B. L'INFLUENCE SOCIALE

 

1. La préparation de la Révolution

 

Bien des francs-maçons affirmeraient par naïveté que la franc-maçonnerie a joué un rôle si ce n'est décisif du moins essentiel dans la Révolution française, considéré par l'histoire maçonnique comme "l'histoire des frères".

 

La franc-maçonnerie est le lieu de la diffusion libre des idées philosophiques et politiques. On retrouve beaucoup de francs-maçons dans les clubs. En effet, Siéyès, Guillotin, Brissot, Desmoulins et d'autres moins connus sont révolutionnaires et francs-maçons, beaucoup d'entre eux, les plus riches, appartiennent à la loge parisienne des Neufs Soeurs.

 

L'Encyclopédie qui a véhiculé la plupart des idées révolutionnaires n'est pas une oeuvre des francs-maçons.

 

Le premier ministre Necker est franc-maçon; Marie-Antoinette bien que non initiée, est favorable à la franc-maçonnerie. On suppose qu'elle a peut-être assisté à des tenues blanches, c'est-à-dire des réunions ouvertes aux profanes, de la loge très cotée à l'époque, des Neufs Soeurs.

 

L'analyse de la composition sociale des francs-maçons de l'époque nous a montré qu'il y a très peu de frères appartenant au Tiers-Etat alors que c'est celui-ci qui a porté les coups décisifs à la monarchie absolutiste établie par Louis XIV.

 

La franc-maçonnerie n'est pas hostile à la monarchie. En effet, depuis 1771, le grand maître du Grand Orient de France est Philippe Egalité, duc d'Orléans.

 

Celui-ci veut simplement remplacer Louis XVI sur le trône de France. Après la fuite du Roi à Varennes, il tente de se faire nomme Roi grâce à l'appui de certains maçons.

 

Le discours de Corbin de Pontbriand de la loge bretonne "la Parfaite Union" lors de l'initiation d'un apprenti du nom de Moreau le 23 juillet 1789, illustre parfaitement l'image que de nombreux francs-maçons avaient de la Révolution. Ils imaginaient que les idées de Liberté, d'Egalité et de Fraternité de la franc-maçonnerie avaient touché le menu peuple, alors que seules la faim et la misère les avaient poussés à se révolter; ils pensaient que leur grand maître, le duc d'Orléans, allait remplacer le Roi et permettre ainsi la diffusion libre des idées de la franc-maçonnerie.

 

Voici ce discours extrait de la Chaîne d'Union n° 10 juillet 1955:

 

"C'est de nos temples et de ceux élevés à la Saine Philosophie que sont parties les premières étincelles du feu qui, s'étend de l'Orient à l'Occident, du Midi au septentrion de la France, a embrasé les coeurs de tous les citoyens,... Aucun de nous mes Très Chers Frères n'ignore que notre royal grand maître le duc d'Orléans a concouru plus que personne à l'heureuse révolution qui vient de s'opérer. Empressons-nous d'entrer dans ses vues."

 

Barruel dans son "Mémoires pour servir l'histoire du jacobinisme" en 1799, a émis l'idée de la franc-maçonnerie mère de la Révolution. Nous nous appuierons sur l'étude de trois rituels du dix-huitième siècle pour tenter une approche de cette idée.

 

Notre hypothèse de départ sera la suivante: la franc-maçonnerie influence la société en utilisant les valeurs de cette société en les unifiant, en mettant les valeurs respectées de tous mais réservées à des groupes précis d'individus particuliers, entre les mains d'une personne n'appartenant pas à ces groupes précis.

 

Un membre d'un groupe donné pouvant, dès lors, à partir de son champ de valeurs et de celui qu'il obtient grâce à l'initiation maçonnique, agir en toute liberté, se retrouver soit dans un camp soit dans l'autre tout en appelant "Mon Frère" celui que l'absence d'initiation le ferait reconnaître comme un ennemi a priori.

 

La maçonnerie contient un ferment d'action, elle n'est pas cause de l'action directement.

 

Nous commencerons par l'étude d'un rituel de Maçonnerie Egyptienne de 1782, la franc-maçonnerie égyptienne a été créée en 1760 par Cagliostro, c'est une maçonnerie de hauts grades, elle est ouverte aux maîtres maçons uniquement.

