Maçonnieke encyclopedie-H.

De Maconnieke Encyclopedie zoekt


Een ogenblik !


Historia
UN POUVOIR INVISIBLE?
VRAIS ET FAUX MACONS
LE NOBLE COEUR DE CARPENTAS
PETIT LEXIQUE DU TOUR DE FRANCE
LA NAISSANCE LA PART DES TEMPELIERS
L'ÉCLOSION DES "FILS DE LA LUMIÉRE
DE LA RÉVOLUTION A VICHY
POURQUOI FRANC-MACONNERIE?
L'ÉLECTION DU DUC DE WHARTON
LE DIVIN CAGLIOSTRO
ARISTOCRATES EN DÉTRESSE
"LE CLÉRICALISME VOILA L'ENNEMI!
"L'INTÉRET SUPREME DE LA RÉPUBLIQUE"
VICHY ET LES MAÇONS
LES OBÉDIENCES FRANÇAISES
ETRE F. . ET COMMUNISTE







UN POUVOIR INVISIBLE ?
door Jean Marc Guérin
un complot aristocratique ?
les artisans de la IIe Republique?
la politique dans le Temple
les ministéres clés
qui tient les écoles...
les radicaux
où en est la Franc-Maçonnerie ?
Avant de dire ce qu'est la Franc-Maçonnerie, de raconter sa naissance, son développement, son evolution et ses manifestations en France, il nous est apparu important d'exposer deux des principales raisons expliquant l'attention que lui ont toujours portee les historiens, les gouvernements et l'opinion. La premiere est l'influence que l'on prête depuis deux siecles aux francs-maçons ou aux ideaux maçonniques sur de nombreux episodes de la vie politique française. La seconde - c'est un corollaire - est le nombre considerable de personnages celebres qui ont reçu l'initiation. En 1962, M. Louis Terrenoire député gaulliste et ex-ministre de l'Information, declarait :
- Derriére ces partis qui nous ont fait tant de mal, il y a certains traîtres, combinards et tireurs de ficelles qui voudraient encore pouvoir faire et defaire les ministres. La Franc-Maçonnerie, elle aussi, voudrait a nouveau influencer la constitution des ministeres.
Cinq ans plus tard, M. Roger Frey, du temps ou il etait ministre de l'Intérieur précisait au sujet des francs-maçons:
Ils sont 30 000 en France qui, en huit jours, a raison de 25 rencontres par semaine, peuvent dicter leur mot d'ordre … 750 000 personnes. C'est assez, en tout cas, pour que je m'y intéresse (Rapport par l'express du 13 novembre 1967).
Cette méfiance à l'égard de l'immixtion de la Franc-Maçonnerie en tant que telle dans la politique n'est pas une nouveaute. Deja, dans son Journal, Edmond-Jean- François Barbier, avocat et " bourgeois de paris ", notait à la date de mars 1737 : " nos seigneurs de la cour ont invent‚ tout nouvellement, un ordre appel‚ des frimassons, à l'exemple de l'angleterre ou il y a aussi diifferents ordres de partiruliers, et nous ne tardons pas à imiter les impertinences étrangéres. dans cet ordre-ci étaient enrôlés quelques-uns de nos secrétaires d'etat et plusieurs ducs et seigneurs. on ne sait quoi que ce soit des statuts, des régles et de l'objet de cet ordre nouveau. ils s'assemb1aient recevaient les nouveaux chevaliers, et la premiére régle était un secret inviolable pour tout ce qui se passait. comme de pareilles assemblées, aussi secrétes, sont trés danngereuses dans un etat, étant composées de seigneurs, surtout dans les circonstances du changement qui vient d'arriver dans le ministere, m. le cardinal de fleury a cru devoir étouffer cet ordre de chevalerie dans sa naissance, et il a fait défense à tous ces messieurs de s'assembler et de tenir pareils chapitres." Me Barbier ne se doutait pas qu'il ouvrait ainsi une polemique, encore trés vive de nos jours, sur le danger pour l'Etat d'une sociéte secréte réunissant des personnalités politiques soumises à des directives échappmant au contrôle du gouvernement.
Ce grief est-il fondé en ce qui concerne la Franc-Maçonnerie est-elle une société secréte ? Certains maçons s'en défendent véhémentement. D'autres ne le nient pas. Les textes sont là " peut-étre serait-il bon, égalament, de rappeler que la maçonnerie est une sociéte secréte et que sa puissance réside en grande partie dans ce fait ? trop fréquemment des ff.°. ou des loges entiéres se livrent à des manifestations au nom de la maçonnerie, c'est qu'elle est discréte. nos adversaires nous craignent d'autant plus que nous ne livrons pas nos modes d'action. " (Convent du Grand Orient, 1929, pp. 81-82.) D'ailleurs, au profane qui sollicite son initiation, on fait prêter un serment qui comporte : " je jure et promets sur le glaive, symbole de l'honneur, et sur le livre de la loi, de garder inviolablement tous les secrets qui me seront confies par cette respectable loge, ainsi que tout ce que j'y aurai vu faire ou entendu dire, de n'en jamais rien écrire que je n'en aie reçu la permission expresse et de la maniére qui pourra m'etre indiquée ( " Si le maçon est parlementaire, il est l'objet attentions particulieres : (Ce serment comporte des variantes. Par exemple : "Sur cette équerre embléme de la concience, de la rectitude et du droit, sur ce livre de la Constitution, qui sera désormais ma loi, je m'engage à garder inviolablement le secret, etc."
"les parlementaires f.°.m.°., qui sont en quelquee sorte, une émanation de l'ordre, doivent, pendant leur mandat, en rester tributaires : il y a pour eux nécessité de prendre comme directives les travaux de l':assemblée générale en ce qu'ils ont de parlementaire : en toute circonstance de leur vie politique, ils sont dans l'obligation de se plier aux principes qui nous regissent" (Convent du Grand Orient, 1923.)
Il en est de même à la Grande Loge de France (rite écossais) :" on peut devenir député, voire ministre, sans cesser, dans l'exercice de son mandat et de ses hautes fonctions, d'etre d'abord et avant tout maçon. "(Convent de la Grande Loge, 1927)
Recommandations qui seront rappelés au convent du Grand Orient de 1951 : " ll n'y a pas contradiction quand nous demandons au conseil de l'ordre de bien vouloir rappeler aux parlementaires maçons leurs devoirs maçonniques et quand nous ajoutons, dans le même voeu, que le maçon réléve surtout de la l.°. mére :
le conseil de l'ordre peut trés bien rappeler aux parlementaires maçons quels sont leur engagements maçonniques en soulignant qu'il appartient à la l.°. mére de mettre en accusation le ou les ff.°. défaillants "
un complot aristocratique ?

Il n'est pas douteux que des maçons ont contribué à créer le climat de la Révolution française. M. Marcel Reinhart note qu'a la date de 1788. il existait " un complot aristocratiquc pour prendre le pouvoir ". Les conjurés " voulaient imposer une constitution et obtenir ainsi un rô1e politique comparable à celui de l'aristocratie anglaise ".
Cette " minorité agissante ", dirions-nous de nos jours, était composée de grands seigneurs, de parlementaires, de financiers, de bourgeois libéraux et de "philosophes " qui avaient couvert le pays d'un réseau de clubs et de societés populaires en étroite liaison. Tous les dirigeants étaient des maçons notoires ayant à leur tête le Grand Maître du Grand Orient de France, Philippe, duc d'Orleans premier prince du sang et propre cousin du roi, le futur régicide Philippe Egalite, qui prodiguait les millions à entretenir une meute de pamphlétaires, de tribuns d'assemblée et de place publique, d'émeutiers, de salonnards et d'espions, Moyennant quoi, aux états généraux, 477 députés du Tiers sur 578 étaiment maçons, ainsi que prés de 90 députés de la noblesse -- dont leur président, le duc de Montmorency-Luxembourg - - et plusieurs représentants du clergé - - parrni lesquels Talleyrand et Sieyés.
Néanmoins, écrit Jean Palou dans la Franc-Maçonnerie (Payot) : "la franc-maçonnerie en tant que telle ne semble pas avoir eu un grand rô1e dans les événements qui se déroulent de 1789 à 1795, ce qui n'exclut pas que des maçons aient pu eux-mêmes, individuellement, jouer un rôle important. "
En fait, dirigée jusqu'alors par la haute noblese, "sans qui..., selon bernard fay, revolution n'aurait jamais pu s'ébranler " ,la Maçonnerie fut complétement désorganisée par l'émigration et la guillotine . Le 22 février 1793, Phillipe Egalité se démettait de ses fonctions de Grand Maître du G.°.0.°., et la Maçonnerie se mit " en sommeil " jusqu'au Consulat.
les artisans de la IIe Republique?

" dés le consulat et durant tout l'empire, la franc maçonnerie fut totalement inféodée au pouvoir et , sauf de rares exeptiobs, les travaux en loge se bornérent à encenser napoleon (...). les parants de l'empereur, la plupart des maréchaux et des hauts fonctionnaires appartenaint à l 'ordre. l'autorité suprême état dans les mains de l 'archichancelier cambacérés qui avait réalisé` une union personnelle entre le grand oriënt et l'ecossisme "
Mais on assiste à un tohu-bohu d'or et de rites, plus ou moins orthodoxes, occupés davantage de politique, voire, de conspiration, que d'ésotérisme. Et l'on put voir 1 abbé Lafont, de la royaliste Congrégation, participer à la conjuration du républicain général Malet, de l'Ordre du Lion et du Grand Firmament des Philadelphes. Ce "grenouillage " se poursuivra sous la Restauration. En 1818, un rnaçon de vingt-deux ans, le docteur Benjamin Buchez, fonde la loge des Amis de la Vérité, que le G.°.O.°. admettra seulement en 1821. C'est que, dés 1820, écrit Pierre Mariel " les amis de la vérité devinrent l'antichambre d'une société d'authentiques conspirateurs, la charbonnerie, qui préparera l'action directe et animera des associations clandestines non initiaiques, comme la marianne, les amis de la constitution, les saisons (..). la charbonnerie attira vers elle 1a plupart des étudiants et éléves des grandes écoles, dont polytechnique.."-- ce qui explique la participation des polytechniciens aux barricades des " trois glorieuses "de juillet 1830.

