça, ainsi que l'attestent les ordonnances de 1481 et 1521, un contrôle rigoureux sur le métier jusqu'au Grand Incendie de 1666.

En revanche , I' influence des guildes de maçons resta très limitée dans le reste de l' Angleterre en raison de l'indépendance inhérente au métier, le maçon étant conduit à se déplacer sur les chantiers. Leur présence est toutefois attestée à Norwich (1440 et 1469) et à Newcastle (1581). Les maçons furent également présents au sein des guildes municipales, notamment à Canterbury, Durharn, Exeter, Gateshead, Ipswich et Oxford.

En Écosse*, l'équivalent de la guilde fut l'incorporation, attestée dès la fin des années 1400. Elle peut être conclue entre deux métiers similaires, insuffisamment développés pour former leur propre corporation. Ainsi, le Seal of Cause du 15 octobre 1475 scella l'incorporation of Wrights and Masons de l'incorporation of Wrights and Masons of Edinburgh bientôt suivies par celles d'Aberdeen en 1527 et de Glasgow (1541}.

L'admission au sein de la guilde, simple organisation professionnelle contrôlant la pratique du métier, exigeait uniquement de l'impétrant un serment de fidélité au roi et au métier.

Les guildes prirent, durant la Réforme, la défense de l'église dans la lutte entre Henri Vlll et la papauté. Le roi prit prétexte de leurs processions et pratiques religieuses pour les assimiler aux monastères et prononcer ainsi leur dissolution. Elisabeth 1re, pour des raisons politiques, encouragea leur reconstitution. Celles qui avaient survécu devinrent alors de simples associations professionnelles.

Fr. D.


GUILLY, René
GUILLY.JPG (54K) (Paris, 1921-Paris, 1992) Issu d'une famille originaire de Trucy-sur-Yonne en Bourgogne où l'un de ses ascendants était syndic en 1789~ René Guilly a été Conservateur en chef des Musées de France, chef du service de restauration des musées classés et contrôlés, professeur titulaire à l'école du Louvre.

Initié le 9 mai 1951 et élevé à la maîtrise le 14 janvier 1953 à La Clémente Amitié* (Paris) il quitte le Grand Orient de France* en 1964 pour adhérer à la Grande Loge Nationale Française-Opéra, dénommée depuis Grande Loge Traditionnelle et Symbolique*Opéra, où il occupe les fonctions de Trésorier Fédéral de 1965 à 1967. Il est initié Maître Écossais de Saint-André le Il juin 1961, reçu Écuyer Novice le 28 avril 1962 et armé Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte le 10 novembre 1962, au Grand Prieuré de France, par Pierre de Ribaucourt. Il se choisit comme nom d'Ordre Eques a Latomia Universa et comme devise: A scientia patientia. Il rejoint en 1967 le Grand Prieuré Indépendant des Gaules, en devient Grand Prieur Adjoint en 1969, et se rattache finalement au Grand Prieuré de Neustrie où il occupe successivement les fonctions de Chancelier et Préfet de Paris (28 septembre 1978), puis de Grand Prieur (6 janvier 1982), fonction à laquelle il est réélu le 7 janvier 1986.

Créée le 26 avril 1968 sous son impulsion, la Loge Nationale Française*, qui se définit non pas comme une Grande Loge mais comme une fédération de loges, adopte le 26 janvier 1969 une Charte de la maçonnerie traditionnelle libre. L'autre grand ouvre de sa vie est la revue Renaissance traditionnelle dont le premier numéro paraît en janvier 1970. Sous le pseudonyme de René Désaguliers, il en sera le directeur unique jusqu'à sa mort. Sous sa direction, la revue publie 90 numéros en 81 cahiers comprenant plus de 7 000 pages. Renaissance traditionnelle est une revue d'études sans aucune attache obédientielle .

La revue publiera tous les travaux de René Guilly. Citons notamment les instructions anglaises rassemblées par Knoop, Jones et Hamer dans The Early Masonic Catechisms {1943}, qu'il est le premier à traduire en français, et son étude du Régime Écossais Rectifié* sur le. triple plan de l'histoire, des rituels et du symbolisme, depuis Le Symbolisme du temple de Salomon dans les 4 premiers grades du RER ( 1972) à l'Essai sur la chronologie des rituels du RER pour les grades symboliques jusqu'en 1809 (1992). Ses recherches sur l'apparition de l'Écossaise en France l'aménent à publier et commenter des rituels et des documents inédits. Autre monument, l'hommage qu'il consacra aux Pierres de la Franc-Maçonnerie, cycle d'articles parus entre 1987 et 1991.

René Guilly a indiqué les influences qui l'ont marqué et s'est décrit lui-même mieux que quiconque ne saurait le faire pour lui: « Je suis un maçon traditionaliste. Je reconnais le bien-fondé spirituel et traditionnel des points essentiels énoncés en 1929 par la Grande Loge Unie d'Angleterre. Mais je conteste l'application temporelle qui en est faite. J'aime l'histoire maçonnique et l'histoire tout court, j'essaie de la connaître et de la comprendre. Elle est pour moi un guide sur et elle m'empéche d'avoir recours à ces armes si faciles de l'anathème global et de l'excommunication collective. La Tradition maçonnique véritable n'appartient nullement au passé. Elle est totalement vivante. Mais ces procédés totalitaires, eux, sont périmés définitivement et leur survivance n'est que la honte de notre Ordre et de certains pays. lls sont la négation de tout universalisme et de tout oecuménisme. [...] Trois hommes: Oswald Wirth*, par la lecture de qui {et de René Guénon) je suis entré en franc-maçonnerie il y a vingt-cinq ans, Marius Lepage* que j'ai connu et aimé depuis cette période jusqu'à son départ pour la Grande Loge d'En Haut, Jean Baylot* qui ne permet pas qu'on l'aime mais que je respecte. Un quatrième en second plan si honnête et si fidèle: Joannis Corneloup*. En toile de fond, la franc-maçonnerie française depuis cent ans. À l'affiche: le drame de la spiritualité de l'occident. Un beau spectacle triste» (Renaissance traditionnelle juillet 1972 et avril 1976}.

A. B.


GUITARE
La guitare fut peu utilisée dans les temples*. Tout au plus trouve-t-on, çà et là, quelques arrangements, par exemple, un accompagnement pour guitare écrit pour un air des Mystères d Isis (version francisée de La Flûte enchantée) Parmi les initiés, on doit cependant relever la présence de Napoléon Costé (1806-1883), certainement le plus grand guitariste de son temps. Affilié à la loge Les Frères Unis Inséparables en 1843 (maître*), il travailla aux côtés de Taskin* et resta fidèle à cette loge jusqu'en 1866.

Chr. N.