 

"Le trône du Vénérable élevé sur trois marches"

"L'autel devant le trône"

p. 25 Préparation de la loge

 

"Le Vénérable aura l'épée à la main"

p. 26 Habillement du vénérable

 

"Il faut mettre le récipiendaire à genoux de nouveau; en lui frappant l'épaule droite trois coups de son glaive..." Même si l'apprenti maçon du rite égyptien doit adorer Dieu et respecter son souverain, on vient de bouleverser l'ordre établi en réunissant dans un même lieu pour un même groupe d'individus le trône, l'autel et une forme d'adoubement proche de celles pratiquées par la chevalerie.

 

Le premier devoir de l'apprenti est de se consacrer au bonheur et au soulagement de son prochain (cf. page 34 du catéchisme). Il doit écarter de son esprit toute idée mondaine et profane, il n'aura aucune foi dans les Ecritures (cf. page 33 du catéchisme). IL sera convaincu qu'il n'est pas nécessaire d'être riche et puissant pour obtenir la matière première des philosophes.

 

On voit donc que le rituel de l'apprenti de la maçonnerie égyptienne contient des ferments révolutionnaires auxquels vont pouvoir s'ajouter d'autres idées nouvelles. La page 36 du catéchisme reprend la formule: "le bon maçon ou véritable élu, doit renoncer à toutes sortes d'honneurs, de richesse et de gloire pour obtenir la faveur (d'être un élu ou homme de Dieu appelé El-Hu), il n'est pas nécessaire d'être grand, riche ou puissant."

 

Le développement des rites d'apprenti et de compagnon tend à amener le récipiendaire à travers des cérémonies à caractère magique pour devenir ou détenir le pouvoir des prêtres. On met donc dans les mains de gens n'appartenant ni au clergé, ni à la noblesse, les privilèges de ces deux ordres.

 

Les lois maçonniques engagent à la liberté de conscience puisqu'il suffit de croire en un Etre Suprême et à l'immortalité de l'âme pour pouvoir être admis indépendamment de ses croyances et de sa religion.

 

La maçonnerie égyptienne va développer les loges d'adoption où la femme cumulera les privilèges de prêtresse et de chevalière. Ceci constitue un bouleversement social important pour la femme qui n'accède à la dignité que par la naissance ou à la rigueur le mariage, tandis que dans la franc-maçonnerie, les femmes, bien que cantonnées dans leurs loges d'adoption, peuvent accéder à des postes équivalents à ceux des hommes par leurs qualités personnelles.

 

Le rituel égyptien, pages 112-113, rappelle qu'il y eut des femmes d'exception:

 

"Il y a eu des femmes assez sages et assez favorisées de Dieu pour pénétrer dans le sanctuaire de la Nature et connaître tout ce qu'on su les grands mortels tels Moïse, Salomon, David, etc..."

 

La religion catholique est secouée avec violence dans le catéchisme de compagnonne, en effet, si on parle des véritables prophètes tels que Moïse, Jean,..., on n'hésite pas à dire que les Ecrits qui leur sont attribués ou ne sont pas d'eux ou ont été altérés ou sont mal interprétés (cf. pages 123-124).

 

La maçonnerie égyptienne nous amène donc à considérer que la femme peut devenir l'égal de l'homme et que l'homme est libre, d'une liberté tant physique que morale.

 

Nous continuons par le rituel maçonnique: Art Royal, grade de l'apprenti en vigueur sous Louis XV. Ce rituel, comme le précédent met en rapport les trois ordres; il est intéressant en ce qu'il précise la fonction du maçon tant à l'intérieur de la loge qu'à l'extérieur. Il nous permet de comprendre l'idéal qui fait agir les francs-maçons d'une certaine manière que l'initiation seule permet d'acquérir.

 

Les trois ordres de la société sont représentés avec leur catégorie de valeurs; le Tiers-Etat est symbolisé par le compas et la truelle, le clergé par l'autel, la bible et les cierges, la noblesse par des éléments appartenant à la chevalerie (épée, adoubement,...), l'écharpe de saint André. Ce rituel serait porteur d'idées révolutionnaires.

