Maçonnieke encyclopedie-H.
De Maconnieke Encyclopedie zoekt
Een ogenblik !
"LE CLÉRICALISME VOILA L'ENNEMI!
de Philippe le Bel à Voltaire
les " cellules subversives "
l'idée-force : la laïcité
Refuser aux religions le droit au pouvoir
le Grand Architecte éliminé
la scandaleuse affaire des Fiches
une psychose de peur
il n'y a plus de Contre-Eglise
une guerre qui s'achéve
"L'INTÉRET SUPREME DE LA RÉPUBLIQUE"
De la revolution a Vichy
"Le cléricalisme voilà l'ennemi!
Le Grand Maitre Babaud-Laribiére a beau écrire en août 1871 : " La Franc-Maçonnerie est restée parfaitement étrangére … la criminelle sédition qui a épouvant‚ l'univers... ", elle est vivement attaquée par les royalistes, par les catholiques, par les " défenseurs de l'ordre moral ", et le pape Pie IX la condamne une nouvelle fois. Par réaction, le " voltairianisme " et le rationalisme de la Maçonnerie française vont devenir anticléricalisme et athéisme millitants au point
même qu'un orateur s'écrie au Convent de 1895 : " Le catholicisme, nous devons,
nous Francs-Maçons, en poursuivre la démolition définitive. " Un peu de pudeur, monsieur l'abbé !
A nouveau, la sonnette présidentielle retentité furieuse et grêle, au milieu des
clameurs, des rires indignés, et des claquements des pupitres de toute la
Chambre. Au banc du gouvernement, face aux graves huissiers à chaîne, un petit vieillard barbichu et rouge de colére agitait son lorgnon, meurtri par l'apostrophe qui venait de le fouetter en pleine face. Dress‚ au haut de la derniére travée de
l'extrême droite, le marquis de Baudry d'Asson, massif, sa large barbe blanche
bien étalée, l'index vengeur, aspirait à pleins poumons l'ouragan qu'il venait de
déchaîner en direction du "petit pére Combes", auquel le député royaliste de la
Vendée venait de rappeler, une fois de plus, qu'il avait été séminariste avant de se
faire l'apôtre de la laïcité.
Aux beaux jours du régime parlementaire, rien ne valait un effet oratoire, Tels
d'entre eux devaient même entrer dans l'Histoire. Il en est ainsi du " Le cléricalisme voilà l'ennemi ! ", ce mot d'Alphonse Peyrat que Gambetta rendit
célébre.
Cette invective lapidaire a caractérisé, peut-on dire, de 1870 à 1930, tout le
programme de la Franc-Maçonnerie, telle une estampille. Ce fut une guerre
acharnée dirigée non contre le cléricalisme, mais bien contre l'Eglise, et, à travers
elle, contre l'idée religieuse. De cette époque date l'idée, ancrée dans tant
d'imaginations bien françaises, qu'un franc-maçon est, par essence, un " mangeur
de curés ". Il s'agité en réalité, d'une simple phase de la longue histoire de l'ordre,
et que le recul du temps permet aujourd'hui d'expliquer sans passion, ni cléricale,
ni anticléricale.
Le centre de propulsion en fut le Grand Orient de France, la plus importante
numériquement des " obédiences " (puissances maçonniques) françaises. Le fait
dominant en fut une usurpation occulte du pouvoir de l'Etat par cette société
fermée et se recrutant par coöptation, et dont le plus singulier est qu'elle se trouva
elle-même en rupture avec la Franc-Maçonnerie régullére universelle.
de Philippe le Bel à Voltaire
Envisagé comme phénoméne historique, il procéde de deux causes, comparables
à deux racines : le Gallicarlisme politique el le Rationalisme français.