La révolution de l848, poursuit Pierre Mariel, fut préparée et encadrée par les nombreuses sociétes secrétes politiques qui, depuis 1830, préparaient la chute de la monarchie bourgeoise et avaient miltiplié les attentats contre Louis-Philippe. Or, presque tous les affidés de ces groupements révolutionnaires étaient, ou avaient été, maçons. On peut donc dire qu'a deux degrés, la Franc-Maçonnerie fut l'artisane de la II' Republique.
C'est ainsi qu'au gouvernement provisoire, à côté de Lamartine, Ledru-Rollin et Arago, on trouve les FF.°. Dupont de l'Eure, président, Buchez, Marrast, Garnier-Pagés, Crémieux, l'avocat Marie et l'ouvrier Albert.
D'ailleurs, à une délégation du suprême conseil du G.°. 0.°. en tablier et sautoir venue, banniéres au vent, haranguer le gouvernement provisoire, Lamartine de répondre :
--- J'en sais assez de l'histoire de la franc-maçonnerie pour être convaincu . que c'est du fond de vos loges que sont émanés, d'abord dans l'ombre, puis dans le demi-jour, et enfin en pleine lumiére. les sentiments qui ont fini par faire lasublime explosion dont nous avons été témoins en 1790 et dont le peuple de Paris vient de donner, - il y a peu de jours, la seconde et, j'espére, la derniére représentation.
la politique dans le Temple
Le 10 décembre, les electeurs portaient à la présidence de 1a République l'ancien carbonaro Louis-Napoléon Bonaparte qui, le 2 décembre 1851, donnait à la France son second empereur. Volant au secours de la victoire , le G.°.O.°.élisait aussitôt pour Grand Maître le F.°. prince Lucién Murat qui, reprenant le rêve de son pere, se posa en prétendant au trônc des Deux- Siciles; et commune l'appui du Vatican lui devenait indispensable, il imposa au G.°. O.°. une politique en contadiction formelle avec les principes fondamentaux de la Maçonnerie.
D'ou, agitation dans les loges, dont les FF.°. libéraux optaient pour l'unité italienne. Un autre "napoléonide ", le F.°. prince Jérome, dit Plon-Plon, voulut en profiter. Anticlerical affiché, il poussa son beau-pére, le roi Victor-Emmanuel II, à soutenir maçons et carbonari, dont Cavour et Garibaldi, dans leur lutte pour l'unité de la péninsule. Et, en mai 1861, il posait sa candidature à la grande rnaîtrise. Agacé, Napoleon III intervint en nommant Grand Maître, par décret, le maréchal Magnan, qui n'etait méme pas maçon... La déclaration de querre à la Prusse, le 19 juillet 1870, pat seule amener une trêve entre les loges.
Le 2 septembre, Sedan capitule; Napoléon III est fait prisonnier. Le 4, le F.°. Jules Favre propose la déchéance de l'Empire. Un gouvernement provisoire est constitué sous la présidence du général catholique Trochu. De ses douze membres, dix appartiennent à l'aile gauche du G.°. O.°., les FF.°.Emmannuel Arago, Isaac dit Adolphe Crémieux, Jules Favre, Jules Ferry, Gambetta, Garnier Pagés, Glair-Bizouin, Eugéne Pelletan, Ernest Picard et Jules Simon.
Le 26 mars 1871, proclamation de la Commune de Paris " et, comme toujours, des maçons se retrouvent dans les deux camps ennemis. le général montaudon est à la tête de l'armée versaillaise. brisson, floquet, tirard optent pour le parti de l'ordre. mais les membres de la commune comptent aussi de nombreux fréres: jules vallés, eudes, raspail, gustave flourens (...), jourde, félix pyat, ulysse parent, paschal grousset, edmond goupil, qui a été l'un des chefs du rite écossais rectifié ".
L'Assemblée nationale de Bordeaux entérinant le coup d'Etat du 4 septembre 1870, nomma Thiers chef du pouvoir exéculif de la République française, le 17 février 1871, puis président de la Republique, le 31 août. Le vote à une voix de majorité du fameux ammendement Wallon, le 30 janvier 1875, ne fut qu'une légalisation d'un régime de fait.
Issue d'un " gouvernement de francs-maçons ", la III" Republique allait continuer sur sa lancée. Pour s'organiser, elle va recruter ses cadres dans la F.°.M.°.
M. Barante le dit à l'Assemblée : C'est du sein des sociétés secrétes que sont issues, en septembre 1870, les commissions municipales qui ont régi les grandes villes. Derriére Gambetta et ses amis, la F.°. M.°. est présente, et puisqu'il faut enfin à tous les régimes une classe dirigeante, c'est elle qui se prépare à en fournir les membres et à donner à la Republique, par elle fondée et maintenue, son orientation, sa prudence, son esprit ", Opinion partagée par Jules Romains : "...je crois que la franc maçonnerie a véritablement constitué le squelette invisible de 1a république."
Ainsi explique-t-on parfois le vote, par une assemblée majorité nettement monarchiste, de 1 amendement Wallon, instituant la République, lorsqu'on sait que "le consceiller le plus écouté du maréchal de mac mahon (ce défenseur avoué du " sabre et du goupillon ") est le duc Decazes, fils de feu le Souverain Grand Commandeur, lui-même haut dignitaire, du Suprême Conseil " "car maintenant la franc-maçonnerie est complétement engagée dans la lutte politique. les loges tiennent (à de rares exceptions prés) plus du club que de 1a société initiatique (...). les militants républicains --- et la fuite du temps - ont élimoné les derniers représentants de la haute bourgeoisie, qui ont été remplacés par ceux que le prince de broglie appelle "les petites gens " Toutefois, ici, une précision s'impose. Si, jusqu'alors, il est malaisé de faire le départ des divers ordres maçonniques dans l'action politique, la décision du G.'. O.'. de laïciser la Constitutíon maçonnìque de 1854, avec suppression de toute référence au « Grand Architecte de l'Univers » (1), va provoquer une scission -qui dure encore - avec la Mother Lodge (Grande I,oge d'Angleterre), suivie par le Suprême Conseil de France. Celui-ci approuvera la formation, en 1880, d'une Grande Loge symbolique écossaise, devenue, en 1894, la Grande Loge de France, qui s'interdira toute ingérence politique - sans empêcher les activités personnelles de certains de ses membres,
les ministéres clés

Désormais, c'est au seul Grand Orient que l'on imputera l'action politique de la maçonnerie française. C'est dans cet esprit qu'il faut interpréter l'assertion de M. Maurice Sorre (2) : « La Franc-Maçonnerie a contribué à maintenir l'unité

[1) Voir plua loin : lø Cléricalism., vollà 1"ennemi.
(2) Histoire de France. (Larousse,)

du parti républicain. Elle en a été, jusqu'à un certain point, la conscience... En 1888, le député Blatin se félicitera de la présence au Parlement « d'un véritable syndicat de maçons ». Cet « àge d'or de la République des députés », selon l'expression de M, Roger Priouret, la maçonnerie l'a établi par l'accaparement des trois ministéres clés : Intérieur, Instruction publique et Guerre, et par une solide position au Parlement .
« L'intérêt que la maçonnerie porte à l'Intérieur s'explique par l'importance de ce ministére, l'une des piéces maîtresses de léçhiquier politique. Etre à l'Intérieur, cest avoir en main la Police et les Renseignements généraux, donc pouvoir contrôler les faits et gestes des adversaires et même des amis. C'est aussi pouvoir préparer les élections et influencer, par les préfets, certains votes. En un mot, c'est tenir tout l'appareil politique de l'Etat .
Aussi, dés février 1871, Thiers d'installer à l'Intérieur le F.'. Ernest Picard. Parmi les nombreux maçons qui eurent ce portefeuille, on trouve les FF.'. Brisson, Dupuy et Combes, à l'époque des « congrégations », Steeg, Morel et Klotz dans les cabinets Poincaré et Barthou (1912-1913), de nouveau le F.°. Steeg dans les cabinets « Bloc National » de 1920 à 1924. Le maréchal Pétain y placera le F.'. Peyrouton et le général de Gaulle le F.'. Pelletier (1958).
D'où, évidemment, le grand nombre de préfets et de hauts fonctionnaires enfants de la Veuve, tels les préfets de Police Louis Andrieux et Léon Bourgeois, futur président du Conseil et premier président de1' « initiative maçonnique » dite Société des Nations, de Genève .
qui tient les écoles...