 

Vénérable Maître: "Quel est le devoir du maçon?"

Premier Surveillant: "De remplir ses devoirs et ceux de l'état dans lequel le ciel l'a placé."

 

Chaque maçon a pour devoir de remplir ses obligations profanes mais il ne peut participer à la suite du Rituel que s'il affirme sa liberté.

 

Vénérable Maître: "Qu'est-ce qu'un maçon?"

Premier Surveillant: "Un homme libre égal aux rois, chéri des princes et aussi du mendiant s'il est vertueux."

 

Dans ce temps-là, chaque Français est sujet humble et obéissant, se proclamer l'égal du roi de Prusse, d'Angleterre ou de France constituerait déjà un fervent révolutionnaire.

 

Affirmer que le maçon doit s'assurer d'une réelle liberté d'action pour pouvoir assister aux tenues, l'engage à acquérir une totale indépendance économiques et politique.

 

Le catéchisme affirme:

 

"C'est du temps des guerres de Palestine que les chevaliers de saint Jean de Jérusalem se réuniront aux chevaliers maçons pour la conquête de la Terre Sainte."

 

Ces quelques lignes nous font remonter aux temps des croisades et à la noblesse de la franc-maçonnerie. Elles déclarent qu'il y eut une alliance des deux castes pour combattre l'infidèle musulman. Ceci nous paraît cependant fort improbable.

 

Ce rituel ne contient pas de réels ferments révolutionnaires, de plus les deux seules pages qui contiennent de réelles idées subversives pour l'époque sont des faux grossiers.

 

Le dernier rituel que nous étudierons pour la période du dix-huitième siècle est le rituel de la Mère Loge à l'Orient de Marseille en 1751. Ce rituel ne nous apporte rien de précis sur le rôle de la franc-maçonnerie dans la Révolution mais il nous définit la liberté du maçon et nous décrit la transformation de l'apprenti en prince, en passant par les différents stades.

 

Le décor comporte un trône, des épées, l'autel n'apparaît que page 50 pour une cérémonie funèbre puis, page 91, pour le passage au cinquième grade.

 

Le rituel se déroule dans un ordre précis:

 

1° vérifier que le travail peut se dérouler à l'abri des profanes

2° chacun est à sa place et chacun à une place

3° le temps est fixé

4° des annonces sont faites.

 

On peut donc considérer qu'une loge est un lieu bien précis et particulier pour y pénétrer il faut montrer "patte blanche". Une fois à l'intérieur, tout est ordonné, une place est réservée à chacun, on n'y est plus taillable plus corvéable à merci: un temps de travail est fixé chacun a un rôle, chacun y est reconnu par les autres pour ce qu'il est et non ce qu'il doit être. L'appel au partage et l'annonce de ce partage est multiplié afin que nul ne l'ignore.

 

La franc-maçonnerie cherche à épurer l'âme mais aussi à l'embellir par des connaissances utiles: "avant de rien entreprendre il est bon de former son dessein."

 

Page 45: "un bon maçon ne saurait s'écarter du chemin de la vertu et de la probité."

Page 48: "quelles doivent être les qualités d'un maître?"

"La sagesse dans ses moeurs, la force dans l'union avec ses frères, et la beauté dans son caractère."

 

Tout cela est bien loin de la Révolution.

 

Ce rituel nous précise l'origine de la liberté des francs-maçons. La franc-maçonnerie est dite libre car les maçons qui furent choisis par Salomon pour travailler au Temple furent déclarés libres et exempts de tout impôt pour eux et leur descendance; ils eurent le privilège de porter les armes.

 

Ces études de rituels nous permettent de mieux cerner la franc-maçonnerie lors de l'époque révolutionnaire.

 

"Défense et apologie de la franc-maçonnerie" nous paraît plus claire. L'auteur affirme que les usages de la maçonnerie ont été mal perçus, des charlatans les ont exagérées...

 

Elle fut combattue par toutes les religions qui ne pouvaient accepter la présence d'une institution qui respectât toutes les religions. On leur reproche des pratiques secrètes.