Le Gallicanisme politique remontait haut : jusqu'à Philippe le Bel et à ses légistes,
figures hiératiques pour ne pas dire figures de vitrail, et dont l'opposition furieuse
à la papaut‚ n'avait rien d'antireligieux, bien au contraire. Un écrit du XIIIe siécle,
la Dispule du Clerc el du Chevalier, montre ce dernier injuriant l'homme d'Eglise,
tout en demeurant excellent chrétien. Que fut le Gallicanisme ? Un long chantage
au schisme qui, en 1971, dans la Constitution civile du clergé, finit par se réaliser.
Les Provinciales de Pascal, janséniste et mystique, par le coup qu'elles port‚rent à
la Compagnie de Jésus, apportérent au,Gallicanisme un étai redoutable. En 1763,
lors de l'affaire La Chalotais et de l'expulsion des jésuites, la France entiére se
trouvera placée brutalement devant un probléme nouveau : celui de l'Ecole, léquel
remonte à l'Ancien Régime et non à l'honnête M. Victor Duruy.
Le ralionalisme français avait ét‚ illustré au XVIIIe siécle par la philosophie des
lumiéres, par la grande campagne des encyclop‚distes contre "le grand Préjug‚ "
(la Religion), par Voltaire et d'Holbach. Le Grand 0rient pourra à bon droit s'en
réclamer, mais, contrairement une erreur tenace, il ne le recueillit nullement par
le canal des loges de l'Ancien Régime, parfaitement respectueuses de l'Eglise et
peuplées d'ecclésiastiques.
Les condamnations pontificales portées au XVIIIe siécle contre la Franc-
Maçonnerie ne doivent pas, à cet égard, faire illusion. Leurs motifs ne furent pas
dogmatiques et lorsqu'en 1776 Pie Vl dressera dans la bulle Inscrulabili le bilan
des erreurs du siécle, la Maçonnerie ne sera même pas nommée.
Enfln, il convient de souligner que l'irréligion du XVIIIe siécle, académique et,
dirions-nous, " salonnarde " fut totalement apolitique. Si la Révollution n'avait
pas eu lieu, peut-être aurait-elle trouvé dans quelque transposition française du "
despotisme éclair‚ " une réalisation politique, mais au grand jamais les
philosophes n'avaient prévu la survenance du régime républicain.
les " cellules subversives "
Ainsi l'un des deux courants de pensée, s'il ‚tait antiromain n'était en rien
antichrétien ni irréligieux. Quant à l'autre, s'il était fonciérement antireligieux, il
ne fut jamais politique.
Ces deux courants, si différents, n'en devaient pas moins confluer, Le clerc du
XIIIe siécle se fit mécréant, et c'est de cette symbiose que devait naitre
l'anticléricalisme français du XIXe siécle,
Pourquoi et comment la symbiose se fit-elle ? Probléme complexe s'il en fut.
L'analyse peut en découvrir plusieurs causes. En premier lieu, l'homme de
Brumaire, par le cadeau empoisonné du Concordat, rendit l'Eglise vulnérable, et il
deviendra juste de parler de cléricalisme appellant l'anticléricalisme.
Il y eut ensuite le noyautage des Loges, jusqu'alors loyales au pouvoir, par les
carborlari et autres conspirateurs, à une époque où n'existaient ni liberté de la
presse ni liberté de la tribune. Les ateliers maçonniques se muérent en " cellules "
subversives, certaines d'extrême droite, tels les Francs régénérés sous la
Restauration, mais la grande majorité de gauche, tels les Amis de 1a Vértié.