Si la maçonnerie s'est intéressée de prés à l'Instruction publique (ou Education nationale), c'est que : « Qui tient les écoles tient tout », comme le déclara le F.': Jean Macé au Congrés de la Ligue (le l'Enseignement de 1882. Déjà, en 1866, Jean Macé avait fondé la Ligue de l'Enseignement, laïque et libre penseuse, avec le patronage, non dissimulé, du Grand Orient dont elle fut, au cours des premières années de la République, l'aile marchante, les instituteurs devenant, selon la formule célèbre, « les hussards noirs de la République ». D'ailleurs, au Convent du Grand Orient de 1900, le F.'. Lecocq appelait la Ligue de l'Enseignement « la fille de la Franc-Maçonnerie », et le Convent de 1929 précise qu'elle esf « la filiale » de la Maçonnerie.
En févríer 1871, le ministri, (le l'Instruction publique est le F.'. Jules Simon. De 1879 à1881, c'est le F.'. Jules Ferry qui, même président du Conseil, se réserve le portefeuille ; on l'y retrouvera en 1883. Puis ce furent les FF.'. Paul Bert, Edouard Simon, dit Lockroy, Léon Bourgeois, Charles Dupuy, J.-B. Bienvenu-Martin, etc.
L'équipée du « brav'général Boulanger » est venue ranimer la méfiance que, depuis le 18-Brumaire, les républicains ont toujours manifestée à l'égaril des militaires. Aussi ont-ils pris soin de truffer discrètement les bureaux et l'Etat-Alajor de la Guerre de FF.'. bon teint, comme le lieutenant-colonel Peigné de 1' « affaire de Panama » ou le capitaine Mollin (le 1' « affaire des fiches ».
Jusqu'au suicide du colonel Henry, 1' < affaire dreyfus » divise le G.'. O.'. ; mais à partir de septembre 1898, la majorité devient « dreyfusarde » et « révisionniste », or, « ..,la chambre des députés était moins convaincue de l'innocence de dreyfus ; (...) et lorsque le gouvernement se présenta (26 juin 1899) il parut si menacé qu'on vit brisson se precipiter a la tribune et demander à tous de « voter, je ne dis pas pour le gouvernement, mais pour la république », élevant les mains au-dessus de la tête sous la forme du signe maçonnique de détresse. La confiance fut votée par 226 voix contre 237 ... » Depuis lors et jusqu'en 1915, la quasi-totalité des ministres de la Guerre furent maçons : Berteaux, Etienne, Albert Sarraut, Alessimy, Millerand, Delcassé, etc. Et parmi les officiers généraux, on notera le F.'. Joffre.
les radicaux

Pour assurer son emprise politique, dés la Maçonnerie se sert des partis « démocratiques » : elle l'a reconnu elle-même à plusieurs reprises, par exemple au Convent du Grand 0rient (le 1930 : Nous sommes dans la vie profane des hommes qui participent à l'action publique. 0r, il faut bien le dire, c'est dans cette action profane que nous avons á traduire en actes les principes qui nous guident, c'est par cette action profane qu'en définitive nous pouvons orienter l'organisation économique et politique de notre pays suivant l'idéal que nous nous sommes proposé dans nos congrés et dans nos convents. C'est pourquoi nous sommes presque lous adhérents aux partis poliliques qui se díspulent la direction effectíve de la société : certains sont membres du parli socialiste, d'autres du parli radical, quelques autres encore adhérent à des parlis inlermédiaires, dont le puís díre, pour ne pas avoir á les citer tous, qu'ils se rattachent dans l'aclion, soil au parti socialiste, soil au parti radical. Si le parti radical et radical-socialiste fut, sous toute la IIIe République, le porte-parole de la Maçonnerie au Parlement, avec les FF.'. Alesureur, Bourgois, Brisson, Combes, Gaston Doumergue, Camille Chautemps, ete., avec les « frères sans tablier » : Herriot, Daladier et Painlevé; si le parti S.F.I.O, compta les F.°. Marcel Sembat, André Lebey, Félix Gouin, Paul Ramadier, Guy Mollet et autres ; en revanche, « en novembre 1922, au cours du IV° Congrés de l'Internationale communiste à Moscou, le comité dìrecteur du P.C. « liquide toutes les liaisons du parti, en la personne de certains de ses membres et groupes, avec la Franc-Maçonnerie. »
Les camarades francs-maçons sont mis en demeure de démissionner des 'Oges et, nonobstant, seront privés durant deux ans du droit d'occuper des postes de responsabilité dans le parti, Les FF.'. Marcel Cachin, Andre Marty et quelques autres quittérent la maçonnerie, tandis que les FF.'. L.-O. Frossard, Morizet, Antonio Coén, Charles Lussy.., abandonnaient le parti.
En janvier 1934, 1' « affaire stavisky » fit « pleuvoir sur le temple ». dans le journal « le var », le F.'. qui signait Jean Barles écrivait : « Le fait que dans l'affaire stavisky, presque tous le; inculpés, pour ne pas dire tous, avaient été admis a l'initiation, a douloureusement frappé et surpris les adhérents idéalistes et sincères. » d'où de nombreuses démissions du G.°.O.'. . Les dramatiques incidents de février aménerent un rapprochement entre les loges et le parti communiste qui, pour « sauver la République », organisèrent ensemble le Front populaire. Et l'on vit, par exemple, le camarade Florimond Bonte prendre la parole, le 20 novembre 1936, à la loge Les Amis de l'Humanité
Mais la guerre d'Espagne ébranle profondément la cohésion du Front populaire qui s'effondre dans les sanglante; bagarres de Clichy, le 16 mars 1937.
Malgré quoi, Maurice Thorez, dans une l'ettre du 10 décembre 1938 écrira à un F.°. : « comme vous, je'pense que 1 heure n'est pas aux disputes entre communistes et francs-maçons. En effet, ce n'est pas quand la menace réactionnaire et fasciste se fait plus insolente, quand des agressions ont lieu contre notre régime de liberté et de légalité républicaine, que fléchira notre volonté union.., » Mais la signature, le 24 août 1939 du pacte de non-agression germano-soviétique amana la rupture entre le P,C,F, dissous par le gouvernement Daladier - et la Franc-Maçonnerie.
où en est la Franc-Maçonnerie ?

L'interdiction des sociétés secrétes par le gouvernement de Vichy, la Collaboration et la Résistance ont profondément divisé la Maçonnerie qui, à la Libération, a procédé à une sévére épuration. Ce pourquoi d'illustres FF.'., tels MM. Pierre Mendés France et Max Lejeune n'ont pas renouvelé leur adhésion. Malgré tout, la IV° République a vu un regain de l'influence maçonnique sans que, dans le domaine politique, on puisse la comparer à ce qu'elle fut sous la III° république : on vit présidents du conseil les FF.'. Ramadier, André Maríe, Mendès France, Guy Mollet, quant au président vincent auriol, íl était comme Léon Blum ou Edouard Herriot un de ces sympathisants qu'on appelle parfois « frères sans tablier ».
Mais les crises qui ont affecté l'etat, en particulier le « drame algérien », avec le retour au pouvoir de De Gaulle et la rébellion des généraux, et les « Ides de mai » (1968), ont pròvoqué « dans l'opinion et la classe politíque des traumatismes durables », aggravant les schismes maçonniques.
Alors que la grande loge s'affirmait apolitique, le grand orient était pris à partie par les Lettres M.'., qui écrivaient notamment en1961 ; « Lorsque les communistes arrivent dans la franc-maçonnerie, c.'est pour s'en servir et l'asservir. Ils ont estimé qu'elle représentait une force politique intéressante et qu'elle pouvait être manipulée, triturée, transformée. en pénétrant dans la franc-maçonnerie, ils y ont importé leurs methodes... »
Et deux ans plus tard : « Ce qui est inadmissible, c'est que des dirigeants de la franc-maçonnerie, des conseils de direction, soient, en tant que tels, résolument pro-communistes. ce qui n'est pas admissible, c'est que par manoeuvres, manipulation, artifices, les francs-maçons soient amenés par leurs autorités à faire leurs, publiquement, notoirement, certains mots d'ordre diffusés publiquement ou conseillés par le travail de fraction des cellules clandestinement constituées au sein de la franc-maçonnerie et qui ont pour objet de faire passer ou proclamer comme représentant la pensée maçonnique des modes de pensée et d'action purement et notoirement communistes »,
D'où, des démissions, des changements d'affiliation d'individualités, voire de loges entières, comme Les Víeux Amis, de Marseille, quittant la Grande Loge de France pour passer sous i'obédience du Grand 0rient, tandis que La Loge Volney, de Laval, rompait avec le G.'.0.'. pour s'affilier à la Grande Loge Nationale Française du boulevard Bineau où il est interdit de parier de politique et de religion. Ces événements, joints à l'avénement de la V° République, nettement moins sympathisants que ses aînées , n'ont pas été sans altérer la puissance politique de la F..'.M.'., eneore que, par les associations qu'elle inspire : Ligue Française de l'Enseignement, Comité National d'Action Laïque, Ligue Internationale contre i'Antisémitisme (L.I.C.A.), Ligue des Droits de l'Homme, etc., et par ses infiltrations à 1'0.R.T.F. et dans la Presse, elle exerce son influence sur une partie de l'opinion publique. Influence que d'ailleurs le G.'.0..'. ne nie pas, bien au contraire.
Le 9 septembre 1970, il célébrait le centenaire de la République, signifiant ainsi que, pour lui, et en dépit de l'bistoire, l'idéologie républicaine s'était continuée depuis 1870. Et, à cette occasion, le Grand Maître, M. Jacques Mitterrand, de proclamer publiquement ;
« Le Frère Gamier-Pagés avait raison de s'écrier : « La République est dans la Franc-Maçonnerie ». En écho, les francs-maçons répondaient au second gouvernement républicain de la France : « La Franc-Maçonnerie, c'est ia République à couvert. »
JEAN-MARC GUÉRIN
VRAIS ET FAUX MACONS les faux bruits
Louis XVI? Napoléon?
Jean Moulin était-il maçon?
et Victor Hugo ?
Le Noble Coeur de Carpentras