 

On peut se demander alors où Barruel a pu trouver l'idée de la franc-maçonnerie comme mère de la Révolution. Il y a certes des idées et principes maçonniques dans la Révolution, la franc-maçonnerie a un idéal d'égalité et d'universalité que les plus rêveurs des révolutionnaires imaginaient appliquer à la société française qui avait été dominée jusque là par la séparation, les privilèges,...

 

Barruel n'est peut-être pas le mystificateur que l'on pense une mauvaise compréhension des rituels, des rapprochements inexacts, des étymologies complaisantes, l'utilisation des déclarations de Cagliostro aux ministres de l'Inquisition à Rome, pouvait facilement le tromper. Il a cependant très bien pu établir sciemment une telle fable.

 

Si la maçonnerie avait pour but le renversement de la monarchie et de l'Eglise trouverait-on à sa tête des souverains, des évêques, des prêtres et des nobles.

 

On peut donc conclure que la franc-maçonnerie n'a pu favoriser que le développement de quelques idées révolutionnaires. En effet, les hommes déçus par le régime et la religion ont trouvé dans la franc-maçonnerie un lieu de rencontres, d'accueil où ils pouvaient développer sans crainte leurs idées de changements. Ces hommes étaient Marat, Desmoulins, Siéyès, Brissot, Guillotin,...

 

 

2. L'influence sociale de la franc-maçonnerie de 1790 à nos jours

 

La franc-maçonnerie n'a pas déclenché la Révolution. Ce bouleversement historique et social a déstabilisé la franc-maçonnerie. Durant la période qui suivit la Révolution, elle perdit son caractère initiatique.

 

Sous l'Empire et la Restauration, les rois et l'empereur ont su se servir de la franc-maçonnerie pour véhiculer leurs idées.

 

L'étude d'un rituel en usage en 1848, publié par Artefact dans "Histoire de la franc-maçonnerie" de F.T.B. CLavel va nous permettre de définir le travail, autorisé, du maçon au début du second Empire, avant d'être interdit par l'empereur. Il définit aussi les buts essentiels de l'ordre. C'est un rituel du Grand Orient de France au grade d'apprenti.

 

Nous avions émis l'hypothèse que sou Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe, la franc-maçonnerie avait été muselée. Cette étude va nous démontrer que la franc-maçonnerie n'est plus autorisée qu'à des travaux "humanistes".

 

Voici un discours prononcé par le frère orateur à un nouvel apprenti, il précise la caractère du maçon:

 

"L'association maçonnique exige de tout homme qu'elle admet dans ses rangs qu'il croit en un Etre Suprême créateur et directeur de l'Univers."...

 

"La maçonnerie autorise le maçon à suivre en toute liberté, hors de la loge, le culte qui lui plaît, pourvu qu'il laisse chacun de ses frères user paisiblement du même droit. Si les hommes sont vertueux, le maçon ne doit faire aucune distinction entre ces hommes. Les sources possibles d'activités de maçons sont le refus de l'esclavage, le respect des différences sociales et la dignité de l'homme ainsi que celui des libertés religieuses."

 

A la page 21, le maçon est limité dans son activité: "...mais il lui est dans tous les cas interdit de tremper dans les complots et les conspirations..."

 

Tout cela n'est pas très précis car on poursuit l'affirmation par:

 

"Si donc il arrivait qu'à votre connaissance qu'un de vos frères s'engageât dans l'une de ces entreprises, vous devriez l'en détourner par la persuasion,..., si ce frère venait à succomber,..., il vous serait un devoir d'user de votre influence pour parvenir à tempérer la rigueur du châtiment qu'il aurait encouru."

 

Jusque là, l'instruction était réservée aux personnes aisées mais aussi à ceux qui le voulaient, ainsi de nombreux travailleurs préféraient faire travailler leurs enfants, ce qui leur rapportait de l'argent plutôt que de les envoyer à l'école qui ne leur ramenait que des "bons à rien".

 

La franc-maçonnerie dans son principe d'égalité, d'universalité ne pouvait admettre que la majorité de la population fût analphabète. Il fallait créer une forme d'éducation ouverte à tous mais obligatoire pour forcer les gens à laisser leurs enfants aller à l'école.