Il n'est enfin pas douteux que, plus tard, la gauche française ne subit l'influence
italienne du Risorgimento et des mouvements qui suivirent, Dans la péninsule,
pour nombre de révolutionnaires, la fin du pouvoir temporel du pape devait
inéluctablement avoir pour corollaire la fin de l'Eglise.v
En 1849 encore, le Grand Orient, compos‚ de bourgeois voltairiens épouvantés
par les journées de juiné avait inscrit Dieu dans ses constitutions, mais, le péril
passé, il absorbera tous les virus du scientisme. On y tablera naïvement sur les
théses de Darwin pour détruire la religion et sur le positivisme comtiste, glorifié
par le F.'. Jules Ferry le soir de son initiation à la loge 1a Clémente Amilié,
Une doctrine se trouvant ainsi constituée, on passa à l'action,
l'idée-force : la laïcité
Des papes tels que Léon XII et Pie IX n'imitérent pas l'Eglise anglicane, dunt on a
dit qu'elle avait presque fait de la Maçonnerie anglaise un tiers ordre. Telles
encycliques confondirent maçons et carbonari, et même ‚tablirent une filiation
entre les condamnations portées et celles du XVIIIe siécle, ce qui était une erreur
historique. L'acceptation de la chaîne dorée du Concordat aggrava le mal. Le
résultat fut que, vidées de leurs éléments catholiques par les interdictions de
l'Eglise elle-même, les Loges finirent par ne plus contenir que les adversaires de
l'Eglise.
Dés lors, la fameuse " contre-Eglise "était née.
La cité idéale, préméditée par le Grand Orient, emupruntera aux Quarante-Huitards la devise Liberté, Egalité, Fraternité qui, jusqu'alors, n'avait jamais été
Maçonnique, contrairement à la légende. Elle en fera la devise de l'Etat comme le
Grand Orient fera de l'Etat sa chose. Cette cité idéal aura un nom : la République.
Pour les initiés, ce mot ne signifiera pas le régime républicain, mais bien l'ordre
politique conçu et imposé par la Loge, telle que le Grand Orient la conçoit. Ce
sera la forme régénérée par la démocratie du despotismé éclairé et une sorte de
cléricalisme à rebours auquel le néologisme d'alhéocratie pourrait convenir du
point de vue de son programme religieux. Ses adversaires politiques devaient
l'appeler " le régime abject ".
Recommencer l'effort des déchristianisateurs de 1793 eût été une erreur.
La " République " s'imposera par une idée force que désignera un terme pris, lui
aussi, dans une acception qu'il faut comprendre : la lai'cilé .
La " triple Devise " sera adoptée par les rituels ; les loges du,Grand Orient en
feront 1'" acclamation " qui clôt les travaux, et certaines pousseront la logique
jusqu'à lui ajouter " Vive la République! ", Quant au terme de laïcil‚, un Ernest
Lavisse se chargera de. le définir à l'usage externe :
Refuser aux religions le droit au pouvoir
" Etre laïque, ce n'est point interdire à l'homme le rêve et la perpétuelle recherche
de Dieu, c'est revendiquer, pour la vie présente, l'effort du devoir, " Ce n'est point
violenter, ce n'est point vouloir mépriser les consciences encore détenues dans le
eharme des vieilles croyances, C'est refuser aux religions qui passent le droit de
gouverner l'humanité qui dure. "
Le F. . Emile Combes, alors qu'il était ministre de l'Instruction publique dans le
cabinet du F.'. Léon Bourgeois, n'hésite pas à proclamer, lors de l'inauguration du
lycée de Beauvais :
- A l'époque où les vieilles croyances plus ou moins absurdes, en tout cas
erron‚es, tendent à disparaître, c'est dans les Loges que se réfugient les principes
de la vie morale.
La laïcit‚ est présentée comme un idéal de tolérance religieuse, l'idée religieuse
étant présentée, à l'inverse, comme une oppressiun des consciences.
Il convient donc d'en libérer l'homme, et cela dés l'enfance, d'où l'importance
donnée à la question scolaire, et il conviendra d'en imprégner la législation.
Au passage de Lavisse, on peut opposer ces lignes pénétrantes de G. Ripert :
" Nous arrivons ainsi au sens profond de l'idée de laïcité. Il ne s'agit pas
seulement d'un conflit de compétence entre les autorités ou d'une résistance à
l'action politique des Eglises. Le principe de laïcité exige l'élimination compléte
de la force religieuse dans la création du droit.., Par là même, ils (les tenants de la
laïcit‚) créent contre la forme religieuse une force antireligieuse : c'est
l'anticléricalisme " .