Depuis deux siécles, les « profanes » ont attribué la qualité de franc-maçon á beaucoup de gens qui ne l'étaient pas. En revanche, on ignore souvent l'appartenance maçonnique de personnages célébres, ll n'est pas question de donner une liste exhaustive mais de signaler á titre d'exemple quelques FF.'. parmi les plus fameux et quelques erreurs fréquentes.
La liste des francs-maçons célébres est impressionnante. On y trouve : le maréchal Augereau, l'avocat royaliste Berryer, le roi de Naples Joseph Bonaparte, le général Bourbaki, I'archichancelier Cambacérés, le général Caulaincourt, le Conventionnel Cavaignac, l'écrivain Jules Claretie, le chansonnier révolutionnaire Jeàn-Baptiste Clément, auteur de la chanson "le temps des cerises », le mathématicien Condorcet, Adolphe Crémieux, David d'Angers, etc.
Accusé en pleine Chambre par les ultras d'avoir fait assassiner le duc de Berry, le due Decazes ne pouvait pas répondre que le duc de Berry appartenait à cet ordre maçonnique dont il était lui-même l'un des plus hauts dignitaires.
Les archives de la maçonnerie française révélent encore l'appartenance indiscutable du ministre des Affaires étrangéres Delcassé, le champion de l'Entente cordiale avec I'Angleterre, des présidents de la République Sadi Carnot, Paul Doumer, Félix Faure, du chirurgien Dupuytren, des présidents du Conseil Jules Ferry, Charles Dupuy, Emile Combes, L. Bourgeois, Viviani, Jules Méline, Léon Gambetta, des deux Garnier-Pagès, de Guizot, du marquis de La Fayette, de Lakanal et de Lacépède, du comte de Lesseps, du philosophe Littré, de l'inventeur. Antoine Lumière, de Jean Macé, le fondateur de la Ligue de I'Enseignement, de l'écrivain contre révolutionnaire Joseph de Maistre, des maréchaux Lannes, de Lauriston, Soult, Ney, Brune, Lefebvre, Macdonald, Sébastiani, Joffre, de Monge, de Montgolfier, des hommes politiques Eugéne Pelletan et Camille Pelletan, de Proudhon et de Raspail, du socialiste Marcel Sembat, de Stendhal, du prince de Talleyrand et de Voltaire.
La maçonnerie peut se permettre aujourd'hui d'oublier les noms de ceux comme Diderot ou d'Alembert, dont l'initiation reste probable sans pouvoir être établie avec certitude. Son palmarés reste suffisamment brillant.
Aux scientifiques, elle peut citer les noms de Cassini, de Chaptal, de Laplace, de Larrey.
Devant les philosophes et les écrivains, elle peut revendiquer Edmond About, Chamfort, Florian, Choderlos de Laclos, Marmontel. Aux artistes, elle peut rappeler que figurérent dans ses temples des hommes comme Bartholdi, Boieldieu, Firmin Gémier, Houdon, Joseph Vernet. L'épopée coloniale de la France fut illustrée par des francs-maçons comme Savorgnan de Brazza, comme Foureau, comme Lamy, comme Félix Eboué. Des romans d'aventures de notre enfance, des héros se détachent : Surcouf, le beau corsaire, était un franc maçon. Sous le régne du roi Louis XV, la plupart des mousquetaires du roi appartenaient á une loge de Beauvais, l'Héroïsme. L'héroïque La Tour d'Auvergne en était. Et puis aussi le beau comte Axel de Fersen, l'amoureux de la reine Marie-Antoinette, qui devait devenir un des plus hauts dignitaires de la maçonnerie suédoise.
Quand on apprend que le sanguinaire Hébert a tout fait pour es;ai'er de sauver la princesse de Lamballe, il faut savoir que Hébert était maçon et que la princesse était grande maîtresse des loges féminines d'adoption.
jes faux bruits

En revanche, la maçonnerie se garde bien de démentir lorsque des historiens fantaisistes lui attribuent de grands personnages qui n'appartinrent jamais à aucune loge.
En 1972, un hebdomadaire parisien a publié pendant plusieurs semaines de prétendues révélations sur la maçonnerie française. Chaque fois qu'une liste de noms y figurait, le journal l'Aurore s'employa à rétablir la vérité.
Léon Blum était présenté comme 32e sublime prince du Royal Secret, alors qu'il n'avait jamais franchi le premier degré de l'initiation maçonnique.
On poussait le souci de la précision jusqu'à nous donner la date d'entrée au Grand Orient de France du président Edouard Herriot qui ne fut jamais maçon un seul jour de sa vie.
On ajoutait á ce lot le président Maurice Bourgès - Maunoury, lequel, s'il assista à des tenues blanches ouvertes, dans lesquelles les profanes sont admis, n'appartint jamais à aucune loge. On ajoutait encore le nom de Marcel Déat. Or, si l'ancien chef du Rassemblement national populaire fit des conférences en tenues blanches fermées (lorsqu'il était député socialiste), il ne fut jamais maçon.
Il arrive même, ici et là, qu'il soit fait allusion á l'appartenance maçonnique du général de Gaulle, ce qui relève de la plus haute fantaisie. De même, quand une scission se produisit dans le mouvement Poujade, les adversaires de l'homme de Saint-Céré lui reprochérent de s'être fait initier en Italie, L'histoire était cocasse.
De passage à rome, pierre poujade s'était laissé offrir un diplôme de 33e degré par une organisation fantaisiste pseudo-maçonnique, Pour se donner plus de sérieux, elle avait besoin de faire figurer sur la liste de ses membres des personnalités étrangères connues. Ce diplôme de 33e devait faire sourire le principal dirigeant du mouvement Poujade dans le midi de la france, lequel occupait très régulièrement des charges importantes à la grande loge de france puisqu'il lui arriva de présider une année son convent.
louis XVI ? napoléon ?

Quelques grands mystères subsistent dans l'histoire maçonnique et les spécialistes n'ont pas fini d'en discuter, ils concernent notamment l'appartenance à l'ordre du roi Louis XVI, de l'empereur Napoléon I° et de Mirabeau.
En ce qui concerne Louis XVI, l'équivoque est venue de la création á la Cour de Versailles, le l° août 1775, d'une loge dite des Trois Fréres unis.' Il était tentant d'en tirer la conclusion que ces trois frères unis étaient le roi Louis XVI et ses deux fréres, qu'ils avaient été initiés et qu'ils avaient eux-mêmes présidé à la naissance de cette loge. Il est aujourd'hui impossible d'admettre cette thèse. Le Vénérable des Trois Fréres unis, Schmidt, était un personnage assez modeste, commissaire de la Marine au bureau des colonies.
Roger Priouret a certainement raison lorsqu'il admet que Marie-Antoinette et le comte d'Artois (le futur Charles X) ont à peu prés sûrement fréquenté les loges, alors que le roi Louis XVI et le futur roi Louis XVIII n'y sont probablement jamais venus.
Dans son ouvrage sur la maçonnerie féminine, Eliane Brault a repris á son compte la version avancée en 1897 par Louis Amiable et selon 1aque11e Louis XVI, Charles X et Louis XVIII étaient tous les trois maçons, ayant appartenu en même temps á la loge militaire des Trois Fréres unis.
Il existe pourtant un document difficile à réfuter. Il s'agit d'une lettre adressée le 2 septembre 1775 au Grand Orient de France par le frère de Saint-Martin, exempt des gardes du corps du comte d'Artois. Il écrit en effet :
Les membres composant cette loge sont ou gardes du corps du roi, ou de Monsieur, ou de Monseigneiir le comte d'Artois, des officiers des Suisses de la garde, des commis du bureau de la Guerre et des officiers en charge dans les trois maisons différentes ; íl y a aussi des candidats proposés des corps de gendarmes et chevau-légers, moyennant quoi celle loge n'esl composée que de frères allachés á la famille royale.
Le frére de Saint-Martin écrit au Grand Orient pour demander pour son atelier le titre de loge royale. A qui fera-t-on croire que si Louis XVI et ses deux fréres appartenaient á cette loge, il oublierait d'en informer l'obédience ?
Alors qu'il existe dans Paris des Ateliers aristocratiques, fréquentés par la plus haute noblesse du royaume, le roi et ses deux fréres auraient choisi une loge de petites gens et se seraient placés sous l'autorité d'un simple commissaire du bureau de la Marine ?
Le cas de Napoléon I est étudié par ailleurs, dans l'article consacré á la maçonnerie sous le premier Empire.
Jean Moulin était-il maçon ?

Un des derniers grands mystéres de la Franc-Maçonnerie française concerne Jean Moulin, le fondateur du Conseil national de la Résistance, mort sous la torture pendant l'occupation.
Il est considéré comme un maçon martyr et sa mémoire est honorée par toutes les loges de France. Or, ni le Grand Orient, ni la Grande Loge ne sont en mesure de révéler aujourd'hui encore à quelle loge il appartenait,
Franc-Maçon, il le fut á coup sûr.
Avant la guerre de 1939-1940, on se souvient de l'avoir vu parmi les assistants aux banquets organisés par la fraternelle maçonnique de l'administration préfectorale,.
A l'époque du Front populaire, alors que Jean Moulin était chef de cabinet du ministre de l'Air, Pierre Cot, il aecompagna son « patron » et plusieurs membres du gouvernement à une grande manifestation républicaine organisée à Luxeuil-les-Bains. Le sénateur-maire de la ville, André Maroselli, tint á réunir un soir tous les franes-maçons qui faisaient partie du cortège officiel. Jean Moulin en était.
Or, depuis la fin de la guerre, toutes les recherches faites dans les archives des différentes obédienees n'ont permis de retrouver aucun document le concernant.
Certes, de nombreuses archives de loges ont disparu, Certaines furent brûlées lors de l'invasion allemande de juin 1940. D'autres furent emportées par les frères et cachées en cours de route, telles les piéces de cette loge de Château-Thierry qui furent déposées derrière une pierre descellée dans le mur d'un puits, quelque part du côté de Montargis. Il ne fut jamais possible de retrouver ce puits.
Les Allemands pillèrent également de nombreux temples. Parfois, comme à Châteaudun, ils brûlérent tout ee qu'ils avaient déeouvert dans le temple. Le plus souvent, les documents saisis furent transportés en Allemagne. Les Russes vont s'en emparer en 1945. Lorsque plus tard, par l'intermédiaire d'un ancien ambassadeur de France en,Union Soviétique, la maçonnerie française demandera au gouvernement soviétique de lui rendre les piéces d'archives volées par les Allemands, Moscou répondra qu'il ne voit pas de quoi il est question.
Ainsi, le dossier de franc-maçon de Jean Moulin se trouve peut-être au.jourd'hui dans un classeur en Union Soviétique.
Il reste malgré tout une question à poser : comment se fait-il que depuis le mois d'aoùt 1944, aucun de ceux qui avaient pu le connaitre en loge ne se soit jusqu'ici révélé et n'ait apporté aux obédiences les précisions qui leur manquent ?
Il faut attendre. les documents sortiront peut-être un jour comme ils sont sortis pour expliquer le cas Victor Hugo.
et Victor Hugo ?