 

Ce principe a permis aussi de faire fléchir la toute puissance catholique. En effet, les écoles existantes étaient des écoles de prêtres catholiques. On garde le souvenir du fils de bourgeois qui était éduqué par un précepteur qui n'était autre que l'abbé ou le curé du village. La franc-maçonnerie qui reconnaît toutes les formes de religions, ne pouvait admettre que l'enseignement comportât un seul dogme religieux affirmé "parfait".

 

Ces idées furent débattues, préparées, sans cesse améliorées dans les loges.

 

C'est le frère Jules Ferry qui mettra à profit ces discussions pour préparer sa réforme. Il établit la laïcité qui est l'exclusion pure et simple des programmes scolaires de l'enseignement religieux en 1879. On aura des écoliers qui ne seront pas engoncés dans les dogmes de la religion, tout le monde doit recevoir la même éducation mais chacun doit être libre de son culte.

 

Ceci est un rude coup pour les catholiques qui perdent le monopole de l'instruction. C'est à ce moment qu'apparaît la scission entre l'école laïque et privée où peut encore s'instruire le dogme du culte catholique.

 

En 1884, Jules Ferry poursuivra son oeuvre en établissant l'obligation d'instruction, ainsi tous les enfants de France reçoivent le même enseignement.

 

On retrouve les bases de la franc-maçonnerie qui sont Liberté, Egalité et Fraternité.

 

La franc-maçonnerie développe, au sein de ses loges, des idées qui pourraient permettre d'abattre le cléricalisme. En effet, la franc-maçonnerie n'est pas antireligieuse mais anticléricale, c'est-à-dire qu'elle refuse l'influence, l'immixtion du clergé dans les affaires publiques et privées. Le frère Naquet va ébranler la cellule essentielle de la religion, la famille, en rétablissant la légalité du divorce. Ce sont les francs-maçons qui ont exigé la dissolution des congrégations pour combattre les jésuites qui régentaient la vie sociale de l'époque.

 

Mais la franc-maçonnerie n'a pas débattu que d'idées permettant la disparition du cléricalisme, elle a essayé d'améliorer le sort des gens.

 

En effet, le frère Ranc établit le principe des assurances sociales qui protègent le travailleur. Ce fut d'abord dans les loges qu'on discuta de la création de tribunaux internationaux pour régler pacifiquement les conflits entre les peuples.

 

La franc-maçonnerie est alors un lieu de réunions d'esprits libres et indépendants, d'hommes de bonne foi et de bonne volonté pour combattre l'obscurantisme, le despotisme et l'intolérance.

 

Durant la période suivant la troisième République, on trouve des francs-maçons aux postes clefs de l'Etat mais leur rôle social s'effrite pour laisser place à une franc-maçonnerie plus secrète, plus initiatique. Il n'y a pas d'influence sociale réelle. Cependant, on retrouve de grands noms de la politique dans les loges: des maires des grandes villes, des députés influents, Charles Hernu, Jacques Mitterrand,...

 

La franc-maçonnerie est aussi présente dans les colonies, on sait qu'elle a aidé au dialogue Tjibaou-Lafleur pour régler les problèmes de la Nouvelle-Calédonie.

 

Les rapports entre le pouvoir et la franc-maçonnerie sont tendus depuis 1982, date où Paul Gourdot, grand maître du Grand Orient de France, est venu publiquement dicter sa conduite à François Mitterrand.

 

Les francs-maçons, bien qu'ayant perdu leur importante influence d'avant 1939, ne quittent plus l'antichambre du pouvoir mais ils sont beaucoup moins nombreux. Ils influencent encore le déroulement de la vie de l'Etat, essentiellement du point de vue politique.

 

Ce sont les francs-maçons qui, ayant débattu dans les loges sur le projet de l'interruption volontaire de grossesse, ont réussi à faire voter cette loi révolutionnaire dans un pays dominé par la religion catholique.

 

Il ne faut pas non plus oublier l'importance économique des francs-maçons. En effet, il y a des maçons qui sont au commandes d'importants groupes industriels où ils peuvent mettre en pratique l'enseignement maçonnique.

 

Un des exemples les plus récents était Michel Baroin, le président de la FNAC et du groupe d'assurances GMF.

 

3. Comparaison travaux maçonniques-lois sociales

 

Nous présentons les questions sociales traitées par le Grand Orient de France de 1900 à 1973.