Excellente analyse, mais à ces considérations s'en mêlent aussi de moins
th‚oriquesé tir‚es de la satisfaction des ambitions politiques personnelles ou des
int‚rêts d'affaires. On ajoutera parfois à l'expression " la République " le génitif :
des camarades.
le Grand Architecte éliminé
Avec une logique stricte, le Grand 0rient commença par se laïciser luimême. Les
rituels furent émundés de toute allusion religieuseé dans un esprit rationalisteé et le symbolisme ridiculis‚.
A la fin du siécle, le grand symboliste Oswald Wirth, esprit puissant, devait en
rénover l'étude. Le Grand Collége des Rites du Grand Orient tentera, mais en
vain, de saper son oeuvre en un rapport confidentiel (1895) destin‚ aux
Vénérables. Il s'y indignait notamment de " la qualification surannée d'Art Royal
(donn‚ à la Maçonnerie), qui jure avec les idées républicaines ".
L'événement capital survint en 1877, lorsqu'au rapport du F.'. Frédéric Desmons,
pasteur protestant défroqué, le Convent votera la suppression de la formule
fondamentale du " Grand Architecte de l'Univers " des constitutions, rendant
ainsi la croyance en Dieu facultative.
La réaction fut immiédiate, et à l'échelle du monde. La Grande Loge d'Angleterre.
Grande Loge mére de toutes celles de la planéte, rompit ses relations avec le
Grand Orient, et toute la Franc-Maçonnerie réguliére universelle suivit.
Le Grand Orient ne s'en était pas moins défini lui-même eté dés lorsé l'édification
progressive de " la République " pouvait commencer.
Narrer cette longue histoire en un article est impossible. Qu'on se représente un
tableau sur deux colonnes, celle de gauche figurant avec leurs dates la succession
des convents durant un demisiécle, et celle, de droite figurant les textes législatifs
de la même période. On constatera un parallélisme presque parfait, allant de
l'expulsion des religieuses des hôpitaux à la suppression de l'ambassade de France
auprés du Saint Siége, exigée en 1903 par1e convent, vôtée en 1904 par les
chambres.
Waldeck-Rousseau n'était pas maçon, sans doute parce que son caractére hautain
n'eût accepté aucune consigne, mais il avait mis un point d'honneur personnel à
compléter le Concordat par une grande loi sur les congrégations, Il en sortit la loi
de 1901 sur les associations. Ce fut la derniére mesure anticléricale d'inspiration
concordataire et, en Waldeck-Rousseau, Philippe le Bel avait trouvé un épigone.
Le Grand Orient voulait mieux : 1a séparation de l'eglise et de l'Etat, Elle fut
mise sur pied par le célébre " petit pére Combes ", l'homme à la barbiche, et
définitivement voté le ministére Briand.
la scandaleuse affaire des Fiches
Cette longue guerre fut marquée par un scandale célébre, pass‚ dans l'Histoire
sous le nom d'affaire des Fiches.
Plusieurs années durant, le Grand Orient " ficha ", suivant leurs tendances
religieuses et politiques, les officiers de l'armée française, au moyen d'une
colleboration étroite et secréte entre un F.'., Vadécardé chef du secrétariat du
Grand Orient, et un F.'., capitaine Mollin, attaché au cabinet du général André,
ministre de la Guerre, personnage bizarre, barbué roulant les yeux à la maniére
des hypnotiseurs de la Belle Epoque, et gendre d'Anatole France. La fiche d'un
colonel portait, par exemple : " Trés froid et trés réservé. A assisté à la premiére
communion de son fils."
Un employ‚ du Grand Orient, Jean Bidegain, vendit les fiches à M. ,Guyot de
Villeneuve, déput‚ nationaliste, qui dévoila le scandale à la tribune de la
Chambre.
Le général André fut giflé en pleine séance par le déput‚ Syveton. Il démissionna.