Fils de maçon, l'auteur des « misérables » fut-il lui-même initié ? une publication officielle du Grand 0rient de france, contenant une liste de francs-maçons célébres, fait figurer son nom.
Au cours d'une émission de Radio Luxembourg, le grand maître Jacques Mitterrand, interrogé sur l'appartenance maçonnique de Victor Hugo, n'a pas cru devoir démentir. Or, on peut affirmer avec assurance que le poéte ne fut jamais maçon, qu'il répondit négativement å toutes les offres qui lui furent renouvelées jusqu'à la fin de sa vie.
Il existe un document selon lequel Victor Hugo aurait reçu l'initiation du Grand Orient du Mexique. Il s'agit d'un diplôme qui vaut le diplome de 33'que Pierre Poujade avait rapporté d'Italie.
Bien des années après j'expédition à Victor Hugo par la poste de ce document délivré par une obédience fantaisiste, non reconnue par les puissances maçonniques règulières, le Grand 0rient de France jugeait si peu valable la prétendue initiation mexicaine qu'il faisait encore des démarches auprès de Hugo pour l'amener à demander son admision dans la Maçonnerie Française.
ll existe d'ailleurs, dans les archives de la Préfecture de police sous les combles du Palais de justice, un dossier très curieux. Il s'agit de tous les rapports établis par les policiers sur les dèmarches faites par des francs-maçons pour amener Hugo à demander son initiation. Il y a en outre une preuve irréfutable du refus de Victor Hugo. Dans ses carnets intime;, à la date du 19 aout 1879, il écrivait : - Mme Edmond Adam me présente M..., vènérabje de la loge.., qui me presse pour être franc-maçon. J'écarte.
Loys Dechamp
Le Noble Coeur de Carpentras

Les tailleurs de pierre, les maçons et les plàtriers reçoivent lors de leur Réception le nom d'une vertu ou d'un trait de caractére, suivi du nom de leur pays d'origine. Exemple :
Le Noble Coeur de Carpentras. Un charpentier s'appellerait : Carpentras le Noble Coeur.
Les maréchaux et les charrons, compagnonniquement issus des charpentiers, ont un sumom du méme type, ainsi que les gavots, menuisiers du Devoir de Liberté, fils de Salomon.
Les serruriers et les menuisiers du Devoir, fils de Maitre Jacques, reçoivent comme nom leur prénom, suivi de leur lieu d'origine : Jean Le Lyonnais. '
Les compagnons qui travaillent sur échafaudages, c'est-à-dire dans tous les métiers du bàtiment, à l'exception des menuisiers qui travaillent à terre ou en atelier, s'appellent entre eux les Coteries. Ceux qui travaillent à terre s'appellent Pays (menuisiers, serruriers, mécaniciens, etc.).
Les Coteries appellent cayenne leur lieu de réunion et les Pays l'appellent chambre.
Petit Lexique du Tour de France
Depuis le haut Moyen Age, les obligations des jeunes ouvriers désireux d'entrer dans le n'ont pas changé.
Pour devenir apprenti, puis compagnon et compagnon-fïni (l'ancien grade de maitrise), il eftectuer son Tour de France, c'est-à-dire travailler un certain temps dans différentes villes les Compagnons possédent une cayenne ou chambre, leur lieu de réunion, maison tenue Mére, l'une des institutions maîtresses du Compagnonnage.
Chez la Mére, l'aspirant ou stagiaire est logé et nourri contre une redevance, car il doit en méme chez un singe (patron). l1 est placé sous l'autorité du Premier en Ville responsable ses confréres, aprés réception opérée par le Rôleur ou Rouleur, dans une cérémonie où échangés les signes de reconnaissance, topage, mot (mot de passe secret) et guilbrette, sorte danse rituelle. Si pendant son séjour, le stagiaire s'est bien conduit, s'il a travaillé les Compagnons, à son départ pour une autre ville, lui font une Conduite ou à la gare.
Dans cas contraire, il subit une Conduite de Grenoble, expulsion infamante de ceux qui à l'honneur ou à la probité. Ses couleurs (rubans) sont brùlées, sa canne brisée et il réputé renégat ou dernier des derniers et interdit sur le Tour de France. Les Compagnons sont nombreux à porter un ou deux joints (anneaux d'or aux oreilles) les Méres, seules femmes initiées dans le Compagnonnage, portent le fer, bracelet traditionnel leur est parfois rivé au poignet lors de leur réception.
Le stagiaire étudie le Trait, sorte de géométrie descriptive trés concréte des travaux de pente ou de taille sous la conduite de compagnons~finis.
Le " joli Tour de France ", comme on l'appelle, dure au moins trois ans et se fait dans le sens des aiguilles d'une montre. Selon ses étapes, l'Apprenti (ou le Compagnon) reçoit, frappé à sur ses couleurs, des marques au fer, au fur et à mesure des épreuves professionnelles réussit et des initiations qu'il subit. Des fers spéciaux sont également apposés aux couleurs ceux qui font le pélerinage de la Sainte~Baume, refuge légendaire de Maitre Jacques et patronne des Compagnons.
LA NAISSANCE
Les Compagnons
les trois " pères ".
hommes du Saint-Devoir
le Tour d'Europe
l'attentat d'Orléans
l'apparìtion des free-masons.
les " Enfants de la Veuve"
la Révolution contre les compagnons
Guépin, le Soutíen de Salomon, lève la tour Eiffel
Les trois points : mimétisme