 

Chaque étude est en rapport avec des problèmes de l'époque.

 

Les francs-maçons ont su traiter, exposer, débattre les problèmes de leur temps. Le souci de parvenir au bonheur universel, les oblige à observer leur société avec un oeil ethnologique. C'est-à-dire découvrir, cerner, comprendre les problèmes qui empêchent la réalisation de ce bonheur social mais les francs-maçons ne se cantonnent pas à cela, ils cherchent les solutions de ces problèmes.

 

Les réformes qui reviennent le plus souvent concernent l'instruction.

 

On peut observer que les grandes orientations sociales se modifient en fonction du contexte économique et politique. De 1900 à 1950, le but économique est l'un des plus importants.

 

Lors de la première révolution industrielle, il faut chercher à améliorer le sort de l'ouvrier qui est exploité par ce capitalisme.

 

Une fois la protection sociale de l'ouvrier établie, les francs-maçons cherchent les moyens d'améliorer les rendements de l'industrie.

 

Voici, à titre documentaire, quelques unes des questions sociales importantes qui ont été traitées au Grand Orient de France et fait l'objet d'un rapport national. La date de présentation du rapport de synthèse permet de juger du caractère d'anticipation de chaque étude.

 

1900

· Création d'une Caisse de retraite pour la vieillesse et les invalides du travail.

· Réforme de l'enseignement. Question algérienne.

 

1901

Etude du projet de loi déposé le 8 février 1894, concernant le droit de grève.

Réforme de l'organisation des colonies, et en particulier de l'Algérie.

 

1902

Rapports du salariat et du patronat.

 

1903

Participation des ouvriers aux bénéfices.

Réglementation du travail des femmes et des enfants.

 

1904

Institution de cours complémentaires pour les soldats illettrés dans les corps de troupe.

 

1905

Création d'écoles d'apprentissage.

 

1907

Droit des fonctionnaires à une pension de retraite.

Réforme du système administratif actuel et rétablissement d'un statut des fonctionnaires.

 

1908

· Protection des enfants du premier âge et protection de la mère dans les mois qui précèdent et qui suivent l'accouchement.

· La coopération: recherche des moyens pratiques de remplacer le salariat par une organisation du travail basée sur le principe d'égalité et de justice.

 

1909

Etude du syndicalisme.

 

1910

Moyens propres à enrayer l'exode des ouvriers agricoles vers la ville.

Réforme du Code d'instruction criminelle.

· Le collectivisme. Participation aux bénéfices.

· Décentralisation administrative et politique.

 

1920

L'enseignement aux colonies.

 

1921

L'impôt sur le capital.

 

1922

Exploitation des richesses nationales et des grosses entreprises au profit de la collectivité.

 

1923

La nationalisation industrialisée.

La situation économique, politique et sociale des colonies françaises et des protectorats.

 

1925

Etude des moyens financiers qui permettent de réaliser l'Ecole unique.

Rédaction du complément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

 

1926

Le capitalisme est-il viable ?

Lutte contre la tuberculose.

 

1928

Création, défense et développement des oeuvres postscolaires et périscolaires.

 

1930

Etude des divers systèmes de réalisation fondés sur les doctrines socialistes.

 

1932

Le chômage, ses causes, ses remèdes.

L'organisation de la démocratie économique et le syndicalisme.

 

1933

Etude des droits respectifs de l'Etat, du père de famille et de l'enfant en matière d'éducation.

 

1934

Réorganisation et simplification du régime fiscal de la France.

 

1936

Etude des moyens à employer pour assurer la liberté et l'indépendance de la presse.

 

1937

Education civique de la femme. Moyens de la préparer à l'exercice des droits qu'elle acquerra prochainement.

 

1938

L'organisation des loisirs pour les enfants, pour les jeunes gens, pour les adultes.

 

1948

Etude d'un gouvernement mondial.

 

1950

Protection de la liberté individuelle.

 

1953

La défense de l'humanisme à l'ère atomique.

 

1954

Moyens pratiques d'améliorer la répartition du revenu national et de réformer les circuits de distribution.

 

1955

Etude critique d'une réforme fiscale et d'un financement de la Sécurité Sociale élargie, fondée sur l'impôt universel sur l'énergie.