Syveton, déféré aux Assises pour cette agression, fut trouvé asphyxi‚ dans son
bureau le 8 décembre 1904, veille du jour où il devait comparaitre. On conclut à
la mort accidentelle. Beaueoup parlérent de suicide. Quant aux antimaçons, ils
répandirent la thése du crime pulicier ou maçonnique.
Le Grand Orient devait tenter de se justifier en invoquant la nécessit‚ d'épurer
l'armée de nombreux " anti-dreyfusards " qui s'y trouvaient encore et
constituaient une menace contre la République.
En fait, l'affaire Dreyfus avait commencé en 1894, Or, dés 1892, le systéme de
délation fonctionnait déjà, cumme le prouvent les circulaires confidentielles
envoy‚es par le Grand Orient à l'époque.
Selon Bidegain, ce systéme devait même, dans l'intention de certains politiciens,
être étendu à tous les functionnaires.
Le 9 Décembre 1904, lendemain de la mort de Syveton, les interpellations
fusérent à la Chambre ; on vitupéra un systéme d'espionnage appliqué, soutinrent
des députés, à toutes les administrations.
Des " délégués " choisis par le préfet auraient été placés, dirent-ils, dans les
communes dont le maire manquait d'esprit républicain (sous-entendu laïque).
Ils devaient renseigner la préfecture sur les bons et mauvais functionnaires,
Combes ne le nia pas, au contraire.
Il s'attira de vives répliques. Le F.'. Millerand, qui sera d'ailleurs exclu de la
Franc-Maçonnerie, lui lança :
- Jamais un ministre de l'Empire, sous le sommeil léthargique de nos libertés,
n'aurait osé s'abaisser à ces pratiques abjectes...
Peu aprés, le ministére Combes devait démissionner.
Fait à noter, la Grande Loge de France demeura entiérement en dehors de
l'affaire.
une psychose de peur
Le scandale des fiches eut pour effet de donner un véritable coup de fouet à l'anti-
maçonnerie militante.
Cette derniére remontait haut, jusqu'au XVIIIe siécle, où elle avait, à vrai dire,
représent‚ une sorte de genre littéraire, de chronique scandaleuse, multipliant
avec férocité les indiscrétions, mais sans jamais dénoncer les francs-maçons
comme des ennemis du trône et de l'autel, ce qui démontre assez combien ils le
furent peu. Heureuses indiscrétions! Grâce à des ouvrages tels que l'Ordre des
Francs-Maçons trahis ou autres, l'historien peut se faire aujourd'hui une idée juste
des cérémonies de l'époque, tout comme en examinant la finesse du détail des
célébres estampes de J.-Ph. Le Bas, qui les divulguérent et ornent de nos jours
nombre de parvis maçonniques !
Au XIXe si‚cle, l'anti-maçonnerie devait prendre un tout autre caractére, car
Barruel avait publié entre-temps ses retentissants Mémoires pour servir à
l'histoire du jacobinisme (1799), qui lancérent 1a fable de la Maçonnerie inére de
la Révolution française.
Toute une littérature fleurit, aux thémes divers. Pour certains, la Franc-
Maçonnerie n'était que le paravent de l'Intelligence service et des ambitions
coloniales de l'Angleterre victorienne.
D'autres dénoncérent en elle la puissance financiére juive. (Une caricature
classique était celle d'un radical barbu, revêtu du tablier maçonnique dont un juif
lippué au nez' crochu, coiff‚ d'un fez, tirait les ficelles.)
A la suite de Léo Taxil, enfin, tels éditeurs ne se firent pas faute d'exploiter
fructueusement la candeur inimaginable des bien-pensants, et ce fut la légende
des " arriére-loges ".
En 1894, un certain docteur Hacks, médecin des Messageries maritimes, publia,
sous le titre 1e Diable au XXe siécle, un in-4 ‚norme plein de gravures
représentant des diables. L'une d'elles montrait en outre le " Quadrille
maçonnique ex‚cuté par les initiés de l'ordre des druides ".