Les Compagnons
Comme on le verra, la Franc-Maçonnerie moderne est née en 1717 quand quatre loges de Londres se réunirent en Grande Loge d'Angleterre qui s'attribua le pouvoir de fédérer tous les autres ateliers. Mais la Maçonnerlé était dépositaire d'une longue chaine de traditions.
On ne peut en raconter l'histoire sans évoquer d'abord les compagnons bàtisseurs du Moyen Age, car " la Maçonnerie .a couvé l'oauf du Compagnonnage .
(Revue " Le Monde maçonnique ., 1870). Sur le chantier d'une cathédrale, au coeur du Moyen Age, trois hommes, côte à côte, taillaient des pierres 1orsque survint un curieux qui leur demanda ce qu'ils faisaient.
-- Je gagne ma vie, répondit simplement le premier ouvrier.
Le deuxiéme répondit : " Je taille une pierre. "
Et le troisième : " Je bâtis une cathédrale! "
Ce dernier était un compagnon...
C'est ainsi qu'une anecdote séculaire, souvent racontée par eux-mêmes, montre la différence essentielle qui sépare les membres du compagnonnage des autres travailleurs.
Quels étaient ces hommes que 'nos livres d'Histoire nous affirment avoir été les bâtisseurs des mille cathédrales qui jalonnent l'occident chrétien ? D'oú venaient leur savoir prestigieux, leur habileté inégalée, leurs secrets si bien gardés qu'aujourd'hui encore les chercheurs curieux n'ont pas réussi à les percer, bien que trente mille de leurs héritiers continuent à mettre au service de l'activité française leurs tours de main inimitables et leur remarquable savoirfaíre.
Les compagnons sont d'abord des hommes de tradition et des manuels.
Depuis un millénaire, peut-être deux, ils sont constitués en sociétés secrètes, ou plutôt en sociétés fermées, dont l'origine se perd dans les brumes de la légende et affirment trouver la date de leur fonda~ tion dans la construction du Temple de Jérusalem, prés de mille ans avant Jésus Christ.
C'est précisément le secret auquel ils se sont toujours astreints, notamment en détruisant chaque année tous leurs écrits, qui gêne considérablement les recherches des historiens.
les trois " pères ".
Le plus simple est encore de laisser la parole à l'un d'entre eux, Berry Va-de-Bon-Coeur, un vieux compagnon passant charpentier, bon drìlle du Tour de France, pour nous conter la naissance supposée du compagnonnage :
- Lorsque le roi Salomon voulut bâtir le plus beau temple du monde à la gloire de Jéhovah , nous dit-il, il demantla à Miram I° , roi de Tyr, son riche voisin, de lui envoyer des cédres et des cyprés pour orner son ''bâtiment.
Puis il fit appel, pour la main-d'oeuvre, á 70.000 hommes de corvées et á 80 000 autres pour tailler, dans les carriéres, les pierres destinées au monument ; 3.600 " contremaitres ", si l'on peut dire, étaient chargés de diriger les travaux, sous la conduite d'Hiram- Abif, fils d'une veuve de la tribu tyrienne de Nephtali, et spécialisé dans Ie travail du bronze. C'est le roi de Tyr qui I'avait envoyé á Salomon.
Devant une telle foule de travailleurs, que la Bible chiffre au total à 153 600, Salomon institua un Ordre, c'est-á-dire une organisation hiérarchisée chargée de faire respecter les régles professionnelles et d'assurer la discipline interne.
Trés rapidement, Hiram, par son allant, son sens pratique et sa sagesse, sut s'imposer comme le véritable dirigeant et fut reconnu par tous comme le maître de l'ordre des compagnons bâtisseurs.
Autres personnages légendaires du compagnonnage : Maitre Jacques, un tailleur de pierre d'origine gauloise qui travailla au temple de Jérusalem en compagnie de son ami Soubise : tous deux quittèrent la Judée á l'achèvement des travaux et vinrent se retirer dans les Gaules, Maitre Jacques à la Sainte-Baume, en Provence, et Soubise, dans la région de Bordeaux.
Une autre légende, toute différente, mais aussi répandue, affirme que Maître Jacques ne serait autre que Jacques de Afolay, le dernier grand maître des Templiers, brûlé vif en 1214 sur l'ordre de Philippe le Bel ; une troisiéme soutient qu'il s'agissait plutôt d'un certain Jacques Moler, constructeur des tours de la cathédrale d'orléans, tandis que Soubise serait un bénédictin bâtisseur d'églises, ami de Jacques Moler..,
En tout état de cause, Salomon, Maître Jacques et Soubise sont les trois " pères " du compagnonnage, vénérés et célébrés jusqu'à nos jours par ceux qui se proclament leurs fils respectueux.
ll est indéniable qu'à une époque ou á l'autre, ils ont existé et ont joué un rôle primordial dans l'organisation des professions ou des communautés ouvrières,
hommes du Saint~Devoir
En fait, le compagnonnage sort de la légende pour entrer dans l'histoire plus précise peu après l'an Mil, au moment les croisades, dont la première fut prêchée en 1096, C'est alors, sans aucun doute, que les compagnons servirent de troupes de génie militaire aux croisés, se constituant en véritables ateliers itinérants de tailleurs de pierre, de maçons, le charpentiers. Ils accompagnérent les guerriers et édifièrent les ponts, les ouvrages de défense militaire et les sanctuaires nécessaires, sur tout le parcours des armées. Le formidable krak des Chevaliers est un exemple indiscutable de ces travaux.
C'est à cette occasion que ces travailleurs manuels prirent le nom d'Hommes du Saint-Devoir ou du Saint Devoir de Dieu, le mot de Devoir recouvrant pour ces " manouvriers " l'ensemble des pratiques, des techniques qu'ils avaient apprises dans I'exercice de leur travail, mais aussi les régles, les rites d'initiation qui les unissaient davantage dans chacun des métiers groupés en compagnonnage : essentiellement, à l'origine, les métiers du bâtiment, tailleurs de pierre, charpentiers, menuisiers et serruriers.
D'ores et déjà, ils répondaient à la définition que donnera huit cents ans plus tard de leurs groupes l'économiste français Frédéric Le Play : Une sociélé formée entre ouvriers d'un même corps d'état dans un tríple but de formation professìonnelle, d'assurance mutuelle et de moralisation... Le secret dont ils s'entouraient leur assurait, en outre, une solidarité puissante et défendait leur art contre la curiosité ou l'ignorance du public, leur garantissant une sécurité sur le marché du travail.
Naturellement, revenus de leurs expéditions lointaines aux terres des infidéles, les compagnons reconstituèrent en France leurs ateliers et trouvérent de multiples occasions d'exercer leur métier : dans toute I'Europe profondément imprégnée de ferveur et de foi chrétiennes, en d'innombrables villages et bourgs, lentement, de Chartres à Reims et de Toulouse à Cologne, églises et cathédrales sortaient de terre, comme aussi les premiers monuments civils de quelque ampleur.
L'architecture romane solide et rassurante, comme l'extraordinaire envol des ogives gothiques un peu plus tard, commençait d'élever ses piliers trapus ou élégants, dans un formidable fourmillement de tailleurs de pierre, charpentiers, verriers, serruriers, menuisiers, manoeuvres, imagiers ou orfèvres,..
Groupés en ateliers " volants ", ces hommes restaient étroitement solidaires, depuis le maître d'oeuvre, qui n'était que plus doué d'entre eux, jusqu'au jeune tâcheron qui s'éveillait à l'habileté manuelle ou aidait à un travail de force.
Au moment des fêtes de leurs patrons (saint Joseph pour les charpentiers, sainte Anne pour les menuisiers, saint Eloi pour les orfévres et les charrons, sainte Barbe pour les couvreurs, l'Ascension pour les maçons et les tailleurs de pierre, etc,), chaque corps de mélier assembait ses membres dans une salle secrète, la loge, et procédait à la réception initiatique de ceux qui avaient prouvé une meilleure possession de leur métier par l'exécution d'un chef-d'oeuvre.
Aucun profane - sous peine de mort - ne pouvait assister à ces cérémonies qui conféraient les " grades " compagnonniques : apprenli, compagnon.
Aucune archive, jamais, ne fut conservée par ces hommes dont la plupart, d'ailleurs, ne savaient ni lire ni écrire, et l'on ne connaît guère les auteurs d'admirables sculptures ou d'escaliers monumentaux que par la signature compagnonnique de leurs exécutants.
- Car, au jour de leur entrée dans l'ordre, un nouveau nom leur était donné, destiné à marquer qu'ils accédaient à une nouvelle vie, après une seconde naissance, à une lumière plus grande sur la connaissance du monde et de leur art.

le Tour d'Europe
Durant leur période d'apprentissage, les jeunes ouvriers allaient de chantier en chantier, découvrant les différentes techniques de leur profession suivant les régions, effectuant un véritable Tour de France de la pratique manuelle, ou plus exactement un Tour d'Europe, puisque les ateliers travaillaient en Angleterre comme dans les pays d'outre-Rhin...
Un peu à l'écart du monde et de ses péripéties politiques ou sociales, les compagnons, à qui le pouvoir légal reconnaissait des libertés privilégiées et des franchises - ils n'étaient assujettis ni aux impôts ni aux corvées -- menérent au XIII°, XIV° et jusqu'au XV" siécle une vie calme et sans histoire, jouissant d'une renommée grandissante due à leur loyauté et à la qualité de leurs travaux,
l'attentat d'Orléans
Bientôt pourtant, le Saint Devoir de Dieu des Honnêtes Compagnons du Devoir allait connaître une épreuve dont on ne sait d'ailleurs ni la date exacte ni le lieu d'origine, bien que certains aient prétendu qu'elle s'était abattue en 1401 sur le chantier de la cathédrale d'orléans : des compagnons se séparaient de l'unique tronc commun et se reconnaissaient exclusivement fils de Salomon en prenant le nom de compagnons du Devoir de Liberté. Ils rejetaient en même temps l'influence primordiale de l'Eglise catholique sur l'organisation ouvrière.
C'était un signe déjà que la chrétienté subissait une crise, nous dirions aujourd'hui un malaise, qui ne tarderait pas à éclater au granà jour. Un siécle et demi passa pourtant, marqué par une lutte trés dure entre les deux Devoirs désormais ennemis, .
Peu à peu cependant, avec l'agrandissement des agglomérations, avec l'extension des bourgs et des bourgades, les ateliers, autrefois mobiles à la recherche des chantiers de ville en ville, avaient tendance à se fixer, le travail ne manquant plus sur place. Peu à peu, des ouvriers de corps d'état sédentaires furent admis dans le compagnonnage et rejoignirent les Hommes du Devoir, aussi appelés Devoirants ou Devorants. Les ouvriers du bâtiment initiérent peu à peu les tanneurs, teiéturiers, cordiers, vanniers, chapeliers, blanchers-chamoiseurs... tous du rite de maitre Jacques, qui trouvait ainsi une vigueur nouvelle.
Puis la Réforme vint frapper d'un coup de tonnerre l'Europe chrétienne dont la cohésion et l'ordre allaient être ébran lés pour des siécles et connaitre des luttes fratricides sans merci pendant des années,
C'est encore à Orléans que les guerres de religion allaient s'immiscer violemment dans le compagnonnage. La ville fut en effet, à diverses époques au cours du xvi° siécle, prise et reprise tant par les catholiques que par les protestants.
Au cours de l'année 1567, elle subit de terribles représailles et sa cathédrale Sainte-Croix fut l'objet d'un attentat irréparable. Théodore de Bèze abattit, grâce á une tonne de poudre, sa flèche magnifique, oeuvre présumée de Jacques Moler, dit Nogent la Flèche d'orléans, de telle sorte que sa chute fit écrouler la nef.
Les Devoirants catholiques attribuèrent cette destruction aux compagnons protestants qu'ils appelèrent " Gavots ". Ceux-ci quittèrent le Devoir ct, reniant maitre Jacques ou Soubise, se déclarérent enfants de Salomon.