 

1961

Etude des méthodes les plus efficaces pour parvenir à une meilleure compréhension et permettre une collaboration effective entre les générations actuelles, notamment par la recherche en commun des moyens propres à adapter les individus au monde moderne.

Recherche des moyens qui, par un rapprochement fraternel des individus, pourraient améliorer les rapports entre les peuples, et éviter que l'aide aux pays sous-développés n'aboutisse à une forme nouvelle de colonisation et de vassalisation.

 

1963

Sauvegarde de la dignité et de l'intégrité de l'homme: amélioration et perspective de la condition humaine, en fonction et comme conséquence de l'évolution de la science et du progrès des techniques (énergie nucléaire, cybernétique, astronautique, etc...

 

1965

Planning familial

a - le but social et humain de ce mouvement

b - le respect de la vie humaine

c - la liberté de la femme

d - la liberté du couple.

Dans quelle mesure la franc-maçonnerie peut-elle contribuer à populariser ce mouvement et favoriser son évolution ?

 

1969

Quels fondements et quelles structures pouvons-nous proposer à partir des aspirations que la jeunesse exprime ?

1971

Le recours à la violence étant souvent considéré comme seul moyen de faire triompher son point de vue dans des milieux sans cesse plus nombreux, et la violence de la répression comme seule riposte, par quelles mesures législatives réglementaires et éducatives:

a - réforme de la police ,

b - réforme de la justice ,

c - formation professionnelle, civique et sociale,

pourrait-on parvenir à résoudre les problèmes que pose la transformation des structures de la société en respectant la liberté individuelle et la dignité humaine ?

 

1972

La migration des travailleurs est un phénomène qui s'amplifiera. Elle a pour conséquence de mettre en présence des hommes de nationalités, de coutumes, de langues et de moeurs différentes. Cela pose des problèmes psychologiques, moraux, familiaux, sociologiques, économiques et politiques.

Etude prospective des moyens à mettre en oeuvre pour aboutir, dans le respect des droits de l'homme, à une intégration des divers groupes ethniques ainsi mis en présence.

 

1973

La société est en pleine mutation: la cellule familiale est-elle concernée? L'étude pourrait s'effectuer sur les plans politique, économique, psychologique, juridique, bio-génétique et local en fonction des exigences de l'avenir.

 

 

 

A la source de la laïcité

 

 

Le 24 février 1848, le peuple français avait été déclaré "souverain" par le suffrage universel; le droit divin du roi était remplacé par la souveraineté nationale. Mais comment le peuple allait-il pouvoir exercer cette souveraineté à laquelle il n'était pas préparé?

Le sort du pays était désormais entre les mains d'ignorants, d'illettrés qui, par leur vote, risquaient de provoquer des catastrophes, situation qui ne pouvait que préoccuper les hommes qui avaient fait la Révolution, dont le frère.. Macé, un enfant du peuple qui devait devenir journaliste, puis sénateur. Pas question de faire marche arrière : il fallait s'attaquer à l'ignorance.

1850 - Face aux révolutionnaires, Thiers proclamait: "Si l'on veut que ce pays-ci se tire d'affaire, il faut que l'école se fasse dans la sacristie".

Et à la tribune de l'Assemblée, le Comte Albert de Mun, le réactionnaire, affirmait:

"Nous sommes les contre-révolutionnaires irréconciliables; notre doctrine nie la souveraineté de la raison humaine; elle fait reposer la société sur la foi chrétienne".

 

A partir de 1930, on observe un regain d'intérêt pour les problèmes de liberté. La montée du fascisme et du national-socialisme peut inquiéter cet ordre universaliste et égalitaire qui refuse toute forme de discrimination.

 

En 1960, la franc-maçonnerie prépare les lois de libération des moeurs qui n'apparaîtront qu'après la révolution de Mai 1968.

 

En 1970, l'ordre s'intéresse aux problèmes de l'émigration qui n'apparaîtront comme réel problème social qu'à partir des années 80.

 

La franc-maçonnerie s'est toujours intéressé aux difficultés sociales de son époque. Par son influence politique, elle a essayé d'appliquer les solutions débattues dans les loges sous forme de lois sociales.


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