La fin du XIXe siécle et le début du XXe virent une extraordinaire prolifération
de revues, comités et ligues anti-maçonniques, aux noms aujourd'hui oubliés.
En 1911 se fonda même un Bureau inlernational anti-maçonnique.
En réponse aux fiches du Grand Orient, des services de renseignements se
créérent, qui mirent en fiches les francs-maçons à leur tour, grâce à un
dépouillement méthodique du Bulletin hebdomadaire des Loges, fourni par des
facteurs des P.T,T. complices. Il y eut des annuaires entiers de francs-maçons, et
jusqu'à un Tout-Paris maçonnique (1896).
A l'imitation du Bottin, on vit des annuaires par noms, mais aussi jusqu'à un
annuaire par rues ! La lecture de ces documents insolites nous apprend
aujourd'hui que le tragédien Jean-Paul Mounet appartenait à la Loge Les Vrais
Fréres, et la qualité de franc-maçon du bâtonnier Laborié qui fut l'avocat de
l'affaire Zola et de Mme Caillaux, nous est révélée.
Une psychose de peur s'était répandue, au point que nombre de fonctionnaires
honorables finirent par voir des francs-maçons partout et à expliquer l'avancement
des uns ou les déboires de bureau des autres en raison des consignes occultes et
supposées toutes-puissantes des Loges.
On vit aussi des eserocs et des maîtres chanteurs, n'appartenant ni de prés ni de
loin à la Franc-Maçonnerie, utiliser son nom comme château en Espagne ou
comme épouvantail pour faire des dupes ou réaliser des extorsions de fonds.
Que pouvait faire, pour calmer les passions et imposer les discriminations
nécessaires, la Franc-Maçonnerie réguliére française ? Ressuscitée en 1913
seulement, demeurée à l'état embryonnaire durant plusieurs années en raison de
l'état de guerre, elle devait elle-même souffriré jusqu'à une époque encore récente,
de l'injuste confusion faite entre elle et des obédiences qu'elle ne reconnut jamais,
tant fut obstin‚ le défaut d'information du public, et plus particuliérement des
catholiques, aux quels elle n'avait jamais voulu le moindre mal. Il ne fallut rien
nioins que l'occupation nazie pour que les choses fussent remises en place. Dans
les deux camps, on se compta et, face à l'ennemi, il y eut pour notre honneur
national des réconciliations éclatantes. Ce fut la fin de la psychose, et l'heure de
l'histoire objective pouvait enfin sonner.
il n'y a plus de Contre-Eglise
On commence à peine, aujourd'hui, à comprendre que, durant toute une période,
la France ait pu être gouvernée, sous le masque d'un Etat ostensible, par un
pouvoir occulte. Les outrances de la polémique ont retard‚ durant plusieurs
décennies la constatation de cette évidence : sous la IIIe République, le " Bloc "
fut longtemps le véritable Etat.
Comme toute chose humaine, cette redoutable puissanee devait cependant finir
par connaître le démantélement.
La premiére cause en date fut l'hostilité d'une fraction du parti socialiste, orient‚
vers la lutte ouvriére, antimilitariste et tenant le Grand Orient d'avant 1914 pour
bourgeois. Le parti communiste devait aller plus loin encore et interdire à ses
membres d'appartenir aux Loges,
Une seconde cause fut, elle, essentiellement maçonnique : la résurrection en
France, en 1913, d'une Franc-Maçonnerie réguliére. Cet événement historique fut
1"oeuvre d'Edouard de Ribaucourt et de ses compagnons, lorsqu'ils fondérent la
Grande Loge nalionale indépendante et réguliére, laquelle devait adopter en 1948
son sigle actuel de Grande Loge nalionale française (G.L.N.F.).
Reconnue immédiatement par la Grande Loge d'Angleterre, suivie par toutes les
Grandes Loges de la Maçonnerie réguliére universelle, haineusement qualifiée de
" succursale londonienne " par ses détracteurs, elle devait montrer enfin à
l'opinion que l'authentique Maçonnerie était tout autre chose qu'une officine
politique et antireligieuse.