l'apparìtion des " free-masons .
Les ateliers de compagnons s'étant sédentarisés, peu à peu, des maitres d'oeuvre du compagnonnage, oublieux du Devoir juré de solidarité et de fraternité, se jugeant plus habiles ou plus intelligents que les compagnons moins doués, fréquentant les notables des villes où ils habitaient, reçus dans les maisons bourgeoises ou les autres n'avaient pas accès, en conçurent un certain orgueil.
IIs en vinrent, pour faire plaisir à leurs nouveaux amis, à leur transmettre l'initiation compagnonnique, accompagnée ile son rituel secret, de ses mots de passe et des symboles qui y étaient attachés.
En un mot, ils reçurent comme apprentis, compagnons ou maîtres, des gens qui, pour être remarquables dans leur état, n'étaient pas des travailleurs manuels, qu'ils fussent avocats, médecins, maitres d'école, gens d'église ou nobles.
Jusqu'alors, le compagnonnage ne recevait en ses loges que des hommes qui travaillaient de leurs mains, de ceux qui façonnaient eux-mêmes un objet fini dans une matiére par l'application d'un art, Un compagnon devait pouvoir à la fois concevoir et fabriquer son oeuvre.
La loge compagnonnique était ainsi une société opérative oú chacun travaillait, opérait (c'est-à-dire réalisait une oeuvre) manuellement. Les loges nouvelles oú les " intellectuels ", si l'on peut dire, étaient maintenant arlmis, devenaient spéculalives, c'est-à-ilire que chacun ne s'y attachait plus á transformer la matiére de ses propres mains mais y méditait, y raisonnait, y débattait des théories d'où toute pratique était absente.
C'est à ce moment que les dirigeants des ateliers compagnonniques se baptisérent architectes et commencèrent de s'éloigner de leurs anciens fréres, les quels se sentirent un peu méprisés, un peu abandonnés. De lá peut-être date la notion et la prise de conscience du " prolétariat ", Des loges de compagnons, familles agissantes d'hommes de métiers dont l'équerre et le compas étaient les instruments de travail devenus emblèmes, les maîtres d'oeuvre étaient passés à des loges qui n'étaient plus que des sociétés de pensée.
Ce processus n'est guére antérieur au XVIIIe siècle et a donné naissance à la franc-maçonnerie actuelle bien que le nom même soit plus ancien. Le terme de franc-maçon apparaît, en effet, pour la premiére fois, lors d'une rencontre à Ratisbonne en 1459 de toutes les loges compagnonniques du Saint-Empire qui s'unissaient dans une Fédération chargée d'unifier les grades et les rites, L'empereur germain ayant accordé à cette Fédération des privilèges spéciaux - on disait des franchises - ses membres prirent le nom de Frei-Maurer, c'est-à-dire francs-maçons, De tels faits s'étaient produits bien antérieurement en Angleterre où on parlait, au XIIIe siècle, des free stone masons pour désigner les maçons initiés qui savaient tailler et travailler la pierre.
les " Enfants de la Veuve"
Cette origine compagnonnique de 1a Franc-Maçonnerie, société de pensée, n'est guére mise en doute par les historiens maçon;. C'est ainsi que Marius Lepage, récemment décédé, a souligné dans son ouvrage, " l'ordre et les obédiences ", la remarquable simililude des caléchismes maçonniques anglais primitífs el des rituels d'iniliation des compagnons.
En fait, avec quelques modifications apportées peu à peu au cours des siècles par un long usage, on retrouve dans la Franc-Maçonnerie la plupart des symboles usités durant plus d'un millénaire par les Compagnons du Devoir. Les grades sont restés longtemps les mêmes :
apprentis, compagnons et maîtres.
La légende des urigines est semblable : les maçons se disent " Enfants de la Veuve ", car ils s'identifient á Hiram, maître d"oeuvre du Temple et fils d'une veuve de Tyr. Mêmes symboles : l'équerre et le compas.
Une similitude frappante se retrouve aussi dans certains rituels. Prenons pour exemple l'instruction rituelle du Devoir de Maître Jacques telle qu'elle était pratiquée durant tout le siécle dernier et le catéchisme d'apprenti du rituel maçonnique de la Loge de Saint-Jean, tels que les citait, au début du siècle, Martin Saint-Léon :
INSTRUCTION COMPAGNONNIQUE
Demande : A quoi connaîtrai-je que vous êtes compagnon ?
Réponse : A mes signes, attouchements et paroles.
Demande : Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir ?
Répanse : Parce que j'étais dans les ténèbres et que j'ai voulu voir la lumière.
Demande : Que vîtes-vous lorsque vous fûtes reçu ?
Réponse : Je vis trois grandes lumières, l'une à l'orient, l'autre á l'occident et l'autre au Midi.
Demande ; Que signifient ces trois grandes lumières ?
Réponse : Le soleil, la lune et le rouleur en chambre.
Demande : Quelles sont les principales lois du compagnonnage ?
Répanse : Punir le crime et honorer la vertu.
Demande : Combien avez-vous d'ornements dans la loge ?
Réponse : Trois,
Demande : Quels sont-ils ?
Réponse : Le pavé mosaïque, l'étoile flamboyante et la houppe dentelée.
Demande : Que signifient les trois pierres précieuses immobiles ?
Réponse : La pierre brute pour les apprentis, la pierre cubique pour aiguiser les outils des compagnons, et la planche à tracer par laquelle les architectes font leurs dessins, etc.
CATECHISME MAÇONNIQUE D'APPRENTI (loge Saint-Jean)
Demande : A quoi connaîtrai-je que vous êtes maçon ?
Réponse : A mes signes, paroles et attouchements.
Demande : Pourquoi vous êtes-vous fait maçon ?
Réponse : Parce que j'étais dans les ténébres et que j'ai voulu voir la lumière.
Demande : Quand on vous a donné la lumière, qu'avez-vous vu ?
Répanse : Trois grandes lumières.
Demande : Que signifient-elles ?
Réponse : Le soleil, la lune et le vénérable,
Demande : Quels sont les devoirs d'un maçon ?
Réponse : De fuir le vice et de pratiquer la vertu.
Demande : Combien avez-vous d'ornements dans la loge ?
Réponse : Trois.
Demande : Quels sont-ils ?
Réponse : L'étoile flamboyante, la houppe dentelée et le pavé mosaïque,
Demande : Quels sont les trois bijoux immuables ?
Réponse : La pierre brute pour les apprentis, la pierre cubique en pointe pour les compagnons et la planche à tracer pour les maîtres, etc.


la Révolution contre les compagnons
Il apparait donc comme certain que la Franc-Maçonnerie, qui avait gardé du compagnonnage le devoir d'entraide et de solidarité (les compagnons avaient été, au cours des siècles, les inventeurs des bureaux de placement, des restaurants corporatifs et, en quelque sorte, d'une " Sécurité sociale ", avec les premiéres écoles professionnelles où ils enseignaient " le trait "), apparut sous sa forme actuelle en Angleterre et fut importée en France dans la premiére moitié du XVIIIe siécle, comme on sait, avec le succés déjà souligné.
Si les compagnons furent affectés du départ de leurs élites vers la maçonnerie, ils surmontérent pourtant cette épreuve. Leur nombre considérable, leur cohésion, la richesse (le leurs traditions permirent à l'époque une organisation trés poussée du marché du travail qu'ils contrôlaient dans sa quasi-totalité. Le compagnonnage, pendant des siécles et jusqu'à la Révolution, fut le seul défenseur des ouvriers manuels contre les pouvoirs ou les patrons (groupés en corporations) et, développant un esprit de contestation dans chaque corps de métier, constitua un facteur d'évolution sociale incontestable.
Vint la tourmente révolutionnaire, à laquelle la bourgeoisie (comme une partie de la noblesse) se rallia avec avidité pour en devenir la bénéficiaire.
Le 14 juin 1791, une loi était promulguée ; portant le nom de son promoteur, l'avocat de Rennes Le Chapelier, elle interdisait les corporations, le compagnonnage et les sociétés nouvelles d'ouvriers qui s'étaient créées depuis 1789, Rapidement, les mesures d'autorité se succédèrent au détriment des travailleurs manuels : le livret de travail devenait obligatoire, avec l'inscription des dates d'embauche et des avances des patrons (1801 et1803).
L'Empire aggrava encore ces restrictions à la liberté : en 1810, le Code pénal condamnait toute association de plus de vingt personnes et les articles 415 et 416 stigmatisaient les coalitions en vue de cesser le travail, de même que Ies " interdictions " de travailler chez certains mauvais patrons ou dans certaines villes, selon une pratique courante chez les compagnons qui faisaient ainsi pression pour obtenir un meilleur salaire.
Selon les régions, le compagnonnage fut sévèrement pourchassé et réprimé, ou discrétement toléré. " Devoirants " et " libertins " se livraient encore des batailles sanglantes, Parfois, par l'intermédiaire de deux d'entre eux, ils " jouaient " les villes par des concours de chefs-d'oeuvre. Le gagnant obtenait pour ses fréres de Devoir Ie privilège exclusif d'y travailler pour quatre-vingt- dix-neuf ans.
Paris fut divisé en deux, d'un accord tacite : les entreprises de la rive droite employaient les charpentiers devoirants, fils de Soubise, tandis que celles de la rive gauche recrutaient des " Indiens ", charpentiers du Devoir de Liberté, fils de Salomon; une scission trés importante avait en effet, en 1804, provoqué la fondation d'un nouveau " Devoir de Liberté ", suscité par le patronat selon certains, par la maçonnerie selon d'autres, mais peut-être plus simplement, croyons-nous, par le tempérament anti- unitaire que les Français ont gardé de leur origine gauloise..,
A partir de la Restauration, en 1814, le compagnonnage refleurit sur le " joli Tour de France " et, malgré le machinisme qui progressait à pas de géant, connut un immense succès, quelquefois assombri par les querelles sporadiques entre les deux obédiences ennemies.