Ainsi, si le XIXe siécle avait été celui de la " voie substituée ", le. XXe a été
celui de la " voie restituée ".
Troisiéme cause, et non la moindre : les espoirs de la " Contre-Eglise " ne
s'étaient pas réalisés, Aprés une période de brillantes certitudes, le scientisme
avait décliné, alors qu'en même temps le catholicisme trouvait dans le renouveau
thomiste une nouvelle jeunesse et, à Rome, les accords de Latran devaient finir
par régler la question du pouvoir temporel du pape tout autrement que les
hommes du XIXe si‚cle ne l'avaient pens‚.
une guerre qui s'achéve
Enfin, un fait capital de notre temps devait survenir : la fin du conflit entre la
Maçonnerie et l'Eglise, amorcée dés avant Vatican II et aujuurd'hui acquise.
Un autre coup de bascule à.- que les générations ayant immédiatement précédé la
nôtre il'auraient jamais imaginé - est le flot des adhésions catholiques,
ecclésiastiques compris, aux partis d'extrême gauche. Devant ce phénoméne
paradoxal, la vieille droite conservatrice s'étonne et s'irrite. Beaucoup de signes
donnent à penser que l'anticléricalisme, de ce fait, se situe même désormais à
droite, Le vieil esprit combiste ne se découvre plus guére - tel un fussile - qu'en
Belgique.
Ainsi la mise en garde de Gambetta contre le cléricalisme nous parait aujourd'hui
anachronique dans le sens que pouvaient lui donner le tribun et le Grand Orient
de son ‚poque. S'il devait être repris de nos jours, il ne partirait certainement pas
de la gauche française, et sans doute même plus du Grand Orient.
ALEC MELLOR
"L'intérêt suprême de la République"
O. . de Paris, le 24 janvier 1892 (E. . V. .)
TT. . CC. . FF. .
Nous ne saurions trop appeler votre attention sur les instructions secrétes
suivantes dont l'importance ne peut vous échapper et que nous vous prions
d'appliquer en toute occasion. '
Lorsqu'un fonctionnaire est désign‚ par suite de promotion, de mutation ou de
toute autre cause, pour exercer ses fonctions dans un autre pays, il est d'un intérét
puissant que la Franc-Maçonnerie sache exactement ce qu'est ce fonctionnaire, '
En conséquence, les Vénérabies des Loges situées dans la ville chef-lieu de
l'arrondissement, ou du d‚partement, à d‚faut de Loges dans l'arrondissement
dans lequei ce fonctionnaire était fixé, devront adresser, sans retard, au Grand
Orient de France, 16, rue Cadet, à Paris, sous pli soigneusement cacheté, une
note confidentielle renfermant les renseignements, aussi précis que possible, sur
le républicanisme de ce fonctionnaire, son dévouement à l'ordre, s'il est franc-
maçon, son attitude à l'égard de la Franc-Maçonnerie, si c'est un profane, ainsi
que les faits à l'appui de ces renseignements.
ll est indispensable que la Franc-Maçonnerie connaisse ses amis et ses
adversaires, L'intérét de l'ordre maçonnique, l'intérét suprême de la République
l'exigent.
Nous comptons sur votre absolu dévouement pour assurer l'exécution de ces
instructions.
La présente circulaire sera jointe aux dossiers spéciaux que les Vén:. conservent
par devers eux et ont le devoir de transmettre scrupuleusement à leurs
successeurs. .
Agréez, TT:. C:. FF:., l'assurance de nos sentiments dévoués.
Le Président du Conseil de l'Ordre,
H. THULIÉ.
Les Vice-Présidents,
POULLE, VIGUIER,
Le Garde des Sceaux,
FONTAINAS.
Les Secrétaires
SINCHOLLE, Edm, LEPELLETIER.