Guépin, le Soutíen de Salomon, lève la tour Eiffel
Ses membres furent à l'origine du syndicalisme et un charpentier de Liberté, Agricol Perdiguier, dit Avignonnais- la-Vertu, qui fut député, rêva d'unir tous à les Devoirs. Après sa mort, en 1875, son idée aboutit par la formation de l'Union compagnonnique en 1881. Cependant, des compagnons restérent fidèles à leurs ancienne; associations et l'Union ne fut qu'une société de plus.
Au début de ce siècle, l'inilustrialisation, avait porté un coup que l'on aurait pu croire fatal au compagnonnage et à son recrutement. La Grande Guerre tailla des coupes larges' parmi les compagnons et, entre les deux guerres, les pesimitistes pouvaient croire voué à la disparition le merveilleux ordre qui avait illustré de ses oeuvres l'ancien et Ie nouveau monde. Un deuxième essai d'unification fut tenté en 1941, qui ne dúra que jusqu'en 1946. Alors, la division ancienne réapparut et trois groupements 'subsistent :
- L'Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France, 82, rue de I'Hôtel de-ViIIe, à Paris (fondée en 1941) ;
---- La F'édération compagnonnique des Métiers du Bâtiment, 161, avenue Jean-Jaurès (fondée en 1947 par les compagnons charpentiers des Devoirs du Tour de France, issus de la réunion de deux rites anciens ; les charpentiers du Devoir de Liberté, enfants (le Salomon, et les charpentiers passants du Devoir, bons drilles du Tour de France, enfants du pére Soubise) ;
- L'Union compagnonnique, 12, rue Pavée, á Paris, qui groupe des représentants de tous les métiers traditionnels et reçoit également des cuisiniers, des potiers, etc., tous initiés selon un même rite unifié.
Ces trois associations ont conservé les buts essentiels du compagnonnage : former, professionnellement et moralement, des ouvriers spécialistes dans leur métier et offrir, dans les maisons qu'elles possédent sur le Tour de France, une véritable vie familiale pour les jeunes gens qui pratiquent cette utile et ancienne pratique.
Formation complète au plan professionnel comme au plan individuel, le compagnonnage - qui ne recherche pas le nombre mais la qualité - a su s'adapter aux techniques modernes : la tour Eiffel, conçue par l'ingénieur Eiffel, fut élaborée par des compagnons serruriers et " levée " sous la direction du compagnon charpentier Eugène Milon, dit Guépin le Soutien de Salomon.
Dix ans avant que l'architecte Auguste Perret n'adapte le béton armé á l'art sacré, Victor Auclair, Bourbonnais, l'Enfant du Prugrès, construisit avec ce nouveau matériau la cathédrale de Santiago 'du Chili.
Ce sont aussi des compagnons carrossiers qui réalisent les prototypes des automobiles ; des compagnons tailleurs de pierre restaurent les chefs-d'oeuvre architècturaux historiques inis à mal par le temps...
Fidéles à leurs anciens, les compagnons instruisent chaque année, dans leurs écoles du soir, des milliers de jeunes ouvriers munis de leur C.A.P. et leur enseignent le Trait, ensemble des connaissances professionnelles qui feront d'eux les meilleurs et les plus consciencieux ouvriers manuels du monde.
Les trois points : mimétisme
On peut affirmer que, si " la Maçonnerie a couvé dans l'oeuf du compagnonnage ", selon fine parole célébre, les deux associations, parfaitement différentés dans leur but et leurs moyens, n'ont rien de commun que des symboles enlevés á l'une par l'autre.
Si la Maçonnerie a repris, à l'aube du XVIIIe siécle, les attributs et les rites compagnunniques, elle n'a jamais pu prouver son existence au-delà de cette époque, tandis que les compagnons peuvent retrouver facilement, avcc une légitime fierté, les signes de 1eurs fréres trés anciens gravés dans la pierre de bàtiments millénaires.
Si des compagnons furent ou sont membres de la Maçonnerie, cette appartenance n'engage en rien leur mouvement tout entier, pas plus que l'on ne peut considérer que 1'ordre des avocats --- ou l'ordre des médecins - - est concerné par l'adhésion de certains de leurs membres à la célébre société secréte.
Il y a un point commun que nous n'avons pas abordé : les trois points en triangle, dont les franc-maçons ornent leurs signature; ou leurs documents ; ainsi Aurillac la Fidélité, compagnon Passant charpentier Bon Drille du Tour de France, signe A.'. L.'. F .'.C.'. P.'. C.'. B.'. D.'. D.'. T.'. D.'.F.'. comme la Respectable Loge maçonnique " les Fils d'Hiram du Grand Orient de France " imprime sur son papier á lettres :
R.'. L.'. Les Fils d'Hiram
G.'. UO.'. D .'. F .'.
Il semble, d'aprés les recherches les plus récentes, que l'utilisation de ce signe n'est guére antérieure au XIXE siécle dans le compagnonnage et ne serait qu'une " infiltration " de mimétisme maçonnique sans signification prufonde.
La Part des Tempeliers

< les templiers sont des hérétiques ! "La phrase, tel un couperet, tomba des lévres de Guillaume de Nogaret, chancelier de Philippe le Bel. L'homme qui avait emprisonné Boniface Vlll - on prétend mémequïl gifla le pape - dévoué corps et àme au roi de France, venait de condamner Jacques de Molay et l'ordre du Temple.
Les Templiers avaient pourtant défendu avec foi et achamement les Lieux Saints, au cours des différentes croisades où treize Grands Maitres périrent les armes à la main, en brandissant la croix qui demeurait leur embléme.
lls constituérent peu à peu la seule force armée organisée en Europe, et leur puissance s'étendit de l'océan Atlantique aux rives orientales de la Méditerranée.
lls établirent leurs Commanderies dans toute l'Europe.'
lls étaient les premiers banquiers de l'univers.
C'est alors que Philippe le Bel, témoin de leur puissance, enviant leur richesse, sollicitason admission dans la milice honoraire des 'Templiers. Avec courtoisie, respect, mais non sans fermeté, le Grand Maitre refusa.
Jacques de Molay ne fut pas dupe. Le roi pensait sans doute se faire octroyer un jour la Grande Maitrise et s'emparer ainsi des immenses richesses de l'ordre.
Faut-il chercher dans ce refus la condamnation des Templiers ?
Philippe le Bel, toujours impécunieux et ne pouvant admettre une telle puissance paralléle, n'aura de cesse, avec l'appui du pape français Clément V, installé à Avignon, qu'il ne les ait abattus.
ll organisa ce procés inique contre l'ordre, un acte politique dicté par la raison d'État.
Sur le bùcher, Jacques de Molay jeta l'anathéme sur les rois de France le pape et sur ses bourreaux '
Mais, l'on se pose la question depuis bientòt sept cents ans, cette force colossale fut-elle, comme le prétend l'Histoire, détruite à tout jamais ? N'eut-elle pas des prolongements qui la firent revivre à l'intérieur de certaines sociétés initiatiques, notamment les Loges maçonniques où, dans le mystére des temples, se déroulent des rites séculaires ?
Les Templiers furent-ils les premiers Francs-Maçons ? Certainement non, mais il est indéniable que les relations entre les Chevaliers du Temple et les Maçons bàtisseurs furent étroites à partir du Xlle siécle.
- C'est d'abord en Terre Sainte que les Templiers firent travailler les maçons, groupés en ateliers. Puis, lorsqu'ils entreprirent la construction d'églises, de chàteaux forts et d'ouvrages militaires, c'est avec eux qu'ils travyillérent pendant Prés de deux Siéc'es, en étroit~ collaboration.
Et il nést pas impossible quáprés la mise à mort de Jaques de Molay, les Tempeliers pourchasse aient trouvé aide et protection dans le Loges inviolables de ses bâtisseurs que pendant une longue période ils avaient eux mêmes protégés
"Il y neut, écrit Jules Boucher dans "Ler Symbole maçonnieque", interpénétration réciproque entre la Franc-Maçonnerie et les Tempeliers."
La "Legende Templiére"est généralement reniée par la Franc-Moçonnerie. Mais tous les Franc-Maçons ne sont pas dáccord.
Le Chevalier Michel de Ramsay, disciple de Fénelon, qui organisa les premiéres Loges " spéculatives " en France, sous Louis XV, faisait remonter la Franc-Maçonnerie à la lle Croisade, à laquelle participérent Louis Vll et Richard Coeur de Lion. C'est lors de ce déplacement guerrier qu'aurait été établi le cérémonial d'admission maçonnique, encore observé de nos jours pour la réception des Apprentis et des Compagnons.
ll est vrai qu'il était facile de raccrocher les Chevaliers du Temple à la légende d'Hiram, puisque Baudouin 11, roi de Jérusalem, leur donna asile dans son palais, construit sur l'emplacement du Temple de Salomon d'où ils tirérent leur nom.
En 1737, Michel de Ramsay prononça un discours retentissant. Soulignant le soin que les bàtisseurs et les Templiers mettaient à conserver leurs secrets, leurs signes et mots de reconnaissance, il déclara que la coopération entre les maçons et les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem représentait une alliance conclue entre deux associations animées du méme esprit et vouées aux mémes tàches.
Ramsay, on le sait, contribua vers le milieu du Xvllle siécle à lancer le Rite écossais. ll introduisit les Hauts Grades qui aprés ceux de la Maçonnerie traditionnelle - Apprentis, Compagnons, Maîtres - pouvaient permettre de poursuivre les recherches initiatiques, suivant une mystique nouvelle.
D'ailleurs, nombreux sont ceux qui parmi les Hauts Grades, acceptent ce que certains dénomment avec dédain la '" légende templiére". Tous appuient leurs affirmations sur la similitude des serments ; sur la concordance existant entre la légende du meurtre d'Hiram et le supplice de Jacques de Molay, ce qui donna naissance à ce fameux 30° degré (chevalier Kadosch), qui se rattache à la destruction des Templiers et à la vengeance de leurs successeurs ; enfin, entre l'allégorie du Temple maçonnique et celle de l'ordre des Chevaliers de Jérusalem. En outre, on trouva dans la geste templiére l'explication de beaucoup des usages et des termes maçonniques.
Mais comment expliquer la filiation templiére des Maçons ?
Le Chevalier de Ramsay, pére de l'Ecossisme en France, déclarait ouvertement qu'il avait emprunté ses grades à l'Écosse où l'on sait, expliquait-il, que les Templiers s'étaient réfugiés.
ll est exact qu'un grand nombre de Chevaliers de l'ordre s'enfuirent de France pour échapper au supplice, abandonnant leurs biens, et se réfugiérent en partie en Écosse, oú, traités avec bienséance, ils furent dispersés dans des monastéres. Or c'est en Écosse que la Franc-Maçonnerie a d'abord manifesté son existence.
Ce fut à l'origine, selon certains, une forme prudente et habile pour les Chevaliers du Temple de perpétuer leur Ordre, en le camouflant aux yeux des profanes et suriout de leurs ennemis.
En créant la légende du Temple réfugié en Écosse, on établissait un rapport facile mais rapide et vague entre cette survivance et le berceau de la Franc-Maçonnerie. Faute de preuves, on ne peut admettre sans réserve la " filiation templiére ", mais il y a eu sans doute quelque osmose symbolique. ll est indéniable que la trace du Temple est peu ou prou présente, non pas dans l'organisation et l'idéal de la Franc-Maçonnerie, mais dans son rituel initiatique. E